Après plus d’une dizaine d’années d’angoisse, c’est un ouf de soulagement pour les propriétaires de parcelles de Kizingwe-Bihara en zone urbaine de Kanyosha de la commune urbaine de Muha, au sud de la capitale économique Bujumbura. Les listes d’attribution sont déjà affichées au bureau communal et certains ont déjà vu leurs parcelles. Les acquéreurs de parcelles, quant à eux, s’interrogent sur leur sort.
La joie. Le soulagement. La satisfaction. Des mots pour décrire ce que ressentent actuellement les propriétaires de parcelles à Kizingwe. Des diatribes ont vite cédé la place aux remerciements envers les responsables de l’APTKB (Association des propriétaires des terrains de Kizingwe-Bihara).
C’est après que des listes d’attribution aient été affichées au bureau communal de Muha depuis le jeudi 14 novembre 2024. « Vraiment, nous remercions beaucoup notre association et ses responsables. Vaut mieux tard que jamais. Ça a traîné, mais voilà qu’actuellement, nous venons d’avoir nos parcelles. Que Dieu les bénisse !», réagit Jean Claude Munyenkiko, un des propriétaires de parcelles.
Ses remerciements sont également adressés au gouvernement burundais : « Il vient de nous prouver que nos doléances ont été entendues, que le dossier n’était pas délaissé comme certains le croyaient. »
Sur certaines destructions observées sur le terrain, M. Munyenkiko demande à l’Obuha (Office burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction) de les réparer avant que les gens ne s’y installent : « Il revient à cet office d’achever d’abord les travaux non encore terminés. Il s’agit, entre autres, des avenues dont le traçage n’a pas été achevé. »
Ensuite, ajoute-t-il, il faut remplacer les dalles abîmées ou volées, faire le curage des caniveaux bouchés, etc.
Quid de la mise en valeur des parcelles ?
M. Munyenkiko trouve qu’il faut laisser le choix aux propriétaires pour y construire en étages ou de simples maisons mais en matériaux durs. Ce qui demande beaucoup de temps pour se préparer et rassembler les moyens matériels nécessaires, mentionne-t-il.
F. B, est un autre propriétaire d’une parcelle. Il ne cache pas sa satisfaction : « C’est une bonne nouvelle. Honnêtement, quand j’ai entendu que l’affichage a eu lieu et que je me suis retrouvé sur la liste, j’ai sursauté, mon cœur a battu fort. Aujourd’hui, après plusieurs années d’attente et de désespoir, c’est un grand pas en avant de constater qu’on est en train de nous montrer nos parcelles. »
Interrogé le mercredi 20 novembre, il n’avait pas encore vu sa parcelle mais le plus important reste pour lui le fait que son nom et son numéro de la parcelle figurent bel et bien sur les listes affichées : « Je ne doute pas que je vais la voir. Parce que par jour, on montre les parcelles à cent personnes et cela se passe trois jours par semaine : lundi, mercredi et vendredi. »
Lui aussi demande à l’Obuha de réhabiliter les caniveaux ainsi que les avenues devenues presque impraticables après plusieurs années d’attente. Il souligne que dans certains endroits, de petits ravins commençaient à naître. « Je pense qu’avant d’y installer des habitations et des gens, cet office va y exécuter certains travaux de stabilisation. »
Réagissant sur une probable exigence de construire en hauteur, F.B est tranchant : « Vu la pauvreté dans laquelle plusieurs familles se trouvent, la cherté du matériel de construction et bien d’autres difficultés, ça serait injuste de nous imposer des maisons en étages. Il faut nous laisser le choix selon nos moyens. »
Il souligne que beaucoup de gens n’ont pas cette capacité surtout que la majorité contracte des crédits auprès des banques pour avoir un logement. « C’est le cas par exemple des fonctionnaires de l’Etat. », souligne-t-il.
Pourquoi un tel retard ?
Le retard enregistré dans le traitement du dossier Kizingwe-Bihara est reconnu au sein de l’APTKB qui dit qu’il ne relève pas de sa volonté : « C’est vrai que l’attribution a beaucoup traîné. Mais, elle n’est pas causée par notre association. Les causes sont à chercher ailleurs. C’est surtout lié aux services habilités de l’Etat. La grande responsabilité incombe à ceux qui avaient la tâche de viabiliser cette localité après que les propriétaires se soient regroupés dans une association », explique Oscar Niyonzima, vice-président de l’APTKB.
A cette époque, il rappelle que c’était encore la Société immobilière publique (SIP). Après l’accord entre la SIP et l’APTKB, un marché a été conclu avec un bureau d’étude. « Sa mission était de faire une étude de viabilisation. Après, il devait y avoir passation d’un marché pour l’exécution. Nous sommes en 2016. » Il estime que cela a pris du temps. Finalement, le marché a été confié à une société de construction.
Il fait savoir que la viabilisation de la localité a connu beaucoup de défis. Car, justifie-t-il, c’est à cette époque qu’a eu lieu le programme de remplacer la SIP par l’Obuha. Le processus a pris alors au moins trois ans. En 2019, l’office a été créé. Malheureusement, il n’avait pas encore de techniciens ni d’ingénieurs. « Il n’avait que la Direction générale et quelques cadres. » Le recrutement du personnel de terrain a aussi pris du temps.
L’autre défi est que, à un certain moment, il n’y avait pas d’argent pour payer la société qui était chargée de viabiliser Kizingwe-Bihara, indique M. Niyonzima. Il impute cela aux retards de paiement de la part de certains acquéreurs. « Suite aux impayées, la société a demandé une indemnité de 4 milliards BIF. Pour résoudre ce problème, nous avons fait beaucoup de réunions avec le commissaire de l’Obuha et la société a fini par abandonner ces indemnités. Mais, en contrepartie, elle a exigé qu’il y ait une réception unique. »
Après la réception, l’étape d’attribution a débuté. Il estime que cette tâche n’a pas non plus été facile : « C’est un travail qui a pris du temps. Parce qu’il s’agit d’une viabilisation par intégration. Après, nous avons produit un rapport conjoint (APTKB & Obuha) qui, malheureusement, a été contesté par un groupe de gens. »
Par après, il a fallu s’asseoir avec ce groupe. « Nous leur avons prouvé que leurs arguments ne tenaient pas. Ils ont fini par céder. Et voilà, les listes sont là, affichées. Ceux qui ont déjà des attestations de non redevabilité sont enfin en train d’avoir des attributions de leurs parcelles », se réjouit-il.
A ceux qui ne se sont pas retrouvés sur ces affichages, M. Niyonzima leur demande de s’adresser à l’association. « Toutes les réclamations seront traitées. », rassure-t-il.
Pour ceux qui retrouveront des champs dans leurs parcelles, il leur conseille de s’entendre avec les agriculteurs. « Normalement, on ne déracine pas des cultures. Il faut trouver une solution amicale et pacifique. », propose-t-il.
De son côté, Dieudonné Dukundane, ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux lie ce retard d’attribution aux irrégularités de plusieurs formes constatées dans les listes d’attribution. « Les plus encombrantes résultent du fait que, d’une part, la superficie des parcelles distribuées dépasse de loin celle disponible sur le site et, d’autre part, il y a le fait de double, de triple voire de quadruple attribution pour une même parcelle. »
Tel est le contenu d’une note d’information qu’il a présentée au Conseil des ministres du 19 octobre 2023. Avec une superficie d’environ 300 hectares, le site Kizingwe-Bihara comprend cinq cellules : Kizingwe, Bihara, Nyabugiga, Mukungugu et Kibembe. Cette dernière n’est pas concernée par cette viabilisation. Avec la viabilisation par intégration, 47% reviennent à l’Etat tandis que les propriétaires restent avec 53%. Les propriétaires sont composés de deux catégories : des natifs et des propriétaires acheteurs.
Inquiétude des acquéreurs
« C’est vraiment une bonne chose pour les propriétaires. Mais, pour nous qui avons payé des frais de viabilisation à la SIP, quel est notre sort ? On nous a dit qu’on va construire des logements sociaux. Mais où sont-ils ? », s’interroge un des acquéreurs de parcelles de Kizingwe-Bihara.
S’exprimant sous anonymat et sans préciser le montant déboursé, il affirme qu’il avait tout payé. Il ajoute qu’il a même des reçus de paiement. Sans doute que certains propriétaires vont tout de suite commencer à construire. Il se demande alors à quand seront affichés les listes des acquéreurs.
Néanmoins, il ne s’oppose pas à ce projet de logements sociaux.
N.K, un autre acquéreur, est aussi inquiet. « On devrait sortir ces affichages simultanément pour éviter des jalousies. Car, ceux qui ont payé à la SIP sont aussi des Burundais. Ils ont besoin d’avoir des logements. Pourquoi ce deux poids, deux mesures pour des gens qui partagent un même site ? »
En attendant, il demande au ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux de rassurer les acquéreurs. « Au moins, il faut nous dire où en est-on avec les logements sociaux. Au Socarti, j’ai entendu que les travaux auraient commencé. Quid de Kizingwe-Bihara ? », s’interroge-t-il.
Pour rappel, le Conseil des ministres du 7 juin 2023 a adopté une nouvelle politique de logement. Celle-ci privilégie le système de location-vente dans le but de réduire le stress financier des acquéreurs, lit-on dans le compte-rendu dudit conseil.
Les sites choisis pour son début étaient Kizingwe-Bihara au sud de Bujumbura et Socarti en commune urbaine de Ntahangwa, au nord de la capitale économique.
« Ce projet consiste à ériger, sur le site de Kizingwe-Bihara, au terme d’une viabilisation par intégration, 5 mille appartements en logements sociaux au lieu d’abriter 600 acquéreurs de parcelles uniquement tandis qu’à Socarti, il y sera construit 1 600 appartements en logements sociaux », précisait le dit compte-rendu.
Nous avons essayé d’avoir la réaction du ministre ayant les infrastructures dans ses attributions sur l’état d’avancement de ce projet de construction des logements sociaux à Kizingwe-Bihara, sans succès. A suivre.
Genèse du site Kizingwe-Bihara
En 2012, les propriétaires des terres dans les cellules Bihara, Kizingwe, Nyabugiga et Mukungugu ont rassemblé leurs parcelles pour créer ce qu’ils ont appelé le site Kizingwe-Bihara. Ils ont fondé l’Association des Propriétaires de terrains de Kizingwe-Bihara (APTKB). Nous sommes le 6 décembre 2012.
Pour la viabilisation de ce site, ils se sont adressés à la Société immobilière publique (SIP) qui est devenue aujourd’hui l’Office burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (Obuha).
Le 18 mars 2013, une convention entre les deux parties en présence du ministre qui avait l’urbanisme dans ses attributions, Jean Claude Barutwanayo, a été signée.
L’APTKB, donc les propriétaires, ont accepté de céder à la SIP 47% de ses terres pour rester avec 53%. C’est ce qu’on a appelé viabilisation par intégration. Dans les 47%, il y a des espaces pour la voirie, les infrastructures publiques comme les écoles, les terrains de jeux, les structures sanitaires, etc.
En 2021, le ministre d’alors en charge des infrastructures, Déogratias Nsanganiyumwami dans une réunion avec les propriétaires et les acquéreurs, avait promis que ce dossier devait être clôturé avec le 15 décembre 2021. Et ce, après l’attribution des parcelles.
La promesse n’a pas été honorée. Par après, en 2023, le ministre actuel Dieudonné Dukundane annoncera que dans la partie réservée à l’Etat, il y aura construction des logements sociaux dans ce qu’il a appelé système de location-vente. Un programme qui n’a pas encore commencé.
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