De Bwambarangwe à Ntega en passant par Bugabira, l’intolérance politique règne en maître. Des passages à tabac et des arrestations sont légion. Les militants du Congrès National pour la Liberté (CNL) d’Agathon Rwasa paient un lourd tribut. Ils pointent du doigt l’administration et les Imbonerakure du parti au pouvoir.
Dossier réalisé par Fabrice Manirakiza, Rénovat Ndabashinze et Arnaud Igor Giriteka
Fabrice Sendegeya a du mal à lâcher un seul mot. Il parle doucement. Il faut se pencher pour entendre ce qu’il dit. « J’ai des douleurs lancinantes au niveau de la poitrine. J’ai du mal à respirer ». Il saigne du nez. Son visage est enflé. Des marques de coup sur la tête et sur la poitrine. Tout comme chez son ami Vincent Ndikumana. Des marques de morsure sont visibles sur la poitrine. Contrairement à son ami, il arrive à articuler des mots, mais péniblement. «Parler et respirer est très douloureux. J’ai des maux de tête interminables».
Ces deux militants du parti CNL, avec deux autres, ont été tabassés par les Imbonerakure, dimanche 9 juin, à 16 h, sur la colline Gitwenzi de la commune Ntega en province Kirundo.
Ce jour, sirotant sa bière de maïs communément appelée Umugorigori, Fabrice Sendegeya est dans un premier temps, malmené par un Imbonerakure du nom de Murengera. Il l’accuse de les espionner pour le compte du parti CNL. Originaire de la colline Susa, zone Murungurira, Fabrice Sendegeya ne répond pas à la provocation. Il continue de savourer sa bière.
Après quelques minutes, arrive un autre Imbonerakure du nom de Pasteur Nduwayo, responsable du parti Cndd-Fdd sur la colline Susa. Fabrice Sendegeya doit de l’argent à Pasteur. Ce dernier commence à lui réclamer son dû. L’autre de lui répondre qu’il n’en a pas, mais promet de rembourser prochainement. «Il m’avait prêté 108.000BIF. Il a confisqué mon téléphone portable afin de récupérer les 40.000BIF qu’on nous donne tous les deux mois dans le projet Merankabandi. Il ne reste qu’une somme de 18.000BIF », raconte-t-il.
D’après les témoins de la scène, Pasteur Nduwayo continue à l’insulter en lui disant qu’il est par ailleurs un «igipinga» (opposant). «Il lui promettait une raclée mémorable», assurent des témoins.
Le passage à tabac
La provocation a continué. «Il lui a balancé un tabouret dans le dos alors que le jeune homme allait partir». Trois amis de Fabrice Sendegeya à savoir Vincent Ndikumana, Révérien Nsabimana et Jean Baptiste Sharangabo, eux aussi militants du CNL, sont indignés par cette agression. Pasteur Nduwayo a téléphoné aux autres Imbonerakure. «Ils sont venus en grand nombre et certains portaient des bottines militaires». Les témoins citent Murengera, Murasandovyi, Kabura, Nzitunga, Népo, Edouard, Innocent Nshemezimana alias Mutama, Benoît Gahungu, Ndabaneze…
Les coups de bâton se sont mis à pleuvoir. Les coups de pied aussi. Sur la tête, les bras, les jambes, le dos, aucune partie du corps n’est épargnée. Impuissante, la population assistait à cette scène. On s’est beaucoup acharné sur Fabrice Sendegeya. Ce père de 2 enfants a reçu un violent coup de pied à la poitrine. «Déjà mal en point, je l’ai vu s’écrouler comme une masse. Il a perdu connaissance», raconte un témoin.
Les coups ont continué de pleuvoir sur les trois autres. Vincent Ndikumana a été mordu à la poitrine. «Il a vomi du sang. A terre, les Imbonerakure continuaient de lui administrer des coups de bottes dans le ventre».
Voyant que ces militants du CNL risquent de succomber, les Imbonerakure se dispersent aux quatre vents. Les victimes sont évacuées à l’Hôpital de Kirundo, à quelque 7 km. Toujours inconscient, Fabrice Sendegeya est évacué sur une civière traditionnelle (Inderuzo), les autres à vélos.
«J’ai repris connaissance à 1 h du matin. Je ne savais pas comment j’ai atterri à l’hôpital», témoigne Fabrice Sendegeya. Ils vont passer deux jours à l’hôpital. «Comme nous n’avions pas d’argent, nous ne voulions pas que les frais de soins de santé s’accumulent. On nous a donné quelques médicaments».
« Effet de l’alcool »
Aujourd’hui, les victimes demandent que les coupables soient punis conformément à la loi. Ce mardi 11 juin, ils ont porté plainte au parquet de Kirundo. Les présumés coupables ont été convoqués. Ils doivent comparaître ce vendredi 14 juin.
Interrogé sur cet incident, Jean Marie Mugumyankiko alias Sindyibigori, président du parti Cndd-Fdd, n’a pas voulu s’exprimer. «Je ne donne pas des informations».
Contacté, Philippe Ngabonziza, administrateur de la commune Ntega, province Kirundo, indique qu’il n’y a pas du feu dans sa commune. « Il n’y a pas de mobile politique derrière le cas de Gitwenzi. C’est juste trois jeunes qui se sont chamaillés, dont deux frères à cause de l’alcool. »
Il signale que seulement deux personnes sont allées porter plainte. Il défend par ailleurs le dénommé Sindyibigori, le chef du parti dans cette commune accusé d’inviter les Imbonerakure à en découdre avec les CNL. D’après lui, celui-ci « n’est ni de près ni de loin impliqué dans ces incidents. »
Philippe Ngabonziza soutient que dans sa commune, la cohabitation est bonne entre les membres des partis politiques. D’après lui, les membres du CNL ne sont même pas nombreux. « Seulement, quand quelqu’un commet une faute et que la justice veut s’en occuper, il crie haut et fort qu’il est victime de son appartenance politique. »
Des arrestations opérées par des Imbonerakure
Le 2 juin en commune Busoni, Isaac Majambere et Désiré Wamiye, tous militants du CNL et enseignants à l’Ecole fondamentale Vyanzo ont rendu visite à Rémegie Uwizeyimana, le président du parti CNL en commune Busoni. Après avoir discuté quelques minutes, les deux derniers sont arrêtés par des Imbonerakure. Cela s’est passé sur la colline Rwibikara de la zone Gisenyi. Les policiers sont venus les récupérer pour les acheminer au commissariat provincial de la police. Rémegie Uwizeyimana sera appréhendé le lendemain par la police à son lieu de travail au Lycée communal de Bishisha. Le motif de ces arrestations est qu’ils ont tenu une réunion illégale. Rémegie Uwizeyimana est par ailleurs accusé de collecter de l’argent pour la construction d’une permanence à Busoni.
Ils ont été relâchés ce mardi 11 juin. «Ils ont passé 10 jours en prison sans être interrogés. On leur a tout simplement dit de rentrer, leur dossier était vide», indique un militant du CNL de la province Kirundo.
«En province Kirundo, les Imbonerakure se sont arrogé le droit d’arrêter des gens. Que fait la police? Et d’ailleurs, en quoi collecter de l’argent pour la construction de la permanence de son parti constitue un crime ? Le Cndd-Fdd le fait tout le temps au vu et au su de tout le monde et même les militants des autres partis sont obligés de payer», s’indigne un autre militant du CNL.
L’effervescence des prochaines élections exacerbe l’intolérance politique
Aux mois de mai et de juin, on dénombre dans presque toutes les communes de la province Kirundo plusieurs cas où les militants du CNL sont agressés ou arrêtés arbitrairement. Les Imbonerakure toujours pointés du doigt.
En date du 2 juin, un groupe d’Imbonerakure conduit par un de leurs chefs, Céléus Ntirandekura, ont attaqué certains ménages des militants du parti CNL. Ils ont tabassé plusieurs personnes dont Léonard Emerusenge Rwasa Euphrasie, Mathieu Sinzobakwira, etc. C’était sur la colline Gihinga de la zone Baziro en commune Gitobe. Acculés, sans défense, deux militants du CNL préfèrent la clandestinité, sept autres optent d’aller chercher refuge chez l’officier de la police Judiciaire (OPJ) au chef-lieu de la commune Gitobe. Ils vont y rester plusieurs jours. Ils vont retourner chez eux grâce à l’intervention du gouverneur de la province Kirundo. «Comme quoi, quand l’administration s’implique, tout va pour le mieux», ironise un militant du CNL.
Le président du parti en province Kirundo, Anatole Karorero, salue l’intervention du gouverneur et demande aux administratifs de s’impliquer davantage pour juguler cette intolérance politique. «Il faut plus de réunions de sensibilisation, car dans des réunions parallèles, certains membres du parti au pouvoir incitent à tabasser les « Injavyi » c’est-à-dire les opposants».
Le 21 mai en commune Bugabira, Charles Ndikumagenge et Jean Claude, militants du CNL, ont été tabassés par un groupe de huit Imbonerakure dont Miburo et Waba. C’était sur la colline Gitwe. «Charles rentrait de la commune où il venait de déposer les lettres de représentation du parti. Il est passé voir Jean Claude», raconte un habitant de Gitwe. Alors qu’il le raccompagnait, aux environs de 17 heures, ils rencontrent ces Imbonerakure qui les poussent vers une petite clairière. «Ils ont été rossés sérieusement».
Les deux hommes portent plainte. Le procureur de la République convoque les huit Imbonerakure. «Ils sont venus à plus de 15. Certains chaussés des bottines. Ils sont tous entrés dans le bureau du procureur. Je pense qu’ils voulaient l’intimider. Le procureur a tenu bon et a chassé ceux qui n’étaient pas convoqués», confie une source au parquet de Kirundo. Finalement, ces Imbonerakure sont condamnés à des amendes : paiement du costume déchiré de Charles Ndikumagenge (30.000Fbu), frais de déplacement et frais de soins de santé pour les victimes. «Nous saluons le courage du procureur, mais nous aurions aimé qu’ils soient sévèrement punis, mais nous savons qu’un Imbonerakure ne va jamais en prison. Sinon, leurs exactions auraient cessé», se plaint un militant du CNL.
«Un climat de terreur règne à Ntega»
En commune Ntega, les militants de l’opposition surtout du CNL ne savent plus à quel saint se vouer. D’après eux, un climat de terreur règne. «A Ntega, c’est la force et les Imbonerakure qui gouvernent. L’administration est absente», indique un habitant de la commune Ntega.
Selon les habitants, certains administratifs à la base sont complices de ces Imbonerakure ou ont peur de s’opposer à eux. «Lorsque tu portes plainte, tu as de la chance si tu es seulement battu. Sinon tu vas directement en prison». Les témoignages recueillis à Ntega indiquent que les Imbonerakure provoquent les habitants afin de leur soutirer quelques caisses de bière de banane. «Certains Imbonerakure ne font plus des travaux champêtres. Ils sillonnent pour maltraiter les gens. Ils vivent du racket. Pour une soi-disant faute, on paie même jusqu’à cinq casiers de bière de banane».
Les habitants accusent la police de faire preuve de laxisme. «Elle ne peut pas arrêter un Imbonerakure qui a commis un crime. Certains OPJ ont même peur d’ouvrir un dossier. Lorsque nous sommes battus, on nous conseille d’aller nous faire soigner sans faire des vagues».
Les militants du parti CNL pointent du doigt le président du parti Cndd-Fdd en commune Ntega, Jean Marie Mugumyankiko alias Sindyibigori, d’attiser cette intolérance. «Dans leurs réunions, Sindyibigori appelle les Imbonerakure à tabasser sérieusement les « bipinga. » C’est lui qui donne des ordres. Quant à l’administrateur communal, il laisse faire ces agissements des Imbonerakure». Interrogés sur ces allégations, Jean Marie Mugumyankiko alias Sindyibigori nous a simplement raccroché au nez.
« Il faut informer les autorités »
Les militants du CNL n’en peuvent plus. Ils demandent aux autorités administratives d’être justes et d’arrêter d’être partiales. «Celui qui a commis un crime doit être remis aux autorités habilitées. Le bâton n’est pas une solution». Pour eux, laisser les Imbonerakure faire la pluie et le beau temps n’augure rien de bon. «Les autorités administratives doivent se ressaisir».
Le gouverneur de Kirundo Alain-Tribert Mutabazi demande à toute personne maltraitée de se confier à l’administration. « Il faut informer les autorités. Car, dans la plupart, ce sont des jeunes qui se chamaillent suite aux effets de l’alcool. » Les administratifs et la justice sont là pour s’en occuper et de façon juste et équitable. Il invite les membres des différents partis politiques à faire preuve de respect mutuel. « Que même les organes collinaires se respectent. »
M. Mutabazi invite la jeunesse à entrer dans des associations, des coopératives au lieu de faire une propagande précoce. « Il faut s’atteler aux travaux de développement pour construire notre pays.» Il annonce que des réunions de sensibilisation à la cohabitation pacifique sont déjà programmées. Tous les administrateurs ont déjà reçu ce mot d’ordre.
Un appel de détresse à Agathon Rwasa
Tabassés, malmenés, emprisonnés, les militants du CNL demandent à leur président d’intervenir. De plus, les responsables provinciaux du parti indiquent que l’administration ne leur facilite pas la tâche dans leurs activités.
Déboussolés, les Inyankamugayo (militants du CNL) font appel à leur leader, Agathon Rwasa. «Il faut qu’il plaide pour nous afin que ces maltraitances cessent», implore un militant. «Nous avons adhéré au parti parce que nous l’avons dans le sang. Nous ne pouvons pas l’abandonner. Mais Agathon Rwasa va penser qu’il a des sympathisants, mais il se rendra compte que beaucoup sont morts tandis que d’autres sont devenus des infirmes», renchérit un autre.
Aux CNL qui accusent Agathon Rwasa de ne pas dénoncer ces injustices, son porte-parole, Térence Manirambona, fait savoir que lui et son comité le font quotidiennement. Pour lui, il revient aux auteurs de cette intolérance de se ressaisir.
Aux administratifs, il demande de protéger la population sans distinction. « L’injustice, la discrimination ont toujours conduit aux chicaneries. Les CNL sont des Burundais comme tant d’autres. »
Et d’avertir les auteurs de l’intolérance politique : « Evitez de tomber dans les pièges des commanditaires de ces actes. La responsabilité pénale est individuelle. »
Aux membres de son parti, il demande de ne pas céder à la peur, à la provocation et aux intimidations. « Car, nous luttons pour une cause noble : celle de bâtir le Burundi de tous où règnent l’équité, la concorde et la prospérité. » Il les invite aussi à s’abstenir de toute sorte de vengeance, d’être des modèles de la cohabitation pacifique et à traduire les auteurs devant la justice.
Avant de glisser un message aux instances judiciaires: « L’emprisonnement doit être une exception et non une règle pour le traitement des dossiers, y compris ceux à caractère politique. »
Le CNL malmené
Les responsables du parti CNL en province Kirundo fustigent certains administratifs qui bloquent les activités de leur parti. «Parfois, on nous empêche d’ouvrir nos permanences arguant qu’elles sont soit proches d’une école soit proches d’un marché», indique le président du CNL en province Kirundo. Il est difficile, poursuit-il, de trouver une maison à louer loin des chefs-lieux des communes ou des zones d’autant plus que ces derniers sont de petite taille. «Généralement, les maisons que nous avons louées se trouvent à 300 m des écoles». Les militants du CNL ne comprennent pas ces motifs des administratifs. «Pourquoi on laisse le Cndd-Fdd ériger leurs monuments à l’intérieur des marchés?»
Térence Manirambona demande qu’il y ait une uniformité pour tous les partis. « Qu’on enlève toutes les permanences dans ces endroits. Dans ce cas, on comprendra qu’il n’y a pas d’injustice.» D’ailleurs, qu’elles soient installées tout près des églises, des écoles, M. Manirambona n’y voit aucun problème : « Le mal serait d’y tenir des réunions au moment des cours ou de la messe. » Pour lui, l’interlocuteur direct de l’administration est le responsable du parti et non les membres du comité.
De plus, le président provincial du parti évoque une autre contrainte : «On nous oblige de déposer la liste de nos membres des comités communaux.
Cela n’est écrit nulle part dans la loi qui régit les partis politiques. En commune Bwambarangwe par exemple, l’administrateur communal a refusé ta tenue d’une réunion à cause de cela». Interrogée, Fébronie Niyingabiye, administrateur de Bwambarangwe, assure que les CNL relaient souvent des mensonges. « Ils dramatisent » Les militants du CNL soupçonnent une manœuvre dans le but d’identifier leurs membres et les malmener.
Pour Térence Manirambona, il ne faut pas que l’administration s’ingère dans l’organisation interne des partis politiques. « Comment se fait-il qu’elle exige la liste des membres de nos comités ? Pourquoi deux poids deux mesures pour les partis travaillant sous les mêmes lois du pays? » Il craint que demain le parti CNL risque d’être obligé de dévoiler ses membres.
Bujumbura contaminée
Dans la commune Mubimbi, province Bujumbura, des tensions entre les membres du Cndd-Fdd et ceux du CNL sont signalées. Des blessés ont été déjà enregistrés. L’administrateur dit mener des enquêtes.
Mardi 11 juin, c’est le jour du marché de Mubimbi, province de Bujumbura. Des hommes et des femmes des différentes zones viennent acheter ou vendre leurs produits. C’est en zone Kinama. Plusieurs véhicules de Bujumbura s’y approvisionnent aussi. Ce jour, les femmes ont bonne mine.
A les entendre, le prix de farine de manioc aurait chuté. Un kilogramme coûte 500 BIF. « Je vais en profiter pour en faire un stock », lâche une dame qui venait de vendre son mouton.
Néanmoins, cette commune n’est pas épargnée par l’intolérance politique. C’est le cas de Léonie Habonimana de la zone Gisagara, une cultivatrice alitée au Centre de santé de Mubimbi situé à 6 km du marché.
Samedi, 7 juin, sa famille a été attaquée et sérieusement tabassée. Dans la soirée de ce week-end, raconte-t-elle, elle et son conjoint Siméon Habonimana, son grand frère Athanase Niyonzima et son épouse, partageaient un verre dans un bar non loin de leurs habitations.
« Aux environs de 19h, nous avons décidé de rentrer. C’est en cours de route que nous avons été attaqués par des individus. Des coups de gourdins pleuvaient de partout », se souvient-elle, d’une voix tremblotante.
Par chance, ils vont réussir à regagner leurs maisons. Arrivée à leur domicile, M. Niyonzima veut rebrousser chemin pour en découdre avec ses agresseurs. Après moult supplications de sa femme, il accepte de ne pas déclencher les hostilités à nouveau.
Peu après, il va sortir pour vérifier que tout va bien dans son étable. C’est alors que sa demeure est encore attaquée. « Mon époux est immobilisé », décrit-elle. Entretemps, le reste de la famille essaie de verrouiller les portes pour que les agresseurs n’entrent pas. « Peine perdue. Les portes sont défoncées. » Et le calvaire commence. Des bastonnades collectives. Pendant que le père de famille se fait « lessiver » à l’extérieur, la mère et trois de ses enfants passent un mauvais quart d’heure dans la maison. « Imaginez entendre ton père se tordre de douleur comme un enfant. C’est vraiment pénible », témoigne Raïssa Nizigima avec émotion, la cadette de la famille âgée de 13 ans au chevet de sa mère.
Les Imbonerakure indexés
Ne pouvant plus tenir aux coups de gourdin, la famille Niyonzima essaie d’implorer le pardon à leurs bourreaux. « Nous n’accordons jamais de pardon », leur rétorquent-ils. Cette scène atroce dure environ une heure. Les agresseurs décident de déplacer M. Niyonzima. Son épouse croit que l’heure de son mari a sonné. « En le frappant, ils disaient qu’ils allaient le jeter dans la rivière Nambi ». Les agresseurs emmènent Niyonzima rejoindre son grand frère Siméon Habonimana qui avait aussi été attaqué et sa plaque solaire cambriolée. Raïssa Nizigama indique que son père est revenu à la maison vers 2 h dans un piteux état. Ses oreilles n’entendaient plus convenablement. Un certain Bigirimana, neveu de Niyonzima, qui venait à sa rescousse, a été également blessé.
Quid de l’identité des agresseurs ? Mme Habonimana n’y va pas par quatre chemins : « Ce sont les Imbonerakure qui nous ont attaqués. Ils nous ont toujours menacés arguant que nous ne sommes pas de la même obédience politique ».
En effet, justifie-t-elle, les individus attaqués sont tous des CNL. Elle cite nommément un certain Dimi, Chef des Imbonerakure sur la colline Rusagara comme le meneur de la bande.
En outre, elle soutient que lors de l’attaque de leurs maisons, ce dernier a appelé ses amis des collines voisines de Gitsibo et Mubimbi en renfort.
Le lendemain, Siméon Niyonzima et sa femme sont transférés au Centre de Santé de Mubimbi à 15h. Le premier ne pouvant pas laisser les enfants seuls est retourné le lundi les voir. Mais, sa santé se détériore de plus en plus. Son épouse marche difficilement et les traces des coups reçus sont encore visibles. Il leur est aujourd’hui difficile de payer la facture de leurs soins de santé. Faute de moyens, ils ne savent pas comment s’en sortir.
« La cohabitation avec le membre du parti au pouvoir était plus ou moins bonne », affirme Noé Ndayisenga, un des responsables communaux du CNL.
Pour lui, la tension est montée d’un cran avec la présentation des organes dirigeants du parti dans la salle paroissiale de Mubimbi. Cet évènement est survenu le dimanche 2 juin. Le même jour, poursuit-il, des heurts ont éclaté la nuit dans la zone Kinama. Ndayegaye, membre du CNL, a été attaqué et passé à tabac à son domicile. «Au cours de cet incident, son ami a été blessé. Il a été pris pour un agresseur par Ndayegaye lorsqu’il venait le secourir». M. Ndayisenga pointe du doigt un dénommé Bumwe chef du marché de Kinama. Pour l’heure, Ndayegaye est emprisonné pour raison d’enquête.
Contacté sur ces incidents, Léonidas Ntirandekura, administrateur de Mubimbi a promis de s’exprimer après avoir mené des investigations. « C’est à l’administration de faire la lumière sur ces incidents », a lâché, à son tour, Emmanuel Nduwimana, Chef des Imbonerakure en commune Mubimbi, joint par téléphone.
Dans la nuit de ce mercredi 12juin, des ‘’inconnus’’ ont, selon Térence Manirambona, porte-parole du CNL, tenté de mettre le feu à la permanence de ce parti. « Installée au chef-lieu communal, son ouverture était prévue ce dimanche 16 juin.» D’après lui, la police est intervenue, mais aucun présumé auteur attrapé.