Mercredi 27 novembre 2024

Archives

Kabarore : les damnés de la terre

25/08/2011 Commentaires fermés sur Kabarore : les damnés de la terre

Plus de cinquante rapatriés venus de Rukore(Tanzanie) vivent dans la misère sur la colline Rorero, commune Kabarore, province de Kayanza, depuis trois ans. Tandis qu’ils demandent des terres à cultiver, l’administration promet une solution après leur recensement.

Clotilde Misago, une des rapatriés se plaint : « Depuis que nous sommes ici, nous n’avons la nourriture une seule fois de la part du ministère de la Solidarité, lorsqu’il nous a apporté des couvertures. »

Localité de Kinyovu. A une quarantaine de kilomètres du chef-lieu de la province Kayanza. Une douzaine de maisons en adobe longent la colline. Elles ont été construites par l’Eglise Baptiste. Elles sont entourées, en amont, par un champ d’ananas et d’avocatiers appartenant au Président de la République. En aval, d’autres champs des résidents s’étendent sur plusieurs hectares.

Pourtant, ces rapatriés n’ont pas de terres où cultiver. Selon Mme Misago, plusieurs d’entre eux ont fui à cause de la faim. Pour survivre, chaque famille doit exploiter trois mètres carrées devant sa porte, poursuit cette mère de sept enfants. Elle affirme même qu’un vieillard est mort récemment sur cause de la faim.

Sur place, certains ne cachent pas leur nostalgie de la Tanzanie. « Nous n’étions pas chez nous, mais au moins nous mangions à notre faim tous les jours lorsque nous étions au camp des réfugiés de Rukore », indique Marie Nyandwi, mère de huit enfants, recroquevillée devant sa maison. Puis elle ajoute : « Regarde !La maison est sur le point de me tomber dessus. »

Fuir à cause de la faim

Côté santé, les choses ne se présentes pas mieux, explique-t-elle, car chaque famille doit se trouver une petite place où construire un sanitaire alors que l’espace est déjà trop exigu. Ainsi, la plupart des enfants souffrent de diarrhée. Et pis encore, les malades n’ont nulle part où se faire soigner. Cette situation a conduit certains d’entre eux à fuir.

C’est le cas d’une certaine Vestine Niragira. Désespérée, cette femme a demandé au gouverneur de l’argent pour payer le ticket de transport ; car elle voulait se rendre à Kirundo, raconte une de ses voisine restées sur place. « Nous étions 115 personnes à notre arrivée mais nous ne sommes plus qu’une cinquantaine », souligne un des rapatriés sous anonymat.
Ainsi, remarquent ces rapatriés, personne ne se soucie de leur situation et moins encore l’administration. Joseph Ntahomenya, père de cinq enfants, indique qu’il a passé douze jours au cachot de la commune pour avoir vendu les tôles d’une maisons qui s’était écroulée : « Nous allions mourir de faim et j’ai proposé à mes voisins de vendre ces tôles et la charpente afin de nourrir nos enfants. L’administrateur m’a emprisonné m’accusant d’incitation à la révolte. »

En plus de ces difficultés de survie, certains rapatriés indiquent qu’ils n’ont pas regagné leurs terres alors que des résidents sont en train de les exploiter sous leur nez. C’est la cas de Didace Ntibarirana : « J’ai fui en 1972. Quand je suis revenu, ma propriété était occupée par quelqu’un d’autre. »

Des villages de paix comme piste de solution

M. Ntibarirana indique que la Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB) l’a renvoyé devant la justice mais que celle-ci ne lui a été d’aucun secours. « Actuellement, je croupis dans la misère alors que des étrangers occupent les terres de ses ancêtres »,s’insurge le septuagénaire.

Selon lui, les voisins résidents n’ont pas hésité à raconter aux juges que son père avait tout vendu avant l’ exil….. pour le discréditer. Il demande que l’administration l’emmène, au moins à Cankuzo où habitent ses enfants, à défaut de lui trouver un lopin de terre.

<doc935|right>Jean Claude Mpawenimana, gouverneur de Kayanza, reconnaît la précarité dans la quelle vivent ces rapatriés. Mais il incrimine l’explosion démographique que connaît sa province : «  avec une densité de 500 à 700 habitant par kilomètre carré, il est difficile de trouver des terres à ces rapatriés. »

Toutefois, le numéro un de Kayanza indique l’administration et la CNTB comptent d’abord recenser tous les rapatriés sans terres. Il sera ensuite question d’inviter différents partenaires pour la construction de villages de paix. Pour autant, M. Mpawenimana ne donne pas exactement la date du début de ce recensement. Concernant des rapatriés qui ont trouvé leurs terres occupées, le gouverneur abonde dans le sens des résidents en expliquant que certains cherchent déspérement à récupérer des propriétés qu’ils avaient déjà vendues.

Un responsable de la CNTB à Kayanza est du même avis. Pour lui, la commission étudie chaque cas et propose de régler un différend à l’amiable. Et d’ajouter que celui qui se sent lésé devrait approcher les instances judiciaires pour rentrer dans ses droits.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 1 214 users online