Les représentants des fournisseurs des plants fruitiers en 2011 au ministère de l’Environnement ont fait, jeudi 25 octobre, un sit-in devant le bureau de l’Ombudsman. Cinq mois après les propositions de la médiation, ils attendent leur paiement depuis huit ans.
Le gouvernement leur doit plus de 5 milliards de BIF pour la fourniture des plants fruitiers en 2011. Pour rappel, la présidence de la République via le ministère de l’Environnement a lancé en 2010 un appel d’offre. Au total, 60 associations et individus ont gagné le marché. Huit ans plus tard, ils n’ont pas encore été payés.
Raison officielle: l’Etat conteste ce montant et avance une somme de 1,2 milliards. Aujourd’hui, les fournisseurs ne savent pas à quel saint se vouer. Ils ont fait un sit-in devant le bureau de l’ombudsman jeudi 25 octobre pour exiger du gouvernement leur dû.
En province Kayanza où sont originaires 52 sur 60 associations concernées, le désespoir et la désillusion se lisent sur les visages des fournisseurs des plants fruitiers.
«Ça fait 8 ans que l’Etat refuse de nous payer», s’indigne Philippe Nyandwi, président de l’association «Dusangirijambo» rencontré sur la colline Ryirengeye de la commune et province Kayanza. Là où le bât blesse, regrette-t-il, le gouvernement ne leur a jamais notifié les motifs du non-paiement.
Désespéré, il témoigne que ce retard de paiement lui a coûté cher. Pour payer les dettes qu’il a contractées pour l’exécution du marché, il a été obligé de vendre ses deux parcelles et son véhicule. Comble de malheur, l’argent tiré de cette vente n’a pas couvert la totalité de ses dettes. Il doit encore 52 millions de BIF aux membres de son association.
Pire, ce retard de remboursement entraîne continuellement l’augmentation des intérêts bancaires. Elle frôle aujourd’hui dix millions de BIF. «Ce qui m’inquiète de plus, c’est que la banque m’a déjà averti qu’elle va bientôt saisir ma maison d’habitation.» Il l’avait donné comme hypothèque.
Le désappointement
M. Nyandwi espérait que l’exécution de ce marché allait améliorer ses conditions de vie. Un rêve qu’il n’a pas réalisé. Il s’occupe aujourd’hui de l’agriculture des fruits pour survivre.
Alexis Niyongabo, président de l’association «Twiyungunganye », ne mâche pas ses mots. «Le non-paiement n’est qu’injustice envers les fournisseurs.» Comme preuves, il garde des documents officiels attestant que son association s’est acquittée de son devoir en bonne et due forme.
Il estime son investissement à plus de 100 millions de BIF. Il avait contracté cette somme auprès des hommes affaires. Aujourd’hui ces derniers le menacent sans cesse. « Ils m’ont dit qu’ils ne veulent pas me voir vivant. Ils m’ont accusé de trahison.» Au total, l’Etat lui doit 179 millions de BIF.
Vital Manariyo, représentant de l’association « Duterivyamwa » ne décolère pas. « Le gouvernement nous a trahis tout simplement. Huit ans viennent de s’écouler sans que nous ne puissions être payés.» Pour exécuter ce marché, il a contracté un crédit bancaire de 117 millions de BIF et 300 millions auprès des particuliers. Ses dettes frôlent actuellement 500 millions de BIF.
Ses prêteurs l’ont fait emprisonner en 2016 à la prison centrale de Ngozi. Pour recouvrer la liberté, il a vendu des maisons et des véhicules. Ainsi, il a pu payer une partie de son crédit. Son association a fourni au ministère de l’Environnement plus d’un million de plants d’avocatiers pour un montant de 516 millions de BIF.
Les conclusions de la médiation contestées
M. Manariyo déplore les propositions de l’Ombudsman. «Celui-ci nous a notifié que nous allons recevoir la moitié du montant dû. Une réduction injustifiée». Sur un montant de 516 millions de BIF d’impayés, il recevra 257 millions de BIF. Une somme dérisoire compte tenu de son investissement. Cette somme ne lui permettra pas de payer même la moitié de ses dettes qui s’élèvent à 500 millions de BIF. Si cette situation persiste, prévient-il, il n’a pas d’autres choix, il va fuir le pays. « Ceux qui m’ont prêté leur argent, comme je n’arrive pas à les rembourser, ils me menacent.»
Vital Manariyo est aujourd’hui dans la ruine. Il déplore qu’il ait perdu confiance auprès de ses collègues. « Personne ne peut même m’accorder un petit crédit pour faire de nouveau du business.»
De leur côté, les fournisseurs n’ont plus confiance aux institutions publiques. Même le président de la République a ordonné au ministère des Finances de les payer, en vain. Ils doutent que l’Ombudsman puisse réussir où le chef de l’Etat a échoué.
La médiation tranquillise
Angèle Barumpozako, directrice du département de Médiation à l’institution de l’Ombudsman, se veut rassurante. «Qu’ils patientent. L’Ombudsman a pris la question en main.» Son institution ne ménage aucun effort pour que cette affaire soit ‘‘définitivement’’ clôturée avant la fin de l’année. A l’heure qu’il est, assure-t-elle, les deux parties acceptent les propositions de la médiation.
Mme Barumpozako explique la lenteur de la médiation par la complexité du dossier. Les deux parties ne s’entendaient pas sur le montant dû. Les fournisseurs réclamaient 5.061.807.500 de BIF alors que le gouvernement acceptait un montant de 1, 2 milliards. L’Etat refusait de débourser cette somme invoquant la responsabilité des fournisseurs dans les irrégularités survenues dans l’exécution du marché.
Le gouvernement a d’ailleurs saisi le parquet général près la Cour anti-corruption. Pour trancher, l’Ombudsman s’est basé sur les conclusions de l’enquête du parquet général de la République. Le rapport de celui-ci a donné gain de cause aux fournisseurs des plants fruitiers.
La responsabilité partagée
Le constat de l’Ombudsman est que la responsabilité est partagée entre les deux parties. Comme solution, la médiation a décidé que la partie plaignante abandonne la moitié du montant réclamé. Cette proposition a été acceptée par la partie gouvernementale. Mais aujourd’hui, il manque une note validée par le deuxième vice-président de la République.
Ce dernier autorise les ministres concernés par cette question à entamer les procédures de décaissement du montant dû. A cet effet, l’Ombudsman a adressé des correspondances aux ministres de Finances et de l’Environnement. Cependant, il n’y a pas eu de suite.
En plus du sit-in du jeudi 25 octobre, les fournisseurs concernés par cette affaire avaient organisé un autre sit-in devant le bureau de l’Ombudsman le 23 mars 2014. Suite à ce mouvement, le gouvernement a remboursé à peu près 800 millions BIF.