Depuis deux semaines, l’Office Burundais des Recettes (OBR), poste frontière de Gatumba a été pointé du doigt comme acteur dans la contrebande de pagnes importés. Iwacu a fait un reportage sur cette frontière-passoire. Comment se présente la situation à la frontière nord-est du pays ?
Mardi, 15 heures. Nous faisons des pieds et des mains pour prendre place dans un taxi station wagon. A bord, deux passagers à côté du chauffeur et cinq au siège arrière. Nous quittons le parking au centre-ville de Muyinga. Destination : Murama. La dizaine de kilomètres sur la route goudronnée nous semble une éternité, tant nous étions serrés les uns contre les autres. Sur la route, pas de police de roulage. Enfin nous sortons du taxi, T-shirts collés sur la peau à cause de la sueur. Nous payons trois mille francs. Un motard nous installe tous deux derrière lui sur sa moto. La route en terre battue n’est pas si mauvaise. A peine avons-nous fait un kilomètre que nous demandons: « Murama, est-il encore un centre de transit de marchandises de fraude ? ».Le taxi motard répond, étonné : « Vous n’êtes pas de Muyinga vous autres! Qui ne sait pas que l’OBR a déjà éradiqué la contrebande ? Il suffit qu’un agent surprenne un véhicule transportant des produits de fraude et c’est une amende de 500 mille collée au chauffeur. Si c’est un motard qui est attrapé, c’est 250.000 FR bu et 50.000 Fr Bu pour les cyclistes. »
Nous arrivons à la hauteur d’une bananeraie bien entretenue. A peine l’avons-nous dépassée que nous apercevons un cycliste devant nous. « Un fraudeur ! Il transporte sûrement des yeboyebo (sandales en plastique). Mais il ne vient pas du centre Murama. Il doit avoir emprunté un des sentiers menant à la frontière. Si d’aventure il était attrapé, c’est tout son petit commerce qui est ruiné. Bien de petits commerçants préfèrent plutôt s’approvisionner à Ngozi», révèle le motard. Deux minutes après, c’est un autre cycliste. Le motard nous explique encore : « Celui-là transporte des cartons de piles et un sac de farine de blé. Ils savent qu’à cette heure, tous les agents de l’OBR sont déjà rentrés».
Murama : la fraude, une histoire d’antan
A l’entrée de Murama : une école primaire dont trois salles de classes en briques adobes et sans fenêtres. Nous dépassons des boutiques minables et nous voilà au centre Murama. Là encore, ce sont des boutiques alimentairespour la plupart. S’y vendent aussi des produits de première nécessité. Rien n’indique que cette localité était avant la création de l’OBR un centre renommé pour la contrebande. C’est que la population est pauvre.
Après un tour dans quelques boutiques, nous décidons de nous rendre au pied de la colline, sur la rivière frontière Cizanye, à plus ou moins 4 km du centre. De là, on peut voir des antennes des sociétés de communication dans la ville tanzanienne de Kabanga, à deux heures de marche. Dans la vallée et sur le versant de la colline opposée, côté Tanzanie, nous voyons des champs de cultures vivrières : maïs, haricots, manioc, choux, etc. « Au petit matin, nous traversons par centaines la rivière et allons labourer du côté tanzanien. Nous partageons la récolte avec les propriétaires terriens », nous confie un paysan rentrant des champs, traversant la rivière à gué.
« Les paysans ne font-ils pas passer des marchandises de contrebande? », avons-nous demandé. « L’OBR est omniprésent. La fraude, c’est une histoire d’antan». Quelqu’un tente de nous mettre à l’aparté et confie : « A la tombée de la nuit, quand il y a de la marchandise de fraude, tous les hommes ici deviennent des passeurs. Cela arrive rarement ces derniers temps. Les commerçants préfèrent plutôt être en ordre avec l’OBR ».
Kobero, une douane perméable, quand même
Nous quittons Murama pour la douane de Kobero. Une rangée de camions remorques en stationnement. Les chauffeurs attendent la fin des opérations de dédouanement. « Aucun véhicule ne peut passer sans être contrôlé», nous confie un chauffeur, appuyé en cela par une boutiquière de la place. Entre-temps, un pick-up militaire charge trois sacs de riz. Un autre monsieur transporte un matelas dodoma et monte les escaliers menant dans une maison à une cinquantaine de mètres d’une position de policiers. Un responsable de la Police de l’Air, des Frontières et des Etrangers (PAFE) explique que l’OBR laisse passer de petites quantités destinées à la consommation familiale. Mais un portefaix nous révèle qu’à Kobero, les très prisés matelas dodoma s’achètent à bon marché parce que des jeunes sont passés maîtres dans l’art de les faire passer un à un jusqu’à en avoir des quantités à revendre.
chapeau quand mm à l’OBR
Alors la libre circulation est favorable dans les poches de l’OBR!
Et la libre circulation au sein de l’EAC?