Le rendez-vous trimestriel des porte-parole du président de la République et des ministères, avec la presse et la population, a eu lieu à Karusi mardi dernier. Seules les questions sur la CNTB ont eu des réponses plus ou moins précises. Sur les autres, des réparties politiciennes, des échappatoires.
Mardi 18 juin, chef lieu de la province Karusi, 9h du matin. Tout le monde est présent et à l’heure à l’hôtel Kwi’Iteka Résidence, où doit se dérouler la conférence de presse organisée tous les trois mois par le porte-parole du président de la République et ceux des ministères, et d’autres institutions, à l’intention de la presse et de la population qui pose des questions par téléphone. Dans la salle de conférence en forme de 0, les différents porte-parole occupent les deux côtés, les journalistes se trouvent à l’arrière de la salle. Au fond du côté gauche, des techniciens radio et de l’ONATEL assurent la retransmission en direct de la conférence. Dans le panel de devant la salle, les porte-parole du Chef de l’Etat, du gouvernement et de la Cour suprême. De part et d’autre de la table, deux journalistes pour conduire les débats.
Jérôme Niyonkuru, un des modérateurs, lance le ton, notamment avec des questions sur le risque que la nouvelle loi sur la presse ne gâche les relations du Burundi avec certains de ses partenaires, ou la CNTB accusée parfois de trancher en faveur des rapatriés. Léonidas Hatungimana, porte-parole du président de la République, a été le premier à répondre, en donnant une véritable leçon sur la CNTB.
Des révélations sur la CNTB
D’abord sur la loi de la presse, rassurant, il a dit que le président de la République, qui considère les journalistes comme ses frères et sœurs, s’est inspiré des autres pays, pour promulguer cette loi, dont la Belgique, la France, le Rwanda, l’Uganda. Et de balayer la crainte d’une rupture de relations avec les partenaires internationaux, la preuve en étant les dons qui continuent à pleuvoir.
Sur la CNTB, Léonidas Hatungimana a été intarissable, en brandissant des arguments massues contre les détracteurs de la commission. D’abord, il a signalé que la CNTB ne fait pas de tris pour traiter des dossiers. Mais, a-t-il souligné, pour ceux qui prétendent qu’ils possèdent légalement les biens laissés par les victimes de 1972, parce que reçus de l’Etat, il a prouvé qu’ils ont tort. Et de citer deux lois des anciens présidents Micombero et Bagaza qui dessaisissent l’Etat dans ces cas (voir en bas d’article) : « L’Etat s’en est lavé les mains par des fois. »
Quant à la mission réconciliatrice de la CNTB, le porte-parole du président trouve qu’elle est remplie : « Quand on demande à quelqu’un réclame à autrui la veste de son père tué, sans lui réclamer le mort, y a-t-il plus conciliateur ? », s’interroge-t-il.
Pour lui, devant cette bonne foi, l’occupant illégal devrait plutôt rendre volontairement ce qui ne lui appartient pas, en y ajoutant des compensations pour toute la durée d’occupation illégale. S’agissant du fonds d’indemnisation, M.Hatungimana a précisé qu’il n’est dit nulle part qu’il viendrait indemniser celui qui rend un bien acquis illégalement, mais plutôt celui pour lequel il est difficile d’être rétabli dans ses biens.
Un Philippe Nzobonariba en pleine forme
Lui emboîtant le pas, le porte-parole de la CNTB, dans un langage mélodramatique, a également fait l’éloge de la CNTB, sans oublier, presque avec des larmes, de rappeler les conditions de vie des rescapés de 1972.
D’autres questions ont été posées, soit par les journalistes présents, soit par des personnes par téléphone. Les appels ont surtout porté sur les grèves des enseignants, et la mésentente entre leurs syndicats et le gouvernement. Toujours égal à lui-même, Philippe Nzobonariba, porte-parole du gouvernement, n’y est pas allé par quatre chemins pour déclarer que la grève des enseignants est illégale. Dans un langage imagé en kirundi, comme il en a le secret, au grand plaisir de l’assistance, il a démontré l’illégalité de cette grève, en appelant les enseignants à reprendre le travail pour le bien des enfants du Burundi.
M. Nzobonariba a également fait un clin d’œil à la société civile, qui dénonce sur les ondes, comme à son habitude, la prochaine loi sur les associations, au lieu de porter leur crainte au Parlement pour en parler. Pour lui, la société civile craint cette loi parce qu’elle vient après celle sur la presse, mais en oubliant qu’elle a à faire à un gouvernement responsable.
Des porte-parole convaincants, à part…
L’état de la sécurité, l’exploitation illégale du nickel et d’autres minerais, les arrestations du Service Nationale de Renseignement, l’état d’avancement des travaux du nouveau marché de Bujumbura, le niveau du kirundi de l’Ombudsman… Les porte-parole concernés par ces questions y ont répondu, chacun semblant rivaliser avec l’autre pour donner une réponse positive ou rassurante, souvent sans aucune précision ou donnée. Dans un langage de bois propre aux politiciens endurcis, alors que la plupart de ces porte-parole sont relativement jeunes. Un air de déjà vu pour les journalistes habitués à ces conférences.
L’homme de la conférence (à l’instar d’homme du match) a incontestablement été Léonidas Hatungimana, aussi à l’aise dans ses explications que dans ses arguments. Volontiers reconnu pour ses capacités intellectuelles, cette aisance du porte-parole du président de la République dans les conférences de presse aurait pourtant un autre secret. « Avant la conférence, son service organise des séances de simulation, où toutes les questions sont imaginées et posées, et il y répond », entend-on dans un groupe pendant la réception qui suit la séance. Vrai ou faux ? En tout cas, efficace.
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Décret présidentiel no 100/314 du 26 novembre 1974 portant mainlevée de saisie de certains immeubles des personnes condamnées le 6 mai 1972 (sous Michel Micombero).
Article 1 : Mainlevée de saisie est ordonnée sur les maisons ayant appartenu aux personnes condamnées lors des tragiques événements des mois d’avril et mai 1972, pour restitution à leurs héritiers : sauf pour celles situées à des localités entièrement désertées par les propriétaires
Décret-loi no 1/21 du 30 juin 1977 relatif à la réintégration dans leurs droits des personnes ayant quitté le Burundi suite aux événements de 1972 et 1973 (Sous Jean-Baptiste Bagaza).
Article 1 : Toute occupation, détention, jouissance des biens et droits laissés vacants par le départ des réfugiés à la suite des événements de 1972 est inopposable à l’administration.