Dimanche 22 décembre 2024

Editorial

La bourse ou la vie ?

09/02/2024 7

Le Burundi vient d’ouvrir sa bourse. Mais à lire la définition d’une « bourse » dans le dictionnaire économique, je reste dubitatif : « Une bourse financière permet de faciliter le financement des entreprises, d’offrir des opportunités d’investissement, de fournir un marché liquide et transparent, et de servir de baromètre économique ».

Dans un contexte de marasme économique où tous les signaux sont au rouge, cette bourse veut « offrir des opportunités d’investissement aux entreprises ».

Quelles entreprises ? Quelles opportunités ? Les questions s’entrechoquent dans ma tête : « Fournir un marché liquide et transparent… » Vraiment ? Nous sommes où-là ?

Avant d’arriver à vendre des titres sur ce marché de capitaux, il y a d’abord des brèches à colmater. Assainir. Rassurer pour convaincre des investisseurs de venir risquer leurs capitaux dans un pays où le patron de la Banque Nationale a été arrêté et accusé de malversations financières puis libéré. Affaire classée sans suite.

Si j’étais investisseur, je réfléchirais deux fois. On n’est jamais assez prudent. Même dans les économies stables, lorsqu’on investit en bourse, il existe toujours un risque de perdre une partie ou la totalité du capital investi. Au Burundi, le risque est encore accru. Il faudrait être un peu téméraire. Je pèse mes mots.

Pire encore, elles ne le disent pas haut, mais les banques burundaises sont très endettées, leurs ressources sont essentiellement prêtées à l’Etat, la dette publique intérieure frôle les 50 %. Et comme si ce mal ne suffisait pas, voilà que certaines banques en rajoutent en se lançant dans une aventure boursière.

Un spécialiste m’a expliqué « qu’il ne faut pas investir plus que ce que l’on est prêt à perdre ». En d’autres termes, il faut être fort, avoir plus d’une corde à son arc, des économies pour qu’en cas de perte, on puisse se relever et continuer.

Quelles entreprises, quelles banques au Burundi sont assez solides pour être prêtes à perdre de l’argent éventuellement? Toutes sont en « mode survie ». Je peux me tromper.

Et on ne voit pas les investisseurs se bousculer et le secteur privé est loin d’être dynamique. Je n’ai même pas évoqué l’absence d’un cadre d’information financière, car investir en bourse nécessite une bonne compréhension des marchés et des produits financiers. Ce qui ne semble pas le cas.

Pour faire simple : pour qu’une bourse financière soit viable, il doit y avoir suffisamment d’acheteurs et de vendeurs, une stabilité économique et politique et les investisseurs doivent se sentir en confiance. Ces conditions essentielles, ne nous voilons pas la face, je ne sais pas si elles sont là.

Les Burundais, dans leur humour infini, qui leur permet de ne pas craquer, disent qu’à la « bourse de Mwaro », le jour du marché, celui-ci est rempli d’acheteurs qui n’achètent pas à cause de leur avarice proverbiale. Je ne veux pas être rabat-joie. J’espère que la bourse du Burundi ne sera pas comme le marché de Mwaro, qu’elle sera riche et dynamique.

Mais au fond, comme des millions de Burundais, est-ce que cette « bourse » me concerne ? Peut-être. Mais je n’ai pas un rond à investir. Je « vis » à découvert. Si ce soir en rentrant un bandit m’arrêtait en disant « la bourse ou la vie ». Je lui dirais, prends ma vie. C’est tout ce qui me reste…

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Jean

    Abbas a certainement raison d’être pessimiste. Mais l’une des qualités des acteurs d’une bourse amenée à se développer, est l’optimisme. Si on devait attendre de remplir toutes les conditions, soient-elles, celles dites essentielles, on ne ferait jamais rien. Ntawubanza kuzuza imyamba imbere y’ukwubaka.

  2. @ Abbas, un bon morceau comme d,habitude mais tres pessimiste. Donnons le benefice du doute aux concepteur du Bujumbura Stock Exchange ( Hahaaaa, comment s,appelle cette bourse?). Comme le Burundi est plus riche que les USA ( cfr Prdt Neva),elle va se mesurer, un JOUR, au NYSE et a d,autres grandes places financieres du monde. Soyons optimistes!!!

  3. TOM

    je pense que finalement le mot « bourse »utilisé dans  » la bourse ou la vie » à la fin de votre texte, diffère de celui utilisé dans le reste du texte. si c’est le cas, ce texte est vraiment un chef d’oeuvre. merci pour l’humour en associant « mwaro ».

  4. Ndimurukundo

    Hahahahahahaaaa! Ewe Abbas wuzuyemwo inkuru. Il n’y a pas que la vie qui te reste, il y a l’humour aussi!

  5. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Au Burundi, le risque est encore accru. Il faudrait être un peu téméraire. Je pèse mes mots… »
    2. Mon commentaire
    Le site http://www.investing.com montre que les indices de presque toutes les bourses de l’East African Community ont ete negatifs sur une periode d’un an.
    a. Nairobi all share (NASI): moins 28,075.
    https://www.investing.com/indices/nairobi-all-share
    b. Rwanda all share (ALSIRW): plus 1,03%.
    https://www.investing.com/indices/rwanda-all-share
    c. Tanzania all share (DSEI): moins 9,27%.
    https://www.investing.com/indices/tanzania-all-share
    d. Uganda all share: moins 28,42%.
    https://www.investing.com/indices/uganda-all-share

    • Stan Siyomana

      Je trouve que cet article sur cette compagnie americaine Flowflake donne une idee sur le fonctionnement d’une bourse.
      « As a reminder, the driver of a stock’s value is the sum of its future cash flows discounted back to today. With lower interest rates, investors can apply higher valuations to their stocks. No wonder so many in the investment community are optimistic about 2024. We at StockStory remain cautious, as following the crowd can lead to adverse outcomes. During times like this, it’s best to own high-quality, cash-flowing companies that can weather the ups and downs of the market… »
      https://finance.yahoo.com/news/snowflake-snow-shares-skyrocket-know-213259876.html?

      • Stan Siyomana

        A la Bourse du Burundi, il y aura tellement peu de compagnies qu’il sera difficile de pouvoir choisir 20-30 valeurs requises pour reduire les risques a travers une bonne diversification du portefeuille.
        « Le risque de marché ou risque systématique affecte simultanément la performance de l’ensemble du marché et est souvent mesuré par la volatilité. Le risque spécifique, ou « risque diversifiable », est le risque de perdre de l’argent sur votre investissement en raison d’un écueil propre à un secteur ou à une entreprise. Contrairement au risque de marché, un investisseur ne peut atténuer le risque spécifique aux actions que par la diversification…
        Les modèles mathématiques démontrent qu’un portefeuille composé de 20 à 30 compagnies peut être considéré comme suffisamment diversifié… »
        https://www.claret.ca/fr/publications/5-facons-diversifier-votre-portefeuille-2022/#:
        Kubagarira zose ko utaba uzi uruzokwera ubwambere.

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