Certains caféiculteurs déplorent le manque de marché d’écoulement du café cerise. Pour sauver une partie de la récolte, ils la traitent manuellement. La confédération des caféiculteurs « Bonakure » demande à l’Etat d’acheter le café washed. Le ministre fait savoir que les cerises ne sont pas encore mûres à Kayanza.
Colline Kibingo, commune Kayanza. Il vient de pleuvoir. La première impression de tout visiteur est que la saison s’annonce bonne pour le café. Les plants de caféiers croulent sous les cerises rouges par-ci et par-là. Ce lundi 17 mars 2020, il est 1o heures. Une jeune femme fait la cueillette du café cerise. Mais elle est désespérée. Elle ne sait pas à quel saint se vouer. «Depuis début mars, j’encaisse une grande perte car les cerises mûres pourrissent et tombent par terre faute du marché d’écoulement.»
D’après elle, la Sogestal indique qu’elle n’a pas encore reçu l’autorisation de collecte de café cerise. Face à cette situation, la femme n’a pas croisé les bras. Pour sauver une partie de la récolte, explique cette cultivatrice, elle a fait recourt à la méthode du traitement manuel du café. Une méthode est interdite par le gouvernement.
La caféicultrice fait savoir qu’elle assumera la suite : « J’ai investi beaucoup d’argent pour l’entretien de cette culture, je ne peux pas rester main croisée lorsque les prémices pourrissent. »
Par ailleurs, enchaîne-t-elle, je ne suis pas seule. Certains voisins font la même chose. Selon elle, entre les deux maux il faut choisir le moindre. Laisser sa production pourrir ou la traiter manuellement.
Mêmes lamentations chez un autre cultivateur rencontré à la station de lavage privée, Munkaze coffee de la colline Kirema. Ce jeune homme raconte qu’il vient demander s’il peut amener sa production. La réponse est toujours la même : « Nous n’avons pas encore reçu la licence d’achat du café cerise. »
Ce dernier confie qu’il a déjà pris la précaution : « J’ai déjà traité manuellement plus 50 kg de café cerise. Je n’avais pas de choix. »
D’après lui, le gouvernement met les caféiculteurs dans la confusion. Car il leur interdit de traiter la production manuellement et traîne à leur donner l’autorisation de collecte du café. « Si le gouvernement choisit de punir ceux qui traitent manuellement le café en refusant d’acheter le café washed, je verserai ma production dans le compostier». Et de soutenir qu’aucun cultivateur ne peut assister au pourrissement de sa récolte sans réagir.
A Kavumu, une coopérative achète du café sans autorisation
Même si la Sogestal et certaines sociétés n’ont pas encore commencé la collecte du café cerise, la coopérative « Twaranyuzwe » située sur la colline Kavumu a déjà débuté l’achat du café cerise. Jacqueline, un enfant sur le dos, fait savoir qu’elle vient vendre 12 kg à 550 BIF le kilo. « Même si une partie de ma récolte est pourrie. J’espère que je vendrai le reste».
D’après Térence Bigirimana, président de cette coopérative, le choix de collecter le café sans autorisation du gouvernement s’est expliqué par deux raisons. D’une part, cette décision vise à éviter la détérioration de la récolte dans les champs. D’autre part, certains caféiculteurs commençaient à cueillir et à déparcher le café cerise manuellement. « Il n’y avait pas d’autres moyens d’empêcher les caféiculteurs de traiter manuellement le café. C’était d’acheter sa production».
En outre, ce représentant des caféiculteurs fait savoir que rien n’empêche la coopérative de collecter la récolte des membres. Car ce sont ces membres eux-mêmes qui achètent leur production.
Il fait savoir que la collecte du café cerise a commencé vendredi 14 mars. En une seule journée, la coopérative a déjà acheté 296,5 kg de café cerise catégorie A et 76,5 kg de café cerise catégorie B.
M. Bigirimana déplore que la coopérative n’ait pas de moyens de fonctionnement. Avant la reprise en main du secteur café par l’Etat, le consortium des coopératives des caféiculteurs avalisait les coopératives auprès des banques pour avoir les financements pré-campagne.
Pour le moment, l’Etat accepte de financer cette campagne. Toutefois, ce représentant des caféiculteurs indique que la coopérative n’a bénéficié d’aucun montant pour financer les activités de collecte de café. « Nous avons utilisé le peu de moyens dont nous disposons pour entretenir cette usine. » Pourtant, si l’Etat ne débloque pas le financement d’ici peu, la campagne café 2020-2021 risque d’être perturbée.
D’après Arthémon Bizimana coordinateur technique de la confédération des caféiculteurs « Bonakure », l’Office pour le Développement du Café du Burundi doit accorder des licences de collecte du café cerise dans l’immédiat. Sinon, les caféiculteurs vont continuer à recourir au traitement manuel du café. Car, ils ne peuvent pas assister à la détérioration de leur récolté.
En outre, pour éviter le désordre et les conflits entre les usines qui achètent du café cerise, l’Office pour le développement du café du Burundi (ODECA) devrait publier la répartition des centres de collecte du café.
« Bonakure » suggère à l’Etat d’acheter le café washed
M. Bizimana demande à l’Etat de penser à l’achat du café déjà traité manuellement appelé « café washed ». Sans quoi, indique-t-il, c’est une porte ouverte à la fraude. Les caféiculteurs devraient dans ce cas tenter de vendre à tout prix le café washed dans les pays limitrophes.
Dans un point de presse de ce mercredi 18 mars animé par le ministre de l’Environnement, les journalistes ont demandé si le gouvernement achètera le café washed traité manuellement par les caféiculteurs.
Sur cette question, le ministre Déo-Guide Rurema n’a pas vraiment répondu. Par ailleurs, il a balayé du revers de la main les témoignages des journalistes affirmant avoir recueilli des lamentations des caféiculteurs qui ont traité manuellement le café, faute de marché d’écoulement « Dans la province de Kayanza, les cerises ne sont pas encore mûres. Nous commencerons la collecte le 25 mars».
Selon le ministre, seuls quelques caféiers précoces ont des cerises mûres. Ce n’est pas alarmant, le phénomène n’est pas nouveau, a estimé le ministre.
M.Rurema indique que ceux qui disent que le café cerise manque de marché d’écoulement n’ont qu’un seul objectif désorienter les caféiculteurs et les autorités locales.