Le projet de loi sur la Commission vérité réconciliation (CVR) est au niveau du parlement pour analyse et adoption. Une fois mise en place, cette commission doit viser la découverte de la vérité. Et si elle est connue et que les coupables sont identifiés, quel sera le rôle de la justice nationale et internationale? Sont-elles complémentaires ? Qu’en pensent le Burundais lambda et les spécialistes ?
<doc7555|left>Au chef lieu de la commune Nyanza-lac, province Makamba, il est 10h30. C’est au sud du pays à peu près à 200 mètres du Lac Tanganyika. C’est dans une région dont le paysage est dominé par des manguiers et des palmiers à l’huile. Un vent très doux provenant du lac rafraîchit toute la région.
Dans cette localité, tout au bord de la route Bujumbura-Makamba, des gens grillent du maïs, d’autres font le commerce d’huile de palme dans de petits bidons, certains bistrots sont ouverts et la circulation est intense. Quelques personnes sont venues au bureau communal situé à peu près à 500 mètres de la route goudronnée pour des affaires administratives. Parmi eux, G.K, un homme âgé d’une cinquantaine d’années insiste sur l’importance d’accorder le pardon : « Mon idée est que le pardon soit accordé, toutes les ethnies ont perdu. Il faut alors qu’on se pardonne ». En ce qui est de la réparation, cet homme souligne qu’il n’y a pas de réparation possible pour une personne. Il n’est pas optimiste concernant l’octroi de cette réparation : « La réparation dont on parle peut l’être en parole mais pas en acte car on se connaît au Burundi, les gens sont devenus des ‘’ventriotes’’ ».
« Que la peine de mort revienne »
En vue d’éradiquer les cas de récidive des crimes, des tueries, quelques gens rencontrés au bureau communal de Nyanza-Lac trouvent que l’abolition de la peine de mort n’était pas nécessaire. « Que la peine de mort revienne », déclare un habitant de Nyanza-lac sous couvert d’anonymat. Il rappelle que les crimes de génocide sont planifiés. Insistant sur le cas du Burundi, cet homme est pessimiste et pense que même les auteurs de ces crimes seront pardonnés car la peine de mort n’est plus. Et c’est cela qui entraîne d’après lui des cas de récidive : « Car, un criminel même appréhendé sait que dans deux ou trois jours, il sera libéré et il va commettre encore les mêmes gaffes ». Il insiste donc sur la nécessité d’avoir une justice opérationnelle avec des punitions exemplaires comme la peine de mort.
Aujourd’hui, les criminels cherchent refuge partout dans le monde ou ont recours à d’autres moyens pour cacher leurs sales besognes. Mais désormais, des cours internationales de justice ont été instaurées et même une police internationale a été mise sur pied.
Dans la commune de Nyanza-lac, la population est au courant même si elle ne maîtrise pas leur fonctionnement. « Si un génocidaire fuit le pays, et qu’il se réfugie à l’étranger, une fois dénoncé, il y a Interpol pour l’arrêter. Le criminel n’a plus de refuge dans ce monde. Tôt ou tard, il est appréhendé », souligne Asman, un jeune homme de la commune Nyanza-Lac.
La justice internationale au service des Burundais
Pour Raphaël, les politiciens qui fuient vers l’étranger s’accusent de quelque chose et veulent cacher leurs fautes. « Il faut les arrêter et les juger et de cette façon, on aura évité de retourner en arrière et de revivre les mêmes scènes dramatiques sans oublier que cela servira de leçon ». Et s’ils sont emprisonnés, poursuit-il, ils doivent y passer beaucoup d’années afin qu’une fois relâchés, ils ne viennent se moquer des victimes.
Il faut noter que pour le compte de sept Burundais victimes de tortures et détention arbitraire, TRIAL, une organisation suisse spécialisée dans la lutte contre l’impunité a déposé une plainte au comité des Nations Unies contre la torture. Les premiers dossiers du Burundi à être soumis au niveau de ce comité. Il s’agit de six cas de tortures par des agents de l’Etat et un cas de détention arbitraire. « La justice burundaise n’a pas fait son travail et une décision doit être prise. Nous avons confiance en la justice internationale en ce qui concerne la poursuite et le châtiment des crimes », déclarent ces victimes pour motiver leur recours à la justice internationale.
Dean Grossman, président du Comité des Nations Unies contre la Torture (CAT), dit être en attente d’informations de la part de l’Etat partie. Il indique également que ce comité est habilité à recevoir les plaintes des particuliers qui prétendent que leurs droits ont été violés. « Le plaignant ne peut pas être l’objet de représailles »
<img7556|right>La justice burundaise est incompétente
« Nous constatons qu’il y a beaucoup de crimes impunis causés par l’incompétence judiciaire ou le manque de moyens pour travailler. C’est pourquoi les tribunaux internationaux viennent appuyer les tribunaux locaux comme compléments », indique Armel Niyongere, président de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT).
Il conseille de saisir tout d’abord les tribunaux locaux. Et si le plaignant estime que ceux-ci ont mal jugé, alors il a le droit de saisir un tribunal international sans attendre que le dossier soit classé sans suite. Et cela, poursuit-il, dépend de beaucoup de choses : des motifs politiques, etc.
« Nous avons confiance en la justice internationale car un génocide ne se commet pas dans la maison. Et par conséquent, il n’est pas tranché sur les collines. C’est un crime qu’on doit poursuivre même à l’étranger. Bref, en cas de génocide, on doit saisir la justice internationale », souligne Térence Mushano, membre de l’AC-Génocide. Si les autorités refusent, déclare-t-il, elles ont des mains impures. M. Mushano donne l’exemple du Rwanda, de l’ex-Yougoslavie,… où les gens ont été poursuivis pour avoir commis un génocide. Il est optimiste que tôt ou tard, les bourreaux seront poursuivis.
<img7557|left>« La justice internationale intervient lorsque la justice locale se montre incapable »
« La justice internationale doit agir à partir du moment que la justice locale montre qu’elle n’a pas la volonté ou qu’elle en est incapable. (…). Et au Burundi, notre justice est incapable de satisfaire les victimes », indique Me Janvier Bigirimana, de l’ONG TRIAL. D’après lui, les magistrats ont leur appartenance ethnique, politique et familiale. Pour arriver à la justice, il rappelle que les Burundais ont décidé de faire recours au tribunal spécial.
M. Bigirimana estime que ce dernier va beaucoup aider les Burundais. Et si ce n’est pas le cas, peut-être par les blocages des politiciens, il indique qu’on peut recourir aux autres tribunaux comme celui de l’East African Community ou la cour pénale internationale.