Plus proche du Rwanda que de la capitale Bujumbura, cette commune située aux confins nordiques du Burundi se trouve presque à cheval sur deux pays. Malgré la situation tendue entre ces pays frères, la vie à Kirundo suit son traintrain quotidien.
Les 200 kilomètres séparant Bujumbura de la commune Kirundo n’iront pas sans fatiguer le voyageur le plus rompu aux longs trajets. La zone éponyme, servant de centre économique et administratif pour la commune, est la dernière grande agglomération burundaise avant d’atteindre le Rwanda.
Ce centre est situé à une trentaine de kilomètres du poste-frontière burundo-rwandais de la zone tampon de Gasenyi-Nemba. Cette proximité avec ce pays jumeau a une incidence sur l’économie de la région. Un commerce transfrontalier, pas aussi florissant maintenant qu’avant, s’est tissé au fil du temps. Ce voisinage n’a pas déteint que sur le commerce. Le kirundi parlé dans cette région pourrait parfois être confondu au kinyarwanda, tandis que la grande fierté de Kirundo, les danseurs Intore, sont aussi adulés outre-Kanyaru.
Parmi les incontournables de Kirundo, les lacs de la région naturelle du Bugesera. Une partie du lac Cohoha, et la totalité du lac Rwihinda se retrouvent dans la commune Kirundo. Surnommé lac aux oiseaux de par les nuées d’oiseaux qui peuplent ses petites îles et ses bordures, ce lac n’est pas qu’un attrait touristique. Ses profondeurs insondables font vivre plusieurs personnes à Kirundo.
Kirundo nous fait vivre
De pêcheurs à guides touristiques, en passant par des jeunes entrepreneurs, le lac Rwihinda mobilise pas mal de jeunes, déterminés à gagner leur vie de toutes les façons possibles. Jean Claude, jeune cultivateur, confectionne à ses heures perdues des samoussa, sorte de beignets à la forme triangulaire. Chaque matin, bonnet rasta sur la tête, il prend sa minuscule barque pour aller sonder les profondeurs boueuses du lac à la recherche de poissons. « Comme ça, je n’ai plus besoin d’aller acheter du poisson à utiliser dans mes samoussa », confie-t-il.
Ce braconnage n’est pas pour plaire à Ndereyimana, guide touristique, mais aussi agent du service de l’environnement. S’il tolère la pêche minimaliste de Jean Claude, il fait énergiquement la chasse à tous les autres braconniers qui évoluent sur le lac. « Regardez la beauté de ce site. Est-ce qu’il mérite que des gens viennent inconsciemment détruire tout ça ? », fulmine-t-il. Son message ne s’adresse pas qu’aux pêcheurs, ceux qui exploitent les bordures du lac étant aussi concernés.
En référence d’une exploitation respectant les normes environnementales, Ndereyimana évoque le bar Rwihinda Beach.
Prenant un peu de hauteur sur le lac, auquel il est aussi accoudé, ce bar conçu pour attirer les touristes a été initié par un jeune entrepreneur de Kirundo, évoluant dans la capitale, Ezéchiel Ndayishimiye, alias Bouba Star. « Il faut entreprendre. Si on ne développe pas notre région d’origine, on aurait travaillé toute notre vie pour rien. Rwihinda Beach va me profiter, profiter à ma commune, mais aussi indirectement à mon pays. », confie-t-il, une fierté contenue dans la voix.
Ces valeurs de patriotisme sont celles véhiculées par le club Intarambirwa, regroupant des danseurs Intore de la colline Mwenya, dans la zone Kirundo rural. Pour Pascal Bitorwa, son président, Intore est avant tout une attitude, un comportement.
« Pour intégrer notre club, on doit d’abord s’informer pour savoir si tu as la plus grande qualité requise pour être Intore, le noblesse du cœur », informe Pascal. Une valeur que les jeunes de Kirundo appliquent dans leur vie de tous les jours.
Chez nous, interdit de croiser les bras
Tous les jours, Joël Hagabimana et son aide s’escriment sur une scie manuelle aux dimensions démesurées. Débitant des troncs en planches, à la seule force de leurs bras, ces menuisiers ne semblent pas se rendre compte de la rudesse de leur travail.
« Quoi ? Je suis très bien avec ce métier », affirme Joël. L’essentiel pour lui est qu’il nourrit sa famille, et avec six à huit planches par jour, chacune vendues à 3500, ce jeune père de famille se dit très satisfait de sa petite vie.
Le travail de Joël prend beaucoup de temps et d’énergie, mais il n’est pas seul à courir avec le temps. Angèle Manirambona est une commerçante qui exerce au chef-lieu de la commune Kirundo. Sa boutique contient différents produits, allant de la verroterie jusqu’aux sucreries, en passant par le vin de bananes. Dans un coin de la boutique, une marmite bouillonne sur le feu. « Non, ce n’est pas un restaurant. Je cuisine ici pour mes enfants qui sont à l’école, je perdrais du temps et des clients si je rentrais chez moi », explique-t-elle. Pour elle, celui qui a dit que le temps c’est de l’argent savait ce qu’il disait.
Mais malheureusement, d’autres ont plus que du temps à perdre, suite au chômage endémique de la région. Pour faire face à cette situation, certains jeunes essaient de gagner leur vie grâce à leurs talents respectifs. Amani Tuyininahaze, artiste dessinateur, peintre, et sculpteur a ouvert un petit atelier au centre de Kirundo. Certains parmi les jeunes diplômés, n’ayant rien à faire, vont vers lui pour se faire quelques sous. C’est comme ça que Régis Vyiyingoma est devenu peintre, gagnant assez pour se payer au minimum un savon de lessive. Car pour un jeune de Kirundo, il vaudrait mieux marcher avec le diable dans la poche, qu’avoir un col de chemise souillé.
Kirundo en quelques lignes
Kirundo est une des sept communes de la province éponyme. Elle est composée de quatre zones : Kirundo centre, Kirundo rural, Gikuyo et Cewe. Sa superficie est de 207,7 km².À la fin de l’année 2015, sa population était estimée à 99 013 habitants. La commune se trouve dans la région naturelle de Bugesera.
L’économie de Kirundo est basée principalement sur l’agriculture, l’élevage et le commerce
Atouts et défis majeurs
Atouts
Un cheptel non négligeable, sa proximité avec le Rwanda, des sites touristiques, le dynamisme de la population…
Défis
Le chômage, les aléas climatiques, la situation politico-sécuritaire pesant sur l’économie…
Amani Tuyininahaze, d’informaticien à peintre-sculpteur
Artiste multidisciplinaire, ce jeune informaticien a créé depuis janvier un atelier d’art très prospère au centre de Kirundo.
Le petit atelier de Amani se trouve en contrebas de la chaussée surélevée de la RN14, au niveau de l’agence de voyage Volcano. « Maison d’art et de culture de Kirundo », signale une pancarte à la calligraphie recherchée sur la route. Et devant l’entrée de la ‘‘maison’’ proprement dite, des pancartes séchant au soleil, d’autres à demi peintes sont posées à même le sol.
L’intérieur de l’atelier respecte le même désordre que l’extérieur. Un capharnaüm de pots de peintures, plans, bustes, et d’autres instruments inconnus du profane, jonche le sol. Sur les étagères, natures mortes, portraits, tableau représentant la vie rurale, accrochent le regard. C’est dans cet univers qu’Amani exerce son, ou plutôt, ses métiers, depuis janvier 2016.
Artiste dans le sang
Né en 1990 à Kirundo, colline Kirundo, le jeune Amani découvre ses aptitudes très tôt. « Je me souviens qu’en 3ème primaire, je me suis fait attraper en train de dessiner, et j’ai été puni », évoque le jeune artiste musulman, un sourire sur les lèvres. En 6ème primaire, il réalise sa première pancarte.
Amani fait la moitié de son secondaire à Kirundo, puis en 2009, déménage à Bujumbura pour étudier l’informatique. En parallèle, il commence à se familiariser avec la sculpture. Son diplôme en poche, il part en 2013 en RDC pour une formation d’une année sur la sculpture.
En 2014, il revient au Burundi, puis commence à chercher du travail avec son diplôme d’informaticien, en vain.
À quelque chose malheur est bon
Après une année et demie de chômage, Amani décroche un travail dans le tout nouveau Bureau Touristique de Kirundo, en tant qu’informaticien. Quelques mois plus tard, le centre ferme. « Tout à fait normal, vu la situation politico-sécuritaire dans laquelle on se trouve, ça n’incite pas les gens à voyager », regrette Amani.
Décidé de ne plus retourner croiser les bras à la maison. Il cherche quelqu’un qui pourrait lui sous-louer une petite chambrette au centre-ville. En quelques temps, il la transforme en atelier.
Actuellement, plusieurs jeunes de Kirundo vont le voir pour apprendre à peindre ou à sculpter. Quant à sa première profession, à savoir l’informatique, le jeune homme ne veut plus en entendre parler. « Entre faire un travail que vous n’aimez pas pour un salaire de misère et pratiquer le métier qu’on aime et qui te fait vivre, le choix est vite fait », tranche le jeune artiste.
Kirundo s’exprime…
Un soutien pour les initiatives, clament certains jeunes de cette commune. D’autres appellent la jeunesse à exploiter leurs talents. Au même moment, des femmes, en précarité, réclament une aide d’urgence…
Issa Ndagijimana : « Il faut soutenir les initiatives »
Représentant légal du club culturel Intarambirwa, ce jeune rêve de voir leur club se doter d’un grand centre culturel, « où nous allons apprendre à tous les enfants à devenir de bons danseurs ». Mais pour y arriver, Issa lance un appel à tous les acteurs qui sont concernés par la sauvegarde et la perpétuation de la culture.
En attendant, le club Intarambirwa encadre 52 jeunes écoliers, et Issa espère les voir plus tard vivre de leur art.
Régis Vyiyingoma : « Exploitons nos talents. »
Diplômé de la section juridique, ce jeune peintre regrette le fait que les jeunes attendent toujours un soutien venant de l’extérieur. « Il arrive que celui qui était censé t’aider ne t’aide pas, alors, faut-il croiser les doigts ? », s’interroge-t-il. Non, il faudrait savoir compter sur ses propres forces. « Si quelqu’un a un don en lui, il faut chercher à l’exploiter à tout prix », exhorte-t-il.
Francine Mukandagano : « Venez nous sauvez ! »
Pour faire face à la pauvreté, cette cultivatrice s’est reconvertie en aide-maçon. Elle lance un cri d’alarme: « Venez nous aider, sinon on va tous mourir de faim. » En attendant, cette veuve et mère de trois enfants trouve que le manque de parole des femmes dans la société n’est pas pour arranger la condition féminine.
Par manque de crédibilité, les cadres du cndd-fdd vendent une video de Mme Conciliya Nibigira pour la présenter comme étant une opposante et qui est reconnue par la loi.
Mais:
– De quelle loi s’agit-il? Celle dictée par le cndd-fdd aux upronistes?
– De quelle opposante s’agit-il ? Celle qui dirige une société d’assurance nationale dans un pays qui voit disparaitre du jour au lendemain tous ceux qui sentent l’odeur de l’opposition?
@tweet de Nancy Ninette
Très bon reportage et j’adore trop Kirundo. Dommage que les engagements de la stratégie nationale de développement du tourisme n’ont pas été mis en oeuvre notamment l’hotel international de Kirundo et le parcours régional de golf.Mais désespérons pas de voir ce Miami deployer toutes ces ailes car j’apprends que les initiatives sont légions(universités,stades,pavage des routes,etc)