Les uns parlent d’une décharge sauvage. D’autres, improvisée. Pour les environnementalistes, elle est illégale. Pourtant, elle a été autorisée par des autorités de la commune Kanyosha…
Elle est située dans le quartier de Gisyo en commune urbaine de Kanyosha, presque aux abords du lac Tanganyika. En quittant la route Rumonge et en empruntant la quatrième transversale (une route en très mauvais état, ndlr) après quelque dizaines de mètres, on remarque une montagne d’ordures. A quelques mètres des maisons d’habitation où l’on voit des enfants, en bas âge, en train de jouer. Des déchets surtout ménagers y sont jetés aux abords d’une grande falaise due à l’extraction du sable. « Seule une société appelée Sam Services a l’exclusivité d’y jeter des immondices », précise un habitant de ce quartier. Les habitants des alentours se plaignent de mauvaises odeurs, surtout quand il a plu.
Par ailleurs, des mères racontent que leurs enfants sont à la merci des maladies des mains sales. Malgré cela, ils semblent être résignés de vivre ainsi : « Que pouvons-nous faire si nos autorités ne se préoccupent pas de notre bien-être !»
Des déchets provenant des ménages de Kanyosha
Antoine Bel Nihorimbere, directeur général de Sam Services indique, travailler dans la légalité : « La commune nous a autorisé de jeter les déchets à cet endroit. La grande partie des déchets provient des ménages de notre commune. » Pour lui, c’est une bonne initiative. Il estime même que chaque quartier devrait en avoir. Entre autres, il précise que la création de ce dépotoir est due en grande partie aux problèmes rencontrés à Buterere, où se trouve la seule décharge publique : « A un certain moment, les habitants de cette commune bloquaient nos véhicules pour que nous n’y jetions pas nos ordures. D’où l’idée de chercher un autre endroit. »
Bien qu’il admette qu’aucune étude n’ait été faite, le directeur affirme qu’il n’y a pas de conséquences sur l’environnement. Il reconnaît que, de temps en temps, de mauvaises odeurs envahissent les habitations environnantes qui sont par ailleurs récentes : « Au début, il existait une distance raisonnable entre les maisons et le dépotoir. »
Quant aux plaintes des habitants, Antoine Bel Nihorembere souligne que personne ne l’a jamais approché pour se plaindre de quoi que ce soit. Et d’ajouter que si de telles lamentations ou reproches lui étaient parvenues, il aurait arrêté depuis longtemps, puisque sa société travaille à perte : « Plusieurs associations ont déjà mis le clé sous le paillasson. Nous avons aussi suspendu nos activités à un certain moment mais nous avons décidé de continuer pour nos abonnés. »
Une étude sur l’impact environnemental et social s’impose
L’environnementaliste Albert Mbonerane conteste la légalité de cette décharge. Il dit ne pas comprendre comment l’administration, qui n’a pas cette compétence, l’a autorisée. Il précise que c’est le ministère de l’Environnement qui identifie des sites pouvant accueillir les déchets : « Ce qui n’a pas été le cas pour celui de Kanyosha. » Normalement, explique-t-il, pour créer une décharge, il faut d’abord faire une étude sur l’impact environnemental et social. Ensuite, se rassurer que le site est compatible avec les personnes vivant aux alentours.
Pour lui, la cause de cette situation est l’existence d’une seule décharge mais aussi d’une mauvaise organisation pour l’évacuation des déchets ménagers : « Depuis un certain temps, il y a eu des initiatives de certaines associations pour le ramassage des déchets ménagers dans les quartiers. Malheureusement, les évacuer, c’est autre chose. » Il pense que cela est dû parfois à la spéculation de ces associations : « Il se peut que le coût du carburant ajouté à d’autres dépenses soit supérieur aux frais des ménages. De ce fait, ils décident de les jeter dans des endroits cachés. » Et de souligner que trois sites ont été identifiés à Rugazi et seront aménagés au modèle de ceux des pays développés.
Il précise que l’endroit où se situe le dépotoir de Kanyosha est une zone tampon. Il parle aussi d’une incontestable pollution de la nappe phréatique et du lac Tanganika lui-même. « Une situation à laquelle il faut mettre fin dans l’immédiat », conclut l’environnementaliste.
Des déchets surtout ménagers sont jetés aux abords de cette falaise. ©Iwacu
Antoine Bel Nihorembere : « La commune nous a autorisé de jeter les déchets à cet endroit. » ©Iwacu