Pour la construction du bureau provincial, la signature du gouverneur est désormais payante. Et ce durant trois ans. Une décision décriée par la population.
Tout demandeur d’un sous-couvert pour l’ouverture d’une pharmacie ou une structure sanitaire doit donner dix sacs de ciment ou 250.000 Fbu. Même coût pour une attestation d’implantation d’une église. Et quatre sacs de ciment ou 100.000Fbu sont exigés pour avoir un sous-couvert pour l’exploitation de boisement pour des fins commerciales. Ces nouvelles exigences sont contenues dans un communiqué signé par le gouverneur de Kayanza, rendu public le 18 juillet.
D’autres redevances obligatoires sont de 10.000Fbu pour un sous-couvert pour une attestation de possession d’une propriété ou la reconnaissance d’une association ou d’une coopérative. En ce qui est de l’implantation d’une société commerciale, le coût est fixé à quatre sacs de ciment ou 100.000Fbu.
Tout en nuançant qu’elle reste gratuite pour tout demandeur de premier emploi, la signature pour une attestation de bonne conduite, vie et mœurs est fixée à 2000Fbu. Idem pour la décision d’enregistrement tardif à l’état-civil et autres décisions en rapport avec l’état-civil.
Via son communiqué, Anicet Ndayizeye, gouverneur de Kayanza, a précisé que seuls les chômeurs et les indigents détenteurs d’une attestation d’indigence délivrée par un administrateur communal sont exemptés. « Il ne s’agit pas d’une taxe, mais d’une simple contribution. » Et de se vouloir rassurant : « Si quelqu’un n’est pas capable de donner les quatre sacs d’un coup, il peut le faire par échéances. Il suffit seulement de manifester sa volonté.»
Une décision contestée
« Je ne suis pas au courant de cette mesure. Et si elle existe, c’est tout simplement un frein pour le développement de notre province », commente un habitant croisé aux environs du Monument de l’Indépendance de Kayanza. Cet homme trouve qu’avec une telle décision, les investisseurs vont fuir Kayanza : « Au lieu de leur exiger des contributions forcées, il fallait créer des conditions pour qu’ils viennent installer beaucoup de sociétés commerciales, d’associations ou de coopératives.»
Et J.K., un fonctionnaire, d’ajouter qu’en matière de contribution, il ne devrait pas y avoir de forcing : « Je ne m’oppose pas à ce projet de construction d’un bureau provincial, mais chacun devrait contribuer selon ses moyens. » Il propose une contribution minimale de 500Fbu par ménage. Cet enseignant trouve qu’au lieu de fixer arbitrairement de telles contributions unilatérales, le gouverneur pourrait élaborer un projet et le soumettre aux bailleurs.
B.N., un homme de Muruta ne mâche pas ses mots : « Dans ces années-ci, on aura tout vu. Personne ne se soucie plus de nous. C’est du simple rançonnage.» Et d’énumérer les différentes contributions contraignantes, comme la construction des permanences et les différentes taxes revues à la hausse concernant les vaches, les vélos, etc. « Je ne serai donc pas étonné si demain ou après-demain, on nous demande de donner les quatre sacs de ciment par force.» Et d’enfoncer le clou : « En 2005, le président de la République a annoncé la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes, les enfants de moins 5 ans ainsi que la gratuité de la scolarisation de nos enfants. Allez demander à ces mamans la vérité. »
« Aujourd’hui, on a besoin d’être assisté au lieu de construire des bureaux en étages », se résume-t-il, avant de pédaler son vélo bien chargé de bananes.
« Une mesure illégale »
Faustin Ndikumana, président de Paroles et actions pour le changement des mentalités (Parcem), parle d’une mesure illégale. Il s’appuie sur la Constitution de la République du Burundi : « La loi fondamentale n’autorise qu’au ministère des Finances de collecter les redevances ». Il ajoute que les recettes administratives doivent être prévues dans le budget et sont gérées par l’OBR. Il s’étonne qu’une personne, fût-ce gouverneur de province, puisse s’arroger le droit de collecter des contributions, les verser sur un compte autre que celui de l’OBR. Et de se demander sur quelle loi le gouverneur de Kayanza s’est-il basé pour la fixation des différentes contributions. M. Ndikumana indique, par ailleurs, qu’il existe un programme d’investissement public pour les différents projets de l’Etat. «Seul ce programme s’en occupe normalement.»
M. Ndikumana rappelle que les Burundais, les habitants de Kayanza y compris, sont soumis aux impôts de revenus, à la taxe de la valeur ajoutée (TVA)… «Les habitants de cette province sont victimes d’une injustice.»
Le gouvernement applaudit
Thérence Ntahiraja, porte-parole du ministère de l’Intérieur, affirme que la collecte des contributions pour des initiatives de développement est normale. Il assure que cette demande de contribution est dépourvue de contrainte : «Les autorités provinciales n’empêchent à quiconque de réaliser son projet prétextant le manque de contribution.»
Je ne suis pas encore au courant d’une signature payante afin d’ériger un hôpital ou un dispensaire. Le Gouverneur de Province et le porte-parole du Ministère de l’Intérieur semblent ignorer les lois qui régissent les impôts et taxes au niveau local et communal.
Je me dis qu’il ne faudrait pas se comporter en amateur quand il faut toucher dans la poche du citoyen et du contribuable.-
Il nous faut maintenant apprendre cette vérité que le gratuit peut coûter très cher. Les autorités nous ont accordé la gratuité des frais scolaires, soins de santé pour les enfants et la maternité… Merci beaucoup. Mais à y regarder de plus près, les anciens et nouveaux impôts ainsi que les diverses contributions auxquels nous sommes assujettis vont nous coûter plus cher que ce nous recevons gratuitement. En somme, ce qu’on nous donne légèrement de la main gauche, on nous le prend lourdement de la main droite.
Le pouvoir DD demande de payer pour les services gratuites dans des pays avec une bonne gouvernance.Bienvenue la republique bananière dans le pays de Rwagasore!