Initialement prévu pour les professionnels des médias de l’EAC, le dossier Congo a dominé la rencontre.
<doc5014|left>Jeudi, 9 août il est 9 heures. La délégation burundaise arrive à l’hôtel Serena pour le sommet des responsables des médias.
La sécurité est maximale. Juste à l’entrée de l’hôtel, la police et un chien policier font le check up du minibus du ministère à la présidence chargé des affaires de la Communauté Est Africaine qui nous transporte. La cour intérieure est bourrée d’agents de sécurité en costume.
Le chauffeur stoppe le véhicule pour laisser sortir les journalistes. Quelqu’un lui signale que l’endroit n’est pas approprié. Il doit avancer vers l’autre côté de l’hôtel. La délégation burundaise sort un à un. « Interdit d’entrer dans la salle avec vos téléphones portables ! », lance un agent de la sécurité. Les journalistes veulent savoir pourquoi. Mais, c’est comme ça.
A l’entrée de la salle, un check-up comme à l’aéroport. Mieux : on vérifie même un stylo. « C’est trop ! », murmure un journaliste. « Le président de la République va ouvrir le sommet », rétorque son collègue rwandais. C’est vrai : le décor de la salle n’est pas fait seulement pour les journalistes. Vers 10 heures, le master of ceremony (MC) donne des instructions.
Avec un accent particulier : « Il faudra vous lever à l’arrivée du président.» Soudain, il arrive : non seulement on se lève, mais aussi on l’acclame. Un silence, puis on entonne Wimbo wa Jumuiya ya Afrika Mashariki (l’hymne de la Communauté Est Africaine, EAC). Les cérémonies commencent.
Les médias, un partenaire incontournable
« Les médias progressent : exploitons les avantages du marché commun de la Communauté Est Africaine pour une entreprise de presse et de liberté. » C’est le thème du Sommet. Toutes les interventions tourneront autour de ce sujet.
D’abord le Secrétaire Général de l’EAC, ambassadeur Richard Sezibera.
Ensuite la ministre rwandaise en charge de l’intégration, qui invite aussi the Guest of Honour à prononcer le mot de circonstance. Deux points saillants dominent le discours du président Paul Kagame : relations médias-gouvernements, responsabilité des médias. Selon le président, les médias et les gouvernements doivent être des partenaires et non des adversaires, tout en gardant chacun son indépendance. En plus, les médias de la Région doivent jouer professionnellement leur rôle.
D’après le numéro un rwandais, ce sont les médias occidentaux qui rapportent le plus souvent ce qui se passe dans la Région. Ignorant des réalités, ils désinforment couramment l’opinion. En outre, selon le président, ces médias occidentaux veulent imposer leur vision. Il a alors encouragé les médias locaux à couvrir professionnellement les événements de la Communauté afin de consolider la démocratie, la bonne gouvernance et le développement en général dans l’EAC.
Après le discours du président, la journée sera marquée par des exposés des experts en rapport avec les médias et le marché commun. Entre autres : le libre mouvement des services des médias, le cadre de régulation des Etats membres de l’EAC pour le libre mouvement des services des médias, les médias et le secteur privé, les perspectives des journalistes, le rôle de l’EALA dans la consolidation du protocole du marché commun.
A l’issue des discussions, il s’est dégagé des recommandations à l’endroit des Etats membres de l’EAC et des médias (Les services du secrétariat général de l’EAC annoncent au public présent qu’il les enverra par e-mail).
La journée s’est clôturée par la remise des prix aux meilleurs reporters de la Communauté : tous les pays ont été primés sauf le Burundi.
<doc5015|left>Le dossier RDC domine les débats
Vendredi 10 août, la même discipline s’impose pour accéder à la salle de conférence de l’hôtel Serena. Le secrétaire général de l’EAC avait annoncé la veille au soir : « Comme vous l’avez souhaité, le président rwandais Paul Kagame a accepté volontiers de faire une entrevue avec les responsables des médias. Juste demain pour une heure, de 10h à 11h. » Quelques minutes avant l’heure, un document est distribué. Il émane du ministère rwandais des affaires étrangères et de la coopération. Contenu : « Update on the instability in East Democratic Republic of the Congo and allegations of Rwanda’s involvement.” (Actualité sur l’instabilité en RDC et les allégations de l’implication du Rwanda).
Quelques minutes après, le président arrive. Trois questions en rapport avec les médias. Il y répond superficiellement. Un journaliste- apparemment préparé- pose la question sur l’implication du Rwanda dans le conflit à l’Est de la RDC. « Il est hors sujet », murmurent certains journalistes. Non, il ne l’est pas ! Paul Kagame écoute avec intérêt la question, il acquiesce. Avec raison : sa réponse sur le dossier Congo va durer 1h15 minutes !
Il rejette en bloc toutes les accusations et explique cette crise comme étant la conséquence de l’échec du gouvernement congolais à trouver une solution durable à travers le dialogue politique et une intégration effective. Il rappelle la genèse de la population rwandophone du Congo, les accords violés (Pretoria 2002, Nairobi 2007, opération Umoja wetu en 2009), nie le soutien du Rwanda à M23. Par contre, il explique les initiatives politiques, diplomatiques et militaires prises par le Rwanda pour que la RDC recouvre la paix et la sécurité.
Après le départ du président, les participants au Sommet semblent se désintéresser du reste du programme.
Quelques insolites
Sur le papier où était écrit l’hymne de la Communauté Est Africaine, habituellement en Swahili, il était traduit en Anglais et en Kinyarwanda, mais pas en Kirundi.
Alors qu’au programme il était spécifié que les secrétaires permanents des ministères en charge de l’Information de chaque pays membre de l’EAC devaient faire un exposé sur l’actuel cadre de régulation pour le libre mouvement des services des médias, celui qui a représenté le Burundi n’avait rien préparé. Il surprendra, devant le public, la secrétaire du Conseil national de la communication, qui apparemment n’était pas au courant, qu’elle devait faire la présentation ;
Victor Mubwigiri, journaliste burundais à l’Agence Burundaise de Presse figurait sur la liste des finalistes du prix de l’EAC media Awards ; deuxième édition. Billet d’avion, hôtel (Serena) étaient payés pour lui. Lors de la remise de prix, il n’est pas appelé parmi les gagnants. Debout, la mort dans l’âme, il se contentera de prendre les photos de ses confères primés. Donc, aucun prix pour le Burundi.
Faute de lèse Majesté : lors de l’ouverture du sommet, le protocole a péché par omission. Alors que le président allait prononcer le mot de circonstance, le podium qu’utilisaient les précédents orateurs est resté dans le coin. Paul Kagame a dû lui-même demander de le placer devant et au milieu. « Il faut que je vous voie tous », lancera-t-il.