Vendredi 22 novembre 2024

Sécurité

Karusi : les rescapés de Kayogoro parlent

10/08/2020 Commentaires fermés sur Karusi : les rescapés de Kayogoro parlent
Karusi : les rescapés de Kayogoro parlent
Vue partielle du petit ‘’ centre’’ de Rusamaza

Seize personnes dont quatre policiers sont sous les verrous dans la province Makamba. Ils sont accusés d’assassinat et extorsion sur les travailleurs saisonniers qui rentrent de la Tanzanie via la rivière Malagarazi. La plupart de ces victimes sont originaires de la province Karusi. Iwacu est allé à la rencontre de quelques rescapés.

Par Fabrice Manirakiza et Rénovat Ndabashinze

Zone Rusamaza, commune Gihogazi, province Karusi, un petit « centre » très animé. Des boutiques, des bars… la plupart construits en briques cuites, couverts de tuiles ou de tôles bordent la route. Pour l’éclairage, la majorité des habitants utilisent des plaques solaires. Un centre, vivant, dynamique.

Mais avant d’y arriver, un long parcours. On passe par le centre Rusi. On traverse la rivière Ndurumu. Là, il faut bien manœuvrer le véhicule pour traverser les deux ponts sur le point de s’effondrer. Ils sont faits de troncs d’arbres en piteux état. La vallée est verdoyante. Des champs de haricots dominent. Des hommes, des enfants, font la pêche à l’hameçon dans cette rivière dont les traces des récentes crues sont encore visibles. Une route très étroite, difficilement praticable mène vers la zone Rusamaza.

La colline Rusamaza se pointe. C’est la première fois que nous empruntons ce circuit. Nous sommes un peu perdus. Un coup de fil. Notre source nous dit que nous l’avons « dépassé ». Il n’a pas reconnu notre véhicule. Ou peut-être, prudence oblige, il a eu peur et il a souhaité nous observer d’abord. On s’arrête.

Il nous dit de l’attendre. De loin, des jeunes gens nous guettent. D’autres mamans rasent les murs pour nous observer. Ils sont curieux. « Qui sont-ils ? », s’interrogent-ils, peut-être. Notre véhicule n’est pas connu dans la localité.

Un jeune homme s’approche, timide. Nous faisons semblant d’avoir eu une panne. Nous disons à notre chauffeur de faire semblant de vérifier les pneus.
Ce jeune homme qui nous regarde, c’est notre source. Allez, on se lance. « Nous sommes des journalistes à la recherche des rescapés du rançonnage de Kayogoro. » Il se détend alors.

« Oooooh. Nous sommes nombreux ici. Moi aussi, j’ai été victime de ça », confie-t-il, sans hésitation. C’est notre source.
Vite on s’organise. Un journaliste va s’occuper de lui et l’autre s’en va à la recherche d’autres victimes dans le coin.

Des témoignages très poignants

Cette femme dit n’avoir plus d’espoir de revoir son époux vivant

Une jeune maman qui tient un nourrisson nous dit que son époux est aussi victime. Pieds nus, assise sur une natte en morceaux, elle est entourée par ses trois autres enfants. Sa belle-fille est aussi présente. Ses fils plus âgés discutent dans la cour. Cette maman de 8 enfants n’a pas revu son mari, Nicodème Barakamfitiye, depuis le mois de janvier 2020. «Il est parti alors que notre fils venait de naître. Aujourd’hui, il ne sait pas comment nous nous portons».

Selon sa famille, il voulait rentrer au mois de juin de cette année : «Il m’a téléphoné en disant qu’il allait rentrer car nous avions une fête dans la famille. Un certain dimanche, ma fille est venue me dire que son père est retourné en Tanzanie car on l’avait dépouillé de tout sur la Malagarazi. Il ne pouvait pas rentrer les mains vides.»

Cette maman demande à ce que les coupables soient sérieusement punis et les victimes indemnisées. «Nous restons seuls chez nous, nous labourons seuls nos champs. Nous espérons que les nôtres reviendront avec des moyens afin d’améliorer notre quotidien. Mais, ils sont dépouillés et d’autres tués. C’est révoltant!».

D’une voix douloureuse, cette mère indique qu’elle n’a pas les moyens d’acheter de l’engrais chimique alors que tous ses voisins ont déjà payé un acompte pour ce produit. De plus, elle ne voit pas où elle va trouver le matériel scolaire pour ses enfants. «Nous avons perdu beaucoup de choses. On recule alors qu’on était en train de se développer grâce au travail de nos maris en Tanzanie.»

Est-elle optimiste de revoir son époux ? « Je n’ai plus d’espoir. Peut-être que lui aussi a été tué. Je suis malheureuse », lâche-t-elle d’une voix chancelante.

« Le malheur ne vient jamais seul », dixit la sagesse burundaise. Ses deux fils viennent de rentrer récemment de la Tanzanie. Ils n’ont pas pu échapper à ces malfrats de Bigina. Eric Ngendakumana, son cadet est revenu au Burundi fin avril.

Il raconte son périple : « En Tanzanie, des agents de sécurité (Wanamugambo) nous ont laissés partir moyennant paiement de 10 mille BIF par tête. Arrivés sur la Malagarazi, chacun a payé 12 mille BIF pour traverser à bord d’une pirogue. Arrivés sur le sol burundais, dans la zone Bigina, le calvaire a commencé. »

Selon lui, c’est au moment où ils s’apprêtaient à prendre les motos, que ces bandits vont faire irruption. « Ils nous sont tombés dessus et interrogés. Nous ne pouvions pas les reconnaître. C’était la nuit. Mais, c’étaient des Burundais. Ils parlaient le Kirundi».

Par après, poursuit-il, lui et ses amis vont être informés qu’ils vont subir un test de coronavirus. « Nous avons accepté. Ils nous ont fait marcher la nuit. Ils nous ont rassemblés dans un endroit et ont commencé à nous demander de l’argent».

M.Ngendakumana, la vingtaine indique que si on tente de refuser, les bandits prenaient tout ce qui se trouve dans les poches. « Moi, ils m’ont volé 300 mille BIF. Ils m’ont laissé seulement les habits. Certains ont été même sérieusement battus. » C’est par après qu’ils vont découvrir qu’ils ont été piégés. «C’était un mensonge. Pour nous convaincre, ils nous disaient qu’après l’examen, nous allons directement partir chez nous sans attendre les 15 jours de mise en quarantaine. » Il affirme que ces vols ont commencé avec le coronavirus. « C’était la troisième fois que je me rendais en Tanzanie. Mis à part un peu d’argent donné sur le barrage de la police pour nous laisser continuer, avant, on partait et on rentrait en toute tranquillité». Pour lui, le coronavirus est devenu une aubaine pour cette équipe des malfaiteurs de Kayogoro.

En Tanzanie, Eric Ngendakumana était un tâcheron dans les champs soit des Burundais ou des Tanzaniens. Aujourd’hui, il est désespéré : « En fait, je ne sais pas quoi faire. Je voulais me marier vers fin août. Mais, tout est tombé dans l’eau. Car, c’est avec cet argent que j’allais procéder aux travaux de finissage de ma maison, acheter les portes, les fenêtres, etc. »

Assis devant la maisonnette de son père, il dit que pour le moment, il est désespéré : « J’espère que ma fiancée va me comprendre. Je n’ai pas d’autres choix que de reporter mon mariage.»

« Ils nous ont tout pris »

Ces rescapés de Kayogoro plaident pour la restitution de leurs biens et argent.

Les rescapés sont nombreux. Samuel Irambona, lui aussi de la colline Rusamaza, la vingtaine, se souvient. «C’était le 16 juin 2020. Lorsque je suis arrivé sur la Malagarazi, j’y ai trouvé des Imbonerakure et des policiers. Il y avait aussi le chef de zone, le chef de colline Gatwe et un certain Ntaka. Ils m’ont demandé 50.000 Fbu arguant je viens d’entrer au Burundi illégalement.»

Selon lui, ils l’ont sommé de se coucher parterre en le menaçant de le jeter dans la Malagarazi. Il assure qu’il a été emprisonné pendant une semaine à Gatwe. «Chaque jour, je devais payer 40.000 Fbu. J’avais peur d’être tué parce que j’avais violé les mesures concernant le coronavirus. J’avais sur moi 1.200.000 BIF».

D’après lui, une vingtaine de ses camarades l’ont retrouvé dans les cachots. «Eux aussi payaient de l’argent. 30 mille BIF ou 40 mille BIF. Les policiers nous disaient que c’est pour intercéder pour nous auprès du commissaire».

On les a fait embarquer dans des voitures de marque Toyota, modèle Probox pendant la nuit. «Les policiers, dont une femme, avaient loué des voitures pour nous. Nous leur avons donné 40 mille BIF pour arriver à Gitega. Je suis arrivé chez moi traumatisé. Mes parents ont pleuré en me voyant. J’avais perdu beaucoup de kilos».

Sous le choc, Samuel Irambona indique que ses 300.000BIF ont été volés. «Je suis dans l’impossibilité de terminer ma maison après ce qui m’est arrivé. J’étais parti travailler en Tanzanie afin de construire ma maison. Aujourd’hui, les parents sont obligés de vendre des chèvres ou autre chose pour m’aider».

Ce jeune homme précise que ce n’est pas la première fois qu’il partait travailler en Tanzanie. «Avant, on n’avait pas de problème. Tout a commencé avec le coronavirus».

A part l’argent qu’on lui a volé, le jeune homme explique que des policiers de Kayogoro et de Rutana leur ont pris des plaques solaires et des pagnes.
E.N., un autre jeune d’une quinzaine d’années, n’a pas encore oublié ce qu’il a vécu : «Je suis parti avec mes cousins. C’était au mois d’août de l’année passée. La traversée était sans problèmes. En Tanzanie, notre travail consistait à cultiver les champs. Nous avons décidé de rentrer au mois de mars. »

Ils ont donné 12.000BIF par tête aux Tanzaniens (Wanamugambo). Ils ont pris une barque pour 5000BIF. Les problèmes ont commencé en arrivant au Burundi. « Avec trois amis, nous avons pris une moto de la Malagarazi à Gatwe. Nous sommes tombés sur une barrière. Un jeune qui était là nous a dit qu’ils vont nous amener dans un centre de dépistage du coronavirus».

Arrivés en chemin, raconte-t-il, il leur a dit de lui donner tout l’argent à leur disposition. Ce jeune homme se souvient qu’il avait 350.000BIF. Ses amis avaient 300.000BIF chacun. Des bagages aussi. « Ils nous ont tout pris».

Après, ils vont passer deux jours à Gatwe. Pour rentrer, ils ont dû téléphoner à leurs parents. Ce sont eux qui vont leur envoyer les frais de voyage Il est encore sous le choc : «C’était la première fois que je fais ce voyage. Je n’ai pas envie d’y retourner.»

L’aventure vers la Tanzanie

Le périple vers le pays de Julius Nyerere se fait en groupes. «Pour partir, nous empruntons de l’argent à des connaissances. Nous partons en groupes de 3 ou 4 personnes », raconte un des jeunes de Karusi.

Arrivés au chef-lieu de la commune Kayogoro, province Makamba, ils prennent des motos jusqu’à la rivière Malagarazi.
Auparavant, il indique que le prix du voyage était de 1000 BIF pour traverser. « Mais aujourd’hui, les prix ont monté. Pour entrer au Burundi, on payait 10.000BIF mais actuellement, le prix de la traversée est de 60.000BIF». Et à l’intérieur du pays, ce jeune souligne qu’on paie encore plus avant d’atteindre la région natale.


Tanzanie, une terre d’espoir

Pourquoi tous ces jeunes partent-ils vers la Tanzanie ? A Kayogoro, on les surnomme des ‘’sizeni’’, un mot forgé du français les ‘’ saisonniers’’. Pourquoi ces jeunes hommes dans la force de l’âge se rendent en Tanzanie. A Rusamaza, nous avons recueilli quelques témoignages.

Malagarazi, point de passer vers la Tanzanie, à Kayogoro, zone Bigina.

Deux principales raisons expliquent cette affluence vers la Tanzanie, explique Mathias Nsabiyongera, chef de zone Rusamaza : « En fait, beaucoup de gens d’ici ont vécu dans les camps de réfugiés en Tanzanie. Et là, ils vivaient de l’agriculture. Ils avaient loué ou acheté des terres, des grands domaines agricoles. » Ce qui signifie qu’à leur retour au pays, ils n’ont pas abandonné leurs terres. Ils y retournent souvent pour les exploiter et en tirent beaucoup d’argent, des millions de BIF. « Quand ils rentrent, ils achètent des motos, des voitures. Ils construisent de belles maisons, font des projets d’élevage, etc.». Les plus jeunes, avec l’espoir de faire comme leurs aînés, s’y rendent en masse. « Ils emboîtent le pas à ces anciens réfugiés ou vont travailler dans leurs domaines».

L’autre raison est liée à l’exiguïté des terres, à l’infertilité. « Normalement, ici, pour avoir une bonne récolte, il faut utiliser du fumier. De l’engrais chimique et du fumier organique. Ce qui est coûteux. Or, en Tanzanie, le sol est encore fertile. Il n’exige pas du fumier ».

Un voyage plein d’embûches

De Karusi à Kayogoro vers la Tanzanie, le voyage n’est pas aisé. N.B est un chauffeur de transport en commun qui fait la navette entre les deux localités (Karusi et Kayogoro). Quelquefois, il était appelé de nuit pour transporter ces travailleurs saisonniers jusqu’à Gitega. «Normalement, le prix jusqu’à Gitega est de 8000 BIF. Mais ces travailleurs payaient un montant de 50.000BIF. Je l’ai su plus tard.»
Au mois de juin dernier, se souvient N.B, il était à Gatwe à 21h. «J’ai été abordé par une personne qui me demandait si je peux transporter 14 personnes en provenance de la Tanzanie. J’ai demandé un prix de 10.000 BIF chacun».

Attiré par le gain, il est parti pour cette mission. Arrivés tout près de Kayogoro aux environs de 23 heures, confie N.B, ils ont été arrêtés par quatre policiers de Kayogoro dont une femme policière. Ils ont fait sortir les passagers et ils ont commencé à leur administrer des gifles. «J’ai été révolté car ces personnes rentraient chez eux. Ils les accusaient d’avoir le coronavirus.» Ils les ont fait asseoir par terre. «Par après, les policiers ont exigé une somme de 20.000BIF chacun. Apeurés, les garçons ont déboursé une somme de 280.000BIF.» Le voyage a continué. A Butare dans la commune Bukemba, ils sont tombés, cette fois-ci, sur les agents de l’Office Burundais des Recettes (OBR). Les 14 personnes vont payer chacun 10.000BIF.
A la barrière de Mu Birongozi au chef-lieu de la province Rutana, poursuit ce chauffeur, les policiers ont exigé 20.000BIF. « Deux ont manqué cette somme. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient payé 50.000BIF dès le départ. J’ai dû payer 20.000 BIF pour les deux. »

A Makebuko, province Gitega, à cause de la fatigue, le chauffeur va les faire sortir de sa voiture. « Ils ont pris un minibus».
Selon lui, le circuit commençait par les passeurs puis les Imbonerakure et enfin les policiers. Et le rôle du commissaire communal de la police dans tout ça ? «Je pense qu’il était au courant. C’est impossible que des gens soient dépouillés pendant des mois sans qu’il le sache.»

C.H, 25 ans, a subi le même sort que ses amis de Rusamaza : « Moi, je possède des champs du côté de la Tanzanie. J’amène des Burundais pour cultiver et leur rémunération dépend de la quantité des récoltes.» Selon ce jeune homme, ils étaient environs 14 personnes quand ils ont traversé la Malagarazi à savoir deux patrons et 12 travailleurs. C’était le 27 mai dernier. «Nous avions plus de 6 millions. Sur la Malagarazi, il y avait des Imbonerakure, le chef de colline Bigina, Lameck Ndayizeye, le chef de corps de Kayogoro et une femme policière. Les Imbonerakure nous ont fait sortir de la barque. Ils ont voulu nous amener dans une plantation de bananiers. Ils disaient qu’ils veulent nous protéger. Nous avons refusé».

Les jeunes ont continué leur chemin. Selon C.H., les Imbonerakure les avaient mis en garde qu’ils n’arriveront pas à destination. «Arrivés à quelques mètres, l’épouse du chef de colline Bigina nous a prévenu qu’il y avait tout près une barrière des Imbonerakure. Elle nous a amené chez elle.»
Selon C.H., le chef de colline Bigina, incarcéré dans le cadre de ce procès, est arrivé. Comme il est changeur de monnaie, il leur a demandé combien de shillings ils ont sur eux. «Nous n’avons pas voulu montrer que nous avons beaucoup de monnaie. Nous lui avons donné l’équivalent de 900.000BIF. Il a commencé à protester que c’est peu arguant que nous en aurons besoin pour donner aux policiers. Il a d’abord pris 50.000BIF par tête pour le déplacement jusqu’à Gitega».

Aux environs de minuit, ils ont pris le chemin vers Gatwe avec le chef de colline. Il les a fait monter dans la voiture. «Apparemment, il était en contact avec le chauffeur».

La voiture est arrêtée par le «chef de corps» et une policière à Kayogoro. «La femme policière nous a craché dessus en disant que nous sommes atteints du Coronavirus. Les policiers nous ont menacés de brûler tous nos biens et notre argent. Naïvement, nous pensions que les policiers étaient au courant de notre passage.»

Après des menaces d’emprisonnement, la femme policière a exigé 100.000BIF chacun. «Nous lui avons répondu que nous pouvons donner 10.000BIF. Nous avons accepté de donner 30.000BIF c’est-à-dire 420.000Fbu». Les policiers ont refusé de toucher l’argent. Ils leur ont demandé de donner cette somme au chauffeur. « Finalement, nous nous sommes rendus compte que le chauffeur était complice».

Craignant d’être dépouillés de tout leur argent, les deux patrons ont décidé de dormir à Kayogoro. Les travailleurs ont continué le chemin vers Gitega. Mais les mésaventures vont se poursuivre le matin. «Lorsque nous sommes allés changer notre monnaie, nous avons été arrêtés par un policier. Apparemment, c’était un chef. Je ne connais pas son nom mais je peux l’identifier. Nous lui avons donné 70.000 BIF».

Ils réclament la justice

Tous les rescapés interrogés à Gihogazi plaident pour la restitution de leur argent et leurs biens. « Voilà, je n’ai plus rien. Mon mariage est reporté. Je demande à la justice de faire tout pour que ces bandits soient sévèrement punis », insiste M. Ngendakumana. Pour lui, la punition doit être exemplaire surtout pour ces administratifs qui ont failli à leurs missions.

A Rusamaza, quand on leur parle de Malagarazi, les rescapés hochent la tête. «Je sens une douleur qui remonte dans mon cœur. Je me rappelle des choses horribles», confie un jeune. «J’ai la chair de poule. C’est une petite rivière mais la traverser est un parcours de combattant. Depuis l’avènement du coronavirus, la traversée est devenue très périlleuse».

Les jeunes de Karusi demandent qu’on leur rende leur argent et tout ce qu’on leur a volé. «La justice doit faire son travail. Si nous pouvions arriver dans la zone Bigina, on pourrait montrer à la justice les gens qui nous ont dépouillés. On les connaît. Par exemple, Ntaka est connu par tout le monde». Ntaka étant le diminutif de Ntakarutimana, le chef des Imbonerakure dans la zone Bigina.

De son côté, Mathias Nsabiyongera, chef de zone Rusamaza, affirme que beaucoup de rescapés sont venus se plaindre chez lui. Il indique d’ailleurs que l’administration va essayer d’identifier toutes les victimes. « C’est vraiment une honte et il est déplorable d’entendre un chef de zone ou des administratifs impliqués dans ces crimes. C’est déshonorant». Il plaide pour une punition exemplaire pour décourager tout berger qui écorche ses brebis au lieu de les protéger.

M. Nsabiyongera espère que le gouvernement va prendre en main, cette fois-ci, la sécurité de ces migrants saisonniers. Car, dit -t-il, ce sont des mouvements migratoires très utiles pour les familles et la commune.

A Bigina, des âmes charitables aussi

Mathias Nsabiyongera : « C’est vraiment une honte et il est déplorable d’entendre un chef de zone ou des administratifs impliqués dans ces crimes. C’est déshonorant. »

Malgré le choc, les rescapés de Karusi reconnaissent qu’à Bigina, tout n’est pas noir : « Certains habitants de la localité nous ont sauvés. Après avoir été dépouillés de notre argent, ils nous ont aidés pour rentrer nous ont montré des raccourcis pour arriver à Kayogoro », confient les rescapés. Selon eux, un des pêcheurs de la Malagarazi a pris le risque de conserver les affaires des rescapés. « Par après, il nous les a apportés ici à Rusamaza sur ses propres fonds. C’est très généreux » applaudissent-ils. Il n’est pas seul.

Domitille Ndayiragije, cheffe de colline Rusamaza raconte que chaque-fois qu’il y a des cas de vol, d’arrestation, il y a une personne qui l’appelle de Kayogoro : « Elle me donne des informations sur la situation de mes concitoyens, comment ils ont été arrêtés, où ils sont détenus, etc. Et c’est via son téléphone que les familles des victimes envoient de l’argent pour les frais de retour, le ticket.» Elle affirme que beaucoup de jeunes ont été relâchés ou retrouvés suite à son intervention. D’autres passent quelques jours chez ces différents bienfaiteurs avant de poursuivre le voyage.
De son côté, Mathias Nsabiyongera, confirme que n’eût-été cette affaire, les relations entre les gens de Karusi et ceux de Kayogoro sont bonnes.

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