Le manque de techniques de conservation et d’usines de transformation oblige les agriculteurs de pommes de terre à vendre toute la production. Une grande perte vu le capital investi.
« Nous vendons notre production de pomme de terre à un vil prix », se lamente Joseph Sindayigaya, agriculteur de la colline Yanza, commune Muruta, province Kayanza. « 250 BIF par kilo, c’est très peu!»
Avec ce prix, les agriculteurs perdent la moitié de leur coût de production évalué à 500 BIF le kilo. Par ailleurs, il souligne que cette culture est très exigeante et coûteuse. « Un kilo de semences s’achète à 2 000 BIF, celui des engrais chimiques à 3 mille BIF.» Les produits phytosanitaires coûtent aussi cher.
Cet agriculteur déplore l’absence des infrastructures de conservation et de transformation des pommes de terre. Pourtant, estime-t-il, la construction des hangars n’exige pas beaucoup de moyens financiers. D’après lui, l’existence de telles infrastructures permettrait aux agriculteurs de conserver leur production en cas de baisse de prix.
D’ailleurs, cette absence lui a déjà coûté cher : « J’ai réalisé un manque à gagner d’1 million de BIF sur mon champ d’une superficie d’un hectare. Tout cela, malgré une bonne production de 10 tonnes.» Frustré, il indique qu’il n’avait pas d’autres choix que de vendre la totalité de sa production à perte. Les pommes de terre ne sont pas conservables pendant une longue période.
Vivier Nduwumwami, un autre agriculteur de la commune Muruta ne sait plus à quel saint se vouer. « Les producteurs de pommes de terre travaillent à perte. Le prix de vente sur le marché est de loin inférieur au coût de production. »
Cet agriculteur est très inquiet de la baisse continuelle du prix de ce produit alors que les prix des autres denrées augmentent. « Je me demande à quoi va nous servir l’argent tiré des pommes de terre.»
En attendant que le prix augmente, témoigne-t-il, il a gardé toute sa production chez lui. Comble de malheur, plus de deux tiers de sa production est pourrie. Leur valeur étant estimée à deux millions de BIF.
Pour éviter un manque à gagner énorme, il a installé une petite unité de conservation chez lui. Il s’agit d’une sorte de hangar dans lequel il a aménagé des étagères superposées sur lesquelles il étale des pommes de terre. Une technique qu’il compte enseigner aux autres producteurs.
Sur le marché, le prix est en baisse
Des témoignages qui concordent avec la réalité sur le marché. Le prix de pommes de terre est actuellement à son plus bas niveau au cours de ces trois dernières années à Kayanza. Sur le marché du chef-lieu de la province, le prix d’un kilo varie entre 300BIF et 400BIF selon la variété.
Or, racontent les vendeurs, l’année passée, à la même période, un kilo de pommes de terre s’échangeait à 800BIF voire plus. Ce qui s’explique selon eux par l’abondance de ce produit sur le marché suite au manque des techniques de conservation et d’usines de transformation.
Célestin Kayoya, agriculteur de la même région affirme avoir encaissé un manque de cinq millions de BIF au cours de la saison culturale (la saison sèche). Il avait contracté un crédit auprès d’une microfinance. « Aujourd’hui, je me demande comment je vais rembourser cette dette.»
Pour sa part, M. Nduwumwami exhorte le gouvernement à multiplier de petites unités de transformation des produits primaires en produits manufacturés, finis ou semi finis. « Le manque de telles infrastructures décourage les agriculteurs. » En cas de forte production, ils écoulent leurs produits à perte. « Les efforts des agriculteurs devraient être toujours accompagnés par l’Etat. Si cette situation persiste, les agriculteurs vont tout simplement abandonner cette culture ».
« A chaque chose, malheur est bon », dixit la sagesse burundaise. Au marché, les détaillants se frottent les mains. « Je réalise un bénéfice net de 100 BIF par kilo », se réjouit un vendeur de pommes de terre rencontré au chef-lieu de la province Kayanza. Ce prix abordable attire les clients. « Aujourd’hui, j’écoule facilement une tonne par jour. Ce qui me procure un bénéfice net de 100 mille BIF. »
Une unité de transformation en vue
«Nous avons pris cette question en mains. Une usine de transformation de pommes de terre sera construite l’année prochaine en commune Muruta», annonce Protais Ndarugendana, conseiller technique chargé du développement en commune Muruta. D’après lui, le nouveau plan de développement communal en cours d’élaboration en a fait une priorité. Ce document prévoit également la construction des hangars de stockage modernes sur toutes les collines. « L’existence de telles infrastructures permettra aux agriculteurs de conserver leur production en cas de baisse du prix. »
Ainsi, il recommande aux agriculteurs de continuer à augmenter la production. Et de promettre que la commune fera tout pour trouver des moyens de transformation et de conservation comme elle l’a déjà fait pour d’autres cultures notamment le blé.
Marcien Niyitunga, directeur provincial de l’Agriculture et de l’Elevage (DPEA) en province Kayanza affirme que la conservation et la transformation de pommes de terre est un problème. Les hangars de stockage de la production de ce tubercule restent insuffisants. « Même le peu de hangars dont dispose la DPEA Kayanza sert à la conservation des semences.»
La DPEA prévoit la construction d’autres hangars pour la conservation exclusive de la production de pommes de terre à des fins de consommation.
Pour atteindre cet objectif, M. Niyitunga demande le concours des bailleurs et du fonds national de développement des communes (FONIC).
En attendant, il suggère aux agriculteurs d’aller chercher des marchés dans d’autres provinces. « L’installation d’une usine de transformation de pommes ne figure pas dans l’agenda de ma direction.»