Le manque de moyens financiers, des candidats à l’apprentissage qui se font attendre et des primes des employés impayées. Tels sont les défis qui minent la bonne marche des centres d’enseignement des métiers de la province Kirundo.
A plus de 5 Km du chef-lieu de la commune Kirundo, sur la route menant vers la frontière burundo-rwandaise, à droite se trouve une bifurcation menant sur la colline Mwenya. Trois établissements scolaires s’y côtoient : un Lycée communal, une école fondamentale et un nouveau venu, un centre d’enseignement de métier. C’est dans le cadre de la 55e célébration de l’indépendance qu’il a été inauguré, en 2017, par le président Pierre Nkurunziza.
Ce matin du 28 janvier 2019, tout y est calme. Les élèves de l’Ecofo et du lycée communal suivent attentivement les cours. Curieusement, le bâtiment abritant le centre d’enseignement des métiers (CEM) est fermé. Pas d’élèves ni de professeurs. Rien ne semble indiquer qu’il est fonctionnel.
Après une attente d’une heure, le directeur du CEM arrive à vélo. « Je viens d’arpenter la vallée. Nous possédons une petite rizière comme lieu d’expérimentation pour nos apprenants », fait-il savoir, tout en sueur.
Après avoir repris son souffle, Sylvestre Mbonyiyeze explique que son établissement s’inscrit dans la politique du gouvernement de multiplier les centres de formation des métiers. D’après lui l’exécutif a l’ambition de construire un centre d’enseignement de métier sur chaque colline du pays. Il est venu pour aider les élèves qui ont échoué le test national de la 9ème année fondamentale.
Ceux qui ont triplé leur année ou ayant eu des grossesses y sont aussi éligibles. « Au début nous accueillions ceux qui ont un niveau 6ème primaire. Cependant nous nous sommes rendu compte qu’ils n’avaient pas le niveau suffisant pour suivre les cours. La plupart n’ont pas pu tenir. Ils ont tout de suite jeté l’éponge », annonce-t-il.
Deux filières y sont ouvertes : L’agriculture et l’élevage. L’établissement possède un cheptel de vaches, de porcs, de lapins et de poules. Cependant, d’après le directeur, le gouvernement n’a prévu aucun budget pour les entretenir. Le centre doit se débrouiller pour les nourrir.
Les frais scolaires sont fixés à 5000 Bif par trimestre et la rentrée scolaire coïncide avec celle des autres écoles. Sauf que pour l’année scolaire en cours, aucun élève ne s’est fait inscrire. Pourquoi ce désintérêt?
Olivier Kayobera, un jeune homme voisin du centre d’enseignement, a échoué la neuvième année en 2017. Mais, l’idée de rejoindre cet espace pour apprendre un métier ne l’emballe pas. Selon lui, le manque d’argent pour trouver les photos passeport a freiné son ardeur de se faire inscrire. Une justification qui ne tient pas la route, aux yeux du directeur Mbonyiyeze.
M. Mbonyiyeze pense plutôt que le problème est dans la sensibilisation. : « La population locale a besoin d’être toujours conscientisée sur l’importance des centres de métier. Sinon, elle est réticente pour des raisons que j’ignore encore.»
Cet éducateur raconte que lorsque le centre a été ouvert, les administratifs à la base s’impliquaient personnellement pour que les jeunes s’inscrivent. Il déplore qu’il y ait eu un relâchement.
Les enseignants toujours pas rémunérés
La durée du cursus au centre d’enseignement de Mwenya est de deux années. La première est celle d’apprentissage, la deuxième est consacrée à la réinsertion. Actuellement, 16 lauréats sont supposés être dans cette deuxième phase. Sa mise en œuvre piétine faute de partenaires. Si le centre avait un appui suffisant, le directeur assure qu’il attirerait plus de jeunes.
Le centre fait également face à un problème d’enseignants. Seul le directeur est l’employé du gouvernement. Les enseignants n’ont qu’un contrat de vacatariat. Donc, ils ne sont pas embauchés à temps plein. Malheureusement, leurs prestations n’ont jusqu’ici pas été rémunérées. C’est le même cas pour tous les enseignants des centres de métiers de la province Kirundo. Elle en compte une dizaine.
T.N. enseigne au centre des métiers de Nyagisozi en commune Busoni. Lui et ses confrères vivent des jours difficiles. « On ne cesse de nous dire qu’on va être payé prochainement. C’est le même refrain quand nous revendiquons nos salaires », dit-il, découragé.
Il ne sait plus à quel saint se vouer. La survie de sa famille ne tient qu’à un fil .Lui et ses collègues souhaitent d’être régularisés rapidement. Et si possible que l’Etat puisse les embaucher.
A part les filières d’agriculture et d’élevage, le centre de Nyagisozi compte celles de menuiserie, maçonnerie et couture. Dative Nijimbere a fini sa formation en couture. Cette jeune femme demande au gouvernement de leur offrir du matériel pour qu’ils pratiquent aisément leur métier.
Contacté, Pascal Nshimirimana, directeur général de l’enseignement des métiers, assure que les primes des vacataires seront disponibles « incessamment». Et pour leur intégration à temps plein, il affirme que « les organes habilités vont s’y pencher ».