Les buveurs au faible pouvoir d’achat se tournent vers cette liqueur appelée ’’Kick’’, achetée par godet, minimisant le danger lié à sa consommation excessive. Un addictologue prévient que les boissons fortement alcoolisées peuvent être à l’origine, entre autres, de brûlures, ulcérations et perforations du tube digestif.
Lundi 21 août 2023 au quartier Nyakabiga II à la 6e avenue vers 10h, des hommes partagent une petite bouteille de Kick à 42% d’alcool. Deux hommes, dont un taximan, se disputent une bouteille. Ils ont cotisé pour l’acheter dans une boutique d’à côté.
Certains citadins sont déjà ivres, le soleil étant accablant, ils s’abritent sous le toit d’une petite barza d’une boutique et se lancent des blagues. Un des hommes titube. Il demande à un taximan qui stationne sur place de lui acheter une limonade. Ce qu’il a accepté en le taquinant : « Prends et bois puisque c’est ton boulot à plein temps ».
L’homme en question est grand, maigre et porte des vêtements sales, avec de vieilles chaussures et des boucles d’oreilles. Il soutient devant ses amis qu’il est une star. Et ces derniers éclatent de rire : « Une star de Kick ! »
Néanmoins, racontent ses amis sur place, avant qu’il se soit adonné à la consommation excessive des liqueurs, notamment la Kick, il était un homme fort et propre. « Il avait un travail à la loterie nationale », se souvient un de ses amis.
A la 6ème avenue à Nyakabiga II, la Kick a une histoire. Des sources sur place disent qu’un homme, la trentaine, est mort, suite à la consommation excessive de la Kick.
Le surnommé Céleri, soudeur de son état, raconte un de ses anciens proches, a bu une bouteille entière le matin. Il était encore à Nyakabiga I. Arrivé à Nyakabiga II sur cette sixième avenue, nos sources indiquent qu’il a voulu prendre une deuxième bouteille puis s’est écroulé sur-le-champ. Il passera de vie à trépas à l’hôpital. Sa famille a transporté son cadavre pour l’enterrer sur sa colline natale.
Prix abordable au godet
Des buveurs de Kick approchés minimisent le danger de sa consommation excessive. « C’est vraiment une excellente boisson », a réagi un buveur au quartier Rohero, mardi 22 août.
Ce maçon était en pause vers 10h30 avec ses collègues travaillant sur un chantier au quartier Rohero. Ne pouvant pas acheter une bouteille de 4 000 BIF, ils achètent des godets de 1000 BIF, voire 500 BIF. « Je bois de la kick depuis qu’elle existe, mais tu vois, je n’ai aucun problème », ajoute notre source.
Pour elle, cette liqueur est sans danger et l’aide dans ces jours-ci où la Primus est chère. « Quand j’achète une bouteille à 4 mille francs, c’est fini, je suis tranquille. Je peux passer du temps en train d’échanger avec mes amis autour d’un verre ».
Son collègue au chantier, indique que cette boisson ne lui cause pas de problème. Mais, avertit-il, il faut avoir mangé quelque chose avant de boire la Kick. « Ceux qui subissent des conséquences après sa consommation sont ceux qui boivent à jeun. D’ailleurs, cela est valable aussi pour la bière ».
Pour lui, la Kick est une boisson alcoolisée comme tant d’autres. Cet avant-midi du 22 août, son ami parle à peine. Néanmoins, il répète que cette liqueur et lui sont des amis. Mais leurs gestes trahissent des signes d’ébriété.
Seul un de ces buveurs de Kick reconnaît que sa consommation excessive lui prend beaucoup de force. Il estime que si les prix des produits Brarudi ne sont pas revus à la baisse, cette boisson fortement alcoolisée restera toujours prisée : « Un godet de 500 BIF suffit pour étancher la soif d’un homme alors qu’il faut au moins 3 Primus de 6600 BIF pour avoir la même sensation. » Il demande à la Brarudi de baisser les prix de ses produits qui sont moins alcoolisés.
La Kick est une liqueur reconnue comme respectant les normes au Burundi. Pour Séverin Sindayikengera, directeur général du Bureau burundais de normalisation, sa vente est autorisée.
Il assure que son bureau ne peut pas empêcher sa commercialisation, car cela se fait pour d’autres liqueurs dans des bars dits VIP. Il prône la sensibilisation pour des changements de mentalité : « C’est le seul moyen pour résoudre le problème. » Sinon, soutient-il, cela serait une ingérence dans des activités commerciales.
Un peu avant le 10 août 2023, le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire a fait savoir qu’il a été informé par les gouverneurs que des boissons fortement alcoolisées, dont Kick, menacent la santé des populations.
Il a promis de se pencher sur cette question. Bien que ces produits paient des impôts, avait-il précisé, ils peuvent être abandonnés pour le bien-être des personnes.
Selon un spécialiste en addictologie, ces boissons trop alcoolisées peuvent être à l’origine des brûlures, ulcérations, perforations du tube digestif, etc. Et d’enfoncer le clou : « La détérioration du foie entraîne des affections hépatiques graves, parfois irréversibles telles que la cirrhose du foie. » A cela, il ajoute un état d’ébriété qui parfois cause des délires avec risques de se blesser ou de violenter d’autres personnes.