Le 28 fevrier et 4 mars, respectivement sur les collines Kiyonza et Rugasa de la commune Bugabira, en province de Kirundo, deux personnes accusées de sorcellerie ont été tabassées à mort. Actuellement, bien que l’administration se veuille rassurante, elles craignent pour leur sécurité.
Depuis l’incident, une peur sans nom habite les victimes. Constamment sur le qui-vive, à tout instant, elles redoutent qu’elles ne soient pas de nouveau prises pour cible. «Ils m’ont dit que le conflit est loin d’être terminé », raconte sans peine Jérôme Munyentore, la victime de la colline de Kiyonza. Ne sachant pas à quel saint se vouer, il dit s’être remis entre les mains de Dieu.
Une situation, il y a une semaine qu’il était loin de redouter. Dans l’après-midi du mardi 26 février, un voisin lui signifie que des gens le cherchent vainement chez lui. Plus inquiétant, il lui indique qu’il doit faire vite au risque que ça lui « tombe dessus ». Un étonnement total. « Car, sur le coup, je ne voyais pas la faute que j’avais commise au point qu’elle me tombe dessus ».Sur son chemin qui le mène à la maison, une voix de l’intérieure lui dit de ne pas rentrer directement. « J’ai senti que quelque chose crochait .Et là, je me suis dit que le mieux était d’abord que je prévienne l’administration communale ». Un choix salvateur. Le temps d’arriver au chef-lieu communal, déchaînée, la foule de gens s’en est déjà pris à tous les siens à la maison. La police interviendra à temps la situation se dégénère. Entretemps, M. Munyentore se réfugie tout près du chef-lieu de la commune à Ruhehe. « Comme l’administrateur n’était pas sur place, son conseiller socio-culturel m’a suggéré d’attendre un peu, qu’il va m’accompagner le lendemain après que les esprits se soient apaisés ». Un répit de courte durée .Puisque lorsqu’il regagne la maison, le jeudi 28 février, ils sont pris à partie par la même foule. Le conseiller n’est pas épargné. Battus sérieusement, ils parviennent à tirer leur épingle du jeu grâce à l’aide des forces de l’ordre. Toujours malmené, il ne compte pas céder aux intimidations. « J’ai assez fui ! S’ils reviennent tant pis, adviendra que pourra».
A l’origine, des jalousies
Mi-février, Venant Nzigirabasya de la colline Rugasa avec toute sa famille sont accusés de sorcellerie, ils sont passés à tabac. Ils échappent de peu à la mort, ne devant leur survie qu’à l’intervention rapide de la police. « Durant les 4 ans que je viens de passer à Rugasa, un scénario impensable. Car, j’ai toujours vécu en parfaite harmonie avec les voisins. »
Selon des sources concordantes, toutes soutiennent que ces suspicions sont liées aux jalousies .La cause : les disettes récurrentes. « N’ayant pas de quoi mettre sous la dent, certains habitants ont développé ce stratagème .Ils accusent certains de leurs voisins d’être des sorciers, après quoi, ils s’accaparent de leurs récoltes ou de leurs biens ».
Une situation, confient ces sources, qui si rien n’est fait dans l’immédiat, risque de s’étendre dans toute la province. Pour le moment, à cause des menaces incessantes, Venant et sa famille sont retournés vivre à Kiyonza. Et d’après leurs amis, leurs biens et leur maison ont été vandalisés. Face à cette recrudescence des supposés cas de sorcellerie, l’administration demande à la population de ne pas se faire justice. « Vous avez beau avoir des suspicions, mais, de grâce, ne vous rendez plus justice », leur a intimé Alain Tribert Mutabazi, gouverneur de la province Kirundo.
Craignant que la vendetta populaire ne s’érige en règle, M. Mutabazi laisse entendre que désormais, ils seront sans pitié pour les auteurs de ces forfaits. « A bon entendeur salut ! Les contrevenants sauront à quoi s’attendre ».
Du reste, il demande de se respecter dans leurs différences d’opinions, d’ethnies, etc. « La diversité, c’est sacré. C’est ce qui rend le monde meilleur, alors appréciez-vous mutuellement ». Pour rappel, il y a 3 mois, pareils cas de sorcellerie se sont manifestés dans cette même commune de Bugabira, précisément sur la colline Gaturanda. Un vieux de 70 ans et sa femme avaient été tués sous prétexte qu’ils étaient des sorciers.
Dans d’autres provinces, à Rumonge, il y a 3 semaines, un homme a été condamné en flagrance après que les faits aient été avérés. Et tout récemment, dans la zone Karondo, une femme a été sauvée de justesse alors que la population allait la brûler vive.