« Du retard, des promesses non tenues, des commissions sans rapport, … », dénoncent les acquéreurs des parcelles de Kizingwe-Bihara. Après plus d’une dizaine d’années d’attente, ils sont à bout de souffle et menacent de s’octroyer ces parcelles. Ils n’ont plus confiance aux responsables de leur association. De son côté, sans donner la date précise d’attribution, le gouvernement tranquillise toujours.
Vu de loin, Kizingwe-Bihara offre une image splendide. Des routes bien tracées, quelques maisons neuves aussi. On y voit également d’anciennes maisons, des étendues de terres labourées et des champs verdoyants. Bien plus, quelques chantiers de construction s’y font remarquer.
Néanmoins, arrivé sur le terrain, c’est la déception totale. La beauté qu’offrait de loin cet endroit s’éclipse. En effet, les routes tracées lors de la viabilisation sont presqu’impraticables.
De grands fossés se forment de part et d’autre. Des caniveaux qui devaient servir dans l’évacuation des eaux pluviales sont bouchés. Des ravins se forment petit à petit.
Tout cela, sous les yeux impuissants de ceux qui y ont acheté les parcelles il y a déjà plus d’une dizaine d’années. Ils espéraient y construire leurs logements pour échapper aux calvaires des locataires. Aujourd’hui, ils ne savent pas à quel saint se vouer. « Nous sommes tellement fatigués. C’est la frustration totale. Voilà, nos parcelles sont là mais nous ne sommes pas autorisés à les occuper. C’est vraiment injuste », se lamente B.K, un des acquéreurs.
Ce fonctionnaire indique que pour acheter la parcelle, il a contracté un crédit. « C’était en 2010. J’ai demandé un crédit espérant qu’après trois ans, je pouvais commencer à y construire une maison pour ma famille. En 2013, on nous dit qu’on va viabiliser le quartier. Ce qui était en soi une bonne chose. La viabilisation a eu lieu. Mais, voilà, plus de dix ans après, nous n’avons pas des lettres d’attribution. »
Ce père de famille déplore le fait que même l’association qui devait plaider en faveur des acquéreurs soit actuellement dans un silence radio. « Qu’elle sorte de ce silence et nous dise clairement ce qui se passe. S’ils ont vendu nos parcelles, nous avons besoin de le savoir. », insiste-t-il.
Le prénommé Gaspard est lui aussi dépassé par la situation. Il ne comprend pas comment une attribution des parcelles peut prendre plus de dix ans. « C’est vraiment absurde. Nous avons trop attendu. Que veulent-ils qu’on fasse au juste ? Nous sommes à bout de souffle. Nos enfants nous accusent aujourd’hui de les avoir trompés en disant que nous avons acheté des parcelles.
Les miens me demandent souvent pourquoi on vit encore dans une maison louée alors que nous avons une parcelle à Kizingwe-Bihara. »
Des questions très gênantes et difficiles à répondre, ajoute-t-il. Il se souvient que lorsqu’il a acheté sa parcelle, il pensait qu’après deux ans, il sera chez lui. « C’était en 2018, après la viabilisation de la localité. Et voilà, on attend toujours. » Il dénonce d’ailleurs des promesses non tenues de la part de plusieurs autorités sur cette question. « On nous avait promis qu’avant la fin de 2021, le dossier sera clos. Il en a été de même en 2022, et en 2023. Dernièrement, il y a eu une commission envoyée par la Primature pour enquêter sur certaines irrégularités évoquées dans ce dossier. Mais il n’y a pas eu de rapport en retour. Nous espérions que l’affichage allait suivre. »
Un plan de recollement
Pour clore ce dossier Kizingwe-Bihara, Gaspard demande au chef de l’Etat d’intervenir avant que ces parcelles ne soient une source de conflit interminable.
En effet, explique-t-il, il y a un plan de recollement des parcelles qui aurait fuité des services techniques de l’Office burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, et a été partagé dans différents groupes whatsaAp des acquéreurs et des propriétaires. « Ce dernier montre clairement à chaque acquéreur où se trouve sa parcelle. Les gens se préparent pour aller commencer les constructions. »
D’après lui, c’est sur base de ce plan que les gens sont en train de se mobiliser. « Ce qui est vraiment compréhensible parce que l’attente a été tellement longue. Supposons que quelqu’un avait contracté un crédit pour construire et que plus de dix ans après, il n’a pas la parcelle. Que feriez-vous si vous étiez à sa place ? »
Cependant, cet homme reconnaît que ce plan fuité risque de créer d’autres problèmes si l’Obuha n’intervient pas pour clôturer le dossier. « Il y a des acquéreurs qui ne sont pas sur ce plan. Ils sont toujours en train de réclamer. Qui va accepter qu’on construise dans sa parcelle alors qu’on ne lui a pas encore montré la sienne ? Malheureusement, que ce soit chez l’Association des propriétaires de terrains de Kizingwe-Bihara, APTKB, ou l’Obuha, c’est le silence alors qu’ils sont au courant de cela. »
Ceux qui ont des réclamations sont nombreux et de plusieurs catégories. Les uns disent que leurs parcelles ont été amputées de quelques ares ou mètres tandis que d’autres affirment qu’ils ne se sont jamais retrouvés sur les listes.
C’est le cas d’O.P, un sexagénaire qui indique que lorsqu’il y a eu le premier affichage, il s’est retrouvé sur la liste. « Mais, après, mon nom a disparu pour du bon sur les différents affichages qu’APTKB a mis. Quand la commission de la Primature est venue enquêter, on nous a demandé de montrer des reçus de mesurage de la parcelle. Or, quand j’ai acheté la parcelle, l’association ne m’a pas donné ce reçu. » Il souligne qu’il a donné l’argent à un certain Jean Paul qui, selon lui, était à la tête de l’association.
Des promesses trompeuses
En 2021, le gouvernement avait donné jusqu’au plus tard le 15 décembre pour attribuer les parcelles de Kizingwe-Bihara aux acquéreurs. Une promesse faite publiquement par Déogratias Nsanganiyumwami, alors ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux.
C’était à l’issue d’une réunion du 9 octobre 2021 tenue avec les acquéreurs et les propriétaires de ces parcelles.
Une période d’une semaine avait d’ailleurs été donnée à l’APTKB pour corriger toutes les erreurs et actualiser les listes à afficher. Les propriétaires et les acquéreurs avaient beaucoup apprécié cette annonce avant d’être déçus.
En novembre 2022, constatant que les promesses du ministre Nsanganiyumwami n’ont pas été tenues, les acquéreurs ont fait un sit-in devant le ministre ayant les infrastructures dans ses attributions.
Une promesse encore non tenue ! En effet, en janvier 2023, les acquéreurs sont retournés au ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux. Un autre sit-in a eu lieu. Ils sont rentrés avec une promesse du ministre Dieudonné Dukundane selon laquelle les listes des acquéreurs seront affichées dans une période ne dépassant pas un mois. Plus d’une année après, cette affiche n’a pas encore eu lieu.
En 2023, le gouvernement a annoncé un autre programme pour Kizingwe-Bihara pour privilégier le système de location-vente en vue de réduire le stress financier des acquéreurs.
A la sortie du Conseil des ministres du 7 juin, il a dévoilé le projet d’y ériger des logements sociaux. « Ce projet consiste à ériger sur le site de Kizingwe-Bihara, au terme d’une viabilisation par intégration, 5 000 appartements en logements sociaux au lieu d’abriter 600 acquéreurs de parcelles uniquement. Le site a une superficie de 300 hectares. 53 % reviennent aux propriétaires des terrains tandis que les 47% restent à l’Etat », était écrit dans le compte-rendu dudit conseil. Le projet n’a pas encore démarré plus d’une année après. Le coût de viabilisation du site Kizingwe s’élève à plus de 16 milliards BIF.
Nous avons tenté, à plusieurs reprises, d’avoir l’avis de l’association APTKB mais en vain. De son côté, interrogée sur le dossier Kizingwe-Bihara lors d’une émission publique tenue dernièrement à Bururi, Jeanne Mukenguruka, porte-parole du ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux a tranquillisé les acquéreurs. « Soyez tranquilles. La question est connue et elle est en train d’être étudiée. Patientez afin que vous ayez des parcelles sans conflit. », avait-elle répondu.
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