Des fauteurs de troubles arrêtés et punis conformément à la loi, un léger mieux suite à la mise en place des médiateurs collinaires, la consolidation du Conseil supérieur de la magistrature, l’instauration du siège d’un juge unique… Telles sont, entre autres, les réalisations dont se réjouit le chef de l’Etat au terme de ses 4 ans au pouvoir. Cependant, certains membres de la société civile nuancent.
« En ce qui est de la justice, aujourd’hui personne n’échappe à la vigilance des Officiers de la Police judiciaire et des magistrats. Ces derniers font des enquêtes et tous les fauteurs sont arrêtés et punis conformément à la loi sans distinction aucune », s’est félicité le président Evariste Ndayishimiye à la veille de la célébration de ses 4 ans au pouvoir.
Le chef de l’Etat se réjouit aussi qu’il y ait un léger mieux en matière de différends. Selon le président Ndayishimiye, ce léger mieux est le résultat de la mise en place des médiateurs collinaires et de la consolidation du Conseil supérieur de la magistrature. Ce qui a permis à celui qui a subi de l’injustice au niveau des juridictions de trouver où faire un recours.
« Tous ces changements résultent de la mise en place d’une loi instituant un siège d’un seul juge lors d’une audience », a-t-il renchéri tout en faisant observer que cette réforme a contribué dans la lutte contre la corruption et le favoritisme.
Par ailleurs, a-t-il fait savoir, il y a eu un léger mieux au sein de la justice burundaise après la prise de toutes ces décisions même si, a-t-il reconnu, on fait toujours face à des procès qui ont été mal traités dans le passé.
« Nous avons de l’espoir que ces procès vont encore reprendre dans l’intérêt de tous les justiciables », a-t-il promis.
En outre, au niveau de la justice transitionnelle, le numéro Un burundais dit comprendre la douleur que ressentent les Burundais sur le fait que la CVR (Commission Vérité et Réconciliation) n’a pas encore fini son travail.
Il a déploré qu’il y a ceux qui veulent profiter de cette situation pour torpiller le travail de la CVR. « Nous leur demandons de patienter tout en restant tranquilles comme ils l’ont fait lors des massacres qui ont coûté la vie à leurs frères et sœurs. Sinon, on risquerait de tout perdre », demande le président Ndayishimiye tout en leur garantissant que la vérité déjà connue sera sauvegardée et que des mesures seront prises pour l’intérêt de tout Burundais.
Réactions
Vianney Ndayisaba : « Des pesanteurs sur la justice subsistent »
Vianney Ndayisaba, coordinateur national de l’Association de Lutte contre le chômage et la torture (Aluchoto), reconnaît que certains fauteurs de troubles sont punis conformément à la loi. « Durant ces quatre ans de Ndayishimiye au pouvoir, il y a un léger mieux », témoigne-t-il.
Cependant, nuance-t-il, des enquêtes sont faites pour certains dossiers mais il y a d’autres dont on dit que les enquêtes ont commencé mais dont on ne connaît pas l’issue. « Il y a encore des intouchables, des gros poissons qui passent dans les mailles du filet », déplore-t-il.
Ce défenseur des droits de l’Homme salue l’instauration du siège d’un juge unique et la mise en place de l’institution des médiateurs collinaires tout en dénonçant des cas d’immixtion dans le travail des magistrats. Il évoque les lamentations de certains justiciables qui pointent du doigt des mains invisibles qui exercent des pressions sur le déroulement des procès.
« Il y a encore des poids et des ordres venant d’en haut qui pèsent sur le juge et l’empêchent d’exercer son métier en toute indépendance », fustige-t-il.
M. Ndayisaba recommande d’éviter le deux poids deux mesures dans le traitement des justiciables tout en essayant de mettre fin à ces pesanteurs qui s’exercent sur les magistrats.
Jean Marie Nshimirimana : « Nous déplorons encore une fois la surpopulation carcérale »
« D’un côté, nous nous réjouissons des progrès jusqu’ici enregistrés dans le domaine de la justice. Mais de l’autre, nous déplorons encore une fois la surpopulation carcérale qui ne cesse de gonfler. Il y a ceux qui ont été acquittés mais qui restent écroués », a réagi Jean-Marie Nshimirimana, président de l’association Solidarité avec les prisonniers et leurs familles, SPF/Ntabariza.
Ce défenseur des droits des prisonniers dit avoir constaté des changements au niveau du comportement des Officiers de la Police judiciaire (OPJ) et des magistrats des parquets.
« Nous avons constaté que les magistrats des parquets coopèrent avec nous et libèrent les détenus quand il se manifeste des irrégularités dans leurs dossiers », fait-il observer.
Cependant, M. Nshimirimana trouve inadmissible qu’il y ait encore des gens qui soient emprisonnés pour une dette civile ou pour enlèvement des bornes.
« Ces emprisonnements pour les infractions mineures gonflent les prisons. Cela crée une charge pour l’Etat et cause des difficultés dans les ménages dont la pauvreté ou la dislocation des familles », s’indigne-t-il.
Il se félicite aussi que certains médiateurs collinaires s’acquittent bien de leur mission tout en dénonçant d’autres qui exigent des pots-de-vin. « Ils donnent des rendez-vous lointains aux justiciables. Une façon déguisée de demander des pots-de-vin. Nous demandons que ce genre de médiateurs soient destitués pour le bien de la société ».
Concernant l’instauration d’un siège unique, cette réforme a permis la célérité dans le traitement des dossiers des justiciables, se réjouit-il.
Cet activiste de la société civile dénonce cependant les remises et les recours interminables. Pour lui, cette situation décourage les justiciables. « Imaginez-vous celui qui a déjà gagné un procès à trois reprises. Il peut arriver que le ministère public interjette appel à chaque fois ».
Jean Marie Nshimirimana recommande à l’autorité habilitée de mener toujours des enquêtes minutieuses avant d’affecter l’un ou l’autre magistrat à un poste donné en choisissant des hommes et des femmes intègres, épris de justice et d’équité et non pas mettre en avant le favoritisme, le clientélisme ou le militantisme.
Il recommande aussi de punir les OPJ et les magistrats qui se rendent coupables d’une détention illégale ou arbitraire ainsi que leur exiger de réparer les préjudices causés à l’Etat et aux justiciables.
Maître Janvier Bigirimana : « La justice burundaise ne parvient pas à se délier de l’exécutif »
« Que le président Evariste Ndayishimiye affirme que les fauteurs de trouble sont actuellement punis conformément à la loi et ceci après des enquêtes menées par les OPJ et le ministère public, je n’en disconviens pas. Mais dans plusieurs situations, on observe des cas où les enquêtes sont menées à la va-vite », fait observer Me Janvier Bigirimana.
Pourlui, la justice burundaise ne parvient pas à se délier de l’exécutif qui ne cesse de le prendre en tenaille.
A propos de l’introduction du principe du juge unique dans l’appareil judiciaire burundais, Me Bigirimana dit qu’il s’agit d’une innovation à saluer mais que tout n’est pas rose.
En effet, justifie-t-il, dans un contexte où le juge n’est pas protégé contre l’arbitraire des autres acteurs, la crainte qu’on peut imaginer est le fait que le juge unique pourra facilement être la cible d’actes de représailles par certains des burundais habitués à être au-dessus de la loi.
« Nous recommandons vivement qu’il y ait des mesures de protection et d’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats pour les aider à surmonter certaines tentations qui pourraient provenir de leur vulnérabilité financière ».
Quant au travail de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), Me Janvier Bigirimana estime qu’il y a eu accroissement de charge pour cette Commisssion quand on lui a doté la compétence de juger les dossiers fonciers anciennement gérés par la Commission nationale des terres et autres biens.
Ces dossiers étant suffisamment nombreux, craint-il, la CVR va s’y affairer en priorité et risque d’oublier sa mission première et trouver des excuses.
Est-ce que les journalistes ont pu obtenir des réponses sur cette phrase entre les guillemets de ce paragraphe ? Il a déploré qu’il y a ceux qui veulent profiter de cette situation pour torpiller le travail de la CVR. « Nous leur demandons de patienter tout en restant tranquilles comme ils l’ont fait lors des massacres qui ont coûté la vie à leurs frères et sœurs. Sinon, on risquerait de tout perdre », demande le président Ndayishimiye tout en leur garantissant que la vérité déjà connue sera sauvegardée et que des mesures seront prises pour l’intérêt de tout Burundais.
Est-ce une menace à ceux qui demandent que la vérité soit exposée le plus vite ? Cela veut-il dire que l’on doit encore laisser le mal se commettre et attendre plus de 30 ans pour corriger ? Si elle [la vérité] est déjà connue, pourquoi ne pas conclure et vite réconcilier les Barundi ? Des mesures seront prises [donc dans le futur], et pourtant on a besoin de soigner le passé et présent pour envisager les lendemains meilleurs, parce que, tant que tous les Barundi ne sont pas réconciliés, il est impossible de bâtir un avenir commun, un pays prospère, impossible.