Une quarantaine de familles batwa de la commune Gahombo accuse Christian Manicanye, un homme d’affaires de s’être approprié leurs terres. Pour l’administration la concession est légale.
Colline Mbirizi. A une vingtaine de kilomètres du chef lieu de la province Kayanza. Une station de lavage du café est érigée dans une vallée près de la rivière Kinyangona. Devant celle-ci, de dizaines de treillis poulaillers y sont posés. Au sud de ladite station, un vaste champ de cannes à sucre et de bananes s’étale à perte de vue.
Des habitants rencontrés sur place saluent la présence de cette station. « C’est une bonne idée d’avoir construit cette station car plusieurs d’entre nous sont embauchés lors des campagnes de récolte du café et nous gagnons un peu d’argent », confie sous anonymat un habitant de la place.
Pourtant, des Batwa rencontrés dans leurs huttes qui surplombent la colline Mbirizi crient à l’injustice. Pour eux, l’administration n’aurait pas dû concéder des terres qu’ils exploitaient depuis longtemps à un particulier quelle que soit la raison de cette concession.
Ancille Nyabakobwa, une femme mutwa des lieux a du mal à cacher ses larmes : « Nos enfants sont sur le point de mourir de faim alors qu’avant et à la même date on pouvait avoir du haricot, du sorgho et du soja qu’on y avait récolté. »
Très remontée, son amie Césarie Mutengwa, aussi mutwa de la place confie: « C’est Richard Katagaruka, alors administrateur communal qui nous a obligés à tout arracher quand lui et le gouverneur ont donné cette propriété à Christian Manicanye. »
Forcés à quitter la vallée
Pour cette veuve et mère de sept enfants, l’administration aurait dû d’abord étudier leur cas avant de concéder quoi que ce soit car deux associations à savoir l’uniproba (Unissons nous pour la promotion des batwa) et Twungubumwe, une association des femmes locale venaient de passer plusieurs années à exploiter ces terres.
Depuis cette concession datant de 2007, ajoute-t-elle, les familles des Batwa vivent dans une misère indescriptible. Pis encore, martèle-t-elle, c’est que cet homme d’affaires les a spoliés du petit espace qui leur avait été octroyé par l »administration : « c’était à côté de sa station de lavage et un jour il nous a amené de force sur cette colline arguant que nous vivions près des eaux, que rien n’allait y pousser. Visiblement, il voulait rapprocher sa station de lavage de la rivière Kinyangona. »
Et comme si cela ne suffisait pas, renchérit un autre membre de la communauté des Batwa de Mbirizi, Christian Manicanye leur aurait interdit de cultiver au-delà de cinq mètres carrés car il estime que le reste de la colline lui appartient et qu’il compte y cultiver du café.
En plus de ces Batwa, d’autres habitants de la colline Mbirizi s’insurgent contre cette concession. Pour eux, l’homme d’affaires ne respecte pas certaines clauses comme l’article deux qui stipule qu’il ne peut y entretenir d’autres activités. Pourtant, souligne N.G, il y a planté des cannes à sucre et des bananiers.
N.G fait remarquer que l’homme d’affaires a empiété sur les propriétés de l’Etat en cultivant au-delà de deux hectares : « Actuellement, il en exploite plus de trois alors que des Batwa d’à côté n’ont rien. »
« Les Batwa doivent vivre avec d’autres Burundais s’ils veulent s’en sortir »
Faux, rétorque Christian Manicanye. Il a demandé en bonne et due forme cette propriété et il l’a eue par l’autorité habilitée à savoir le gouverneur. Pour lui, ceux qui disent qu’il ne respecte pas les clauses de la concession ne sont que des manipulateurs. « Ce ne sont pas des Batwa qui sont mécontents, ce sont plutôt certains politiciens. » M. Manicanye affirme qu’en plus de deux hectares qu’il a eus du gouverneur, il a aussi acheté une propriété tout près à un certain Marc.
Concernant les accusations des Batwa selon lesquelles il les a forcés à s’installer sur la colline alors que l’administration les avait installés dans la vallée, l’homme d’affaires affirme que ce sont des Batwa eux-mêmes qui lui ont demandé de s’y installer « Ils m’ont expliqué qu’ils ne voulaient pas vivre à côté de la rivière et je leur ai proposé de s’installer sur la colline.
Même son de cloche chez Jean-Claude Mpawenimana, gouverneur de Kayanza. Selon lui, l’homme d’affaires a demandé une propriété pour une station de lavage qui lui a été octroyée en bonne et du forme. « Des documents attestant qu’il a eu cette propriété légalement existent. »
Il promet que des investigations seront menées et s’il s’avère qu’il y fait autre chose, le terrain lui sera retiré. De même, ajoute-t-il, s’il est prouvé qu’il a empiété dans le domaine de l’Etat, la partie lui sera aussi retirée.
Concernant la demande formulée par ces Batwa pour avoir où cultiver, le numéro un de Kayanza affirme que l’administration compte construire un village de paix sur la colline Mbirizi où vivront et les Batwa et d’autres communautés pour qu’ils apprennent à vivre avec les autres : « C’est à cette seule condition que la question des Batwa sera résolue. »