Le représentant du CNL dans la zone Kirundo-rural a été blessé à la machette par deux jeunes hommes dans la nuit du 5 janvier. Des Imbonerakure et le chef de colline de la colline Mwenya sont pointés du doigt. En commune Busoni, des militants de ce parti ont aussi été tabassés.
Des compresses sur la tête et sur les bras, Julien Bakanibona est mal en point. Lundi 6 janvier, ce représentant du CNL dans la zone Kirundo-rural était hospitalisé à l’Hôpital de Kirundo. Sa voix est presque inaudible. Il a du mal à marcher. Des blessures sont visibles au niveau de la tête, des bras et de l’aisselle. «Ce sont des coups de machettes», fait savoir Julien Bakanibona. Dimanche dernier à 19h, il a été attaqué près de chez lui sur la colline Mwenya.
«Je rentrais chez moi lorsque j’ai vu deux hommes devant la maison du chef de colline. Je les ai salués. Sans me répondre, ils se sont jetés sur moi avec des machettes». Julien Bakanibona a essayé de se défendre, sans succès. «Je suis tombé par terre et j’ai continué à crier. Des voisins sont venus me secourir et les assaillants se sont enfouis».
Ce qui étonne les habitants de la colline Mwenya, c’est que le chef de colline, Pierre Bukuru, le chef du parti au pouvoir au niveau collinaire, Vital Ngabonziza alias Gapigigi et le chef des Imbonerakure étaient tout près, mais personne n’est venu le secourir. «Ils étaient à moins de 50 mètres, mais ils ont continué à boire de la bière, comme si rien n’était», indique un habitant de cette localité. «On dirait qu’ils savaient ce qui se passait».
Et on lui refusa du secours
Les voisins s’organisent pour l’amener à l’hôpital. D’après des sources à Mwenya, un infirmier du nom de Gaspard Rwasa n’aurait pas voulu que Julien soit évacué sur une moto. «Il disait qu’il a loué la moto pour 4 jours. Qu’il en a besoin 24h sur 24». Un certain Majambere alias Nyundo star, un chef des Imbonerakure, a menacé lui aussi le motard. La victime sera évacué à vélo jusqu’au Centre de santé de Mudugudu où une ambulance viendra l’évacuer jusqu’à l’Hôpital de Kirundo.
Selon les habitants, les deux jeunes hommes, qui ont attaqué Julien Bakanibona, avaient passé l’après-midi sur le petit centre Kanyegeyege où a été attaquée la victime. «Lorsque Julien nous a dit comment ils étaient habillés, nous nous sommes souvenus d’eux. Depuis l’après-midi, ils étaient en train de boire de l’alcool. Ils ne sont pas de notre colline».
Le chef de colline indexé
Les habitants affirment que des mobiles politiques sont derrière cette tentative d’assassinat. Pierre Bukuru, Majambere et Vital Ngabonziza sont pointés du doigt. «Ces personnes font la pluie et le beau temps. Ils sont impliqués dans toutes les violences contre les opposants». Les militants du CNL ne doutent pas de l’implication de ces 3 personnes. «Pourquoi ils ne sont pas intervenus alors qu’ils entendaient les cris de Julien?», s’interrogent-ils. Selon eux, le chef de colline a donné l’ordre aux Imbonerakure de tabasser Julien Bakanibona et Elias Ruberintwari chaque fois qu’ils les verront. «Il l’a dit lors d’une réunion. Il disait qu’il n’y aura pas de répercussions».
Julien Bakanibona indique que ce n’est pas la première fois qu’il est attaqué : «Le 26 août dernier, des gens m’ont attaqué et ont blessé ma vache». Julien Bakanibona a intégré le CNL en 2017. « Il a quitté le Cndd-Fdd après l’assassinat de son beau-père. Ce dernier était membre du Frodebu. Il a été assassiné chez lui. Julien était même le chef des Imbonerakure sur cette colline», confie un proche de la victime. Les autres militants du parti au pouvoir n’ont pas digéré cette défection. «Il pense qu’il divulgue leurs secrets».
Pour les militants du CNL, le chef de colline devait être interrogé sur ce qui s’est passé. «Malheureusement, personne n’est jusqu’à maintenant inquiété». Pierre Bukuru balaie du revers de la main ces accusations : «J’étais à 100 m de l’endroit où Julien a été attaqué, mais auparavant il y avait un homme qui se chamaillait avec sa femme. Quand j’ai entendu les cris, j’ai pensé que c’est le même couple. C’est par après qu’on est venu me dire que Julien a été attaqué.» Le chef de colline nie être impliqué dans ce dossier ni dans d’autres incidents. «C’est normal qu’on m’accuse, c’est de la politique».
Selon lui, une autre raison est qu’il a refusé que le CNL ouvre sa permanence à Mwenya. «Cette dernière se trouve à 20m de celle du Cndd-Fdd. De plus, elle sert de salle de réunion à l’administration. En tant que chef de colline, je ne pouvais pas autoriser cela». Pierre Bukuru indique que les accusations contre les Imbonerakure sont infondées : «S’ils ont des preuves tangibles contre moi, je suis prêt à répondre devant la justice. De même que n’importe quel Imbonerakure. La responsabilité est individuelle.»
Après la tentative d’assassinat de Julien Bakanibona, Elias Ruberintwari, membre du CNL et frère du chef de colline, craint lui aussi pour sa vie. «Le 3 janvier 2020, des gens ont lancé des cailloux sur ma maison pendant la nuit».
Selon lui, les militants du Cndd-Fdd le harcèlent pour quitter le Cndd-Fdd. «Ils menacent même de détruire mon champ de maïs, si je ne change pas. J’ai peur, mais on ne désarme pas». Selon des sources à Mwenya, les militants du parti de l’Aigle ont une dent contre Elias Ruberintwari parce qu’il a donné sa maison pour y implanter une permanence collinaire du CNL. «Ils menacent de détruire la maison. Ils ont juré que le CNL n’ouvrira jamais une permanence à Mwenya».
Passage à tabac à Busoni
Dimanche 5 janvier, Elihoud Nzisabira et Etienne Ndayisenga de la zone Gatare en commune Busoni ont été tabassés par des Imbonerakure. «J’étais en train de discuter avec un ami sur un cas d’un militant du CNL qui avait été tabassé la veille. Un Imbonerakure nous a entendus et il a alerté les autres. Ils ont commencé à me tabasser et ils m’ont jeté par terre puis ligoté pendant plus d’une heure. J’ai encore des traces aux bras», raconte Elihoud Nzisabira.
Etienne Ndayisenga, un autre militant du CNL d’une cinquantaine d’années, a écrit un message à un «ami» Imbonerakure lui demandant pourquoi ils sont en train de tabasser un militant du CNL. «Ils sont allés le cueillir chez lui et ils l’ont tabassé sérieusement. Pour être relâchés, ils ont payés chacun 20.000Fbu», témoigne un habitant.
Les militants du CNL accusent Prosper Mugema, chef des Imbonerakure dans la zone Gatare, d’avoir donné l’ordre de les tabasser. Elihoud Nzisabira a porté plainte contre lui. Après deux convocations, il ne s’est pas encore présenté devant l’OPJ. D’après des sources à Gatare, il aurait déclaré :«Un CNL ne peut intenter un procès à un ‘’zoulou’’». Iwacu a cherché Prosper Mugema, sans succès.