Par Simon Kururu
Le mercredi 12 juin 2024, la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi (CVR) a organisé une conférence à laquelle ont participé des représentants de différents ministères, des délégués de partis politiques et de nombreux journalistes. Cette conférence avait pour objectif de présenter et de diffuser l’Arrêt RPC 5621/S rendu le 28 avril 2023 par la Cour Suprême du Burundi. Cet arrêt annule les jugements rendus par les Conseils de guerre de Gitega et de Bujumbura en mai 1972, jugements souvent décrits comme des parodies de justice.
Une parodie de justice se définit comme un procès dont le verdict est prédéterminé, où les droits de la défense sont ignorés. Les Conseils de guerre de mai 1972 avaient condamné à mort toutes les personnes soupçonnées d’atteinte à la sûreté de l’État et d’insurrection après les événements du 29 avril 1972. Ces jugements ont été rendus dans des conditions opaques, sans respecter les standards d’un procès équitable.
La CVR, s’appuyant sur l’arrêt de la Cour Suprême, a mis en lumière plusieurs irrégularités significatives :
– La plupart des condamnations étaient posthumes.
– Les accusés n’ont pas été entendus dans la langue de leur choix, les interrogatoires étant majoritairement conduits en français, une langue que beaucoup ne comprenaient pas.
– Les accusés ont subi des interrogatoires sommaires, deux ou trois questions suffisaient pour requérir la peine de mort, sans que les accusés aient pu se défendre.
– L’idée qu’un seul officier du ministère public puisse interroger plus de 100 personnes par jour illustre l’absurdité des procédures suivies.
– Les prévenus ont été traduits en justice sans citation préalable et sans que leurs affaires ne soient inscrites au rôle pénal.
– Le Conseil de Guerre a outrepassé son mandat en se prononçant sur des affaires non saisies.
– Les principes de la présomption d’innocence et du contradictoire ont été ignorés.
– Les accusés ont été privés de leur droit à l’assistance judiciaire et du droit de recours, les sentences étant exécutées immédiatement par le Conseil de Guerre de Bujumbura.
– Les condamnés n’ont pas été notifiés des décisions prises à leur encontre.
Il apparaît que les jugements ont été rédigés bien après les exécutions sommaires survenues à la suite de l’insurrection du 29 avril 1972. Les documents de ces procès auraient été établis par des juristes et signés par des militaires, dans le but de disculper le gouvernement d’alors, accusé de violer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les lois burundaises, notamment le Code pénal. En clair, il semble admis qu’une parodie de justice a eu lieu en mai 1972.
Lors de la conférence du 12 juin 2024, aucun participant n’a contesté le contenu et les implications de l’arrêt de la Cour Suprême. De plus, la responsabilité du gouvernement de l’époque a été unanimement reconnue. Il reste cependant à identifier les planificateurs, commanditaires, exécutants et complices de ces événements. La responsabilité pénale étant individuelle, il est injuste de globaliser la faute et de l’attribuer à l’ensemble de la communauté tutsi.
Par ailleurs, dans ses rapports et conférences, la CVR n’a pas clarifié le rôle des instigateurs de l’insurrection du 29 mai 1972, une ombre persistante sur le chemin de la réconciliation nationale. Cette question, laissée sans réponse, pourrait entraver le processus de réconciliation durable au Burundi.
Deux documents, évoqués lors de la conférence du 12 juin 2024 à l’Hôtel Source du Nil, n’ont jusqu’alors pas reçu l’attention qu’ils méritent. Le premier est une lettre du Président Yoweri Museveni d’Ouganda, adressée au défunt Président Pierre Nkurunziza le 8 décembre 2018, dans laquelle il mentionne ses contacts avec Celius Mpasha, Buname et Biyolelo. Le deuxième est une lettre datée du 14 juillet 1972, envoyée par Celius Mpasha au Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA).
Concernant la lettre de Museveni, la CVR a révélé que la rencontre avec l’équipe Mpasha aurait eu lieu au Mozambique. Cependant, il est plus probable qu’elle se soit déroulée en Tanzanie, où se trouvaient les camps d’entraînement des mouvements de libération pour divers pays africains, incluant des dissidents présidentiels burundais. Ces camps seraient aussi le lieu où ont été formés les membres de la National Resistance Army (NRA) qui ont aidé Museveni à prendre le pouvoir. Des éléments formés dans ces camps auraient participé à l’insurrection du 29 avril 1972, une piste que la CVR n’a pas encore explorée.
La lettre de Celius Mpasha, adressée au Secrétaire Général de l’OUA, accuse l’opinion internationale et africaine de silence face aux répressions sanglantes subies par les Hutu du Burundi. Il y déclare avoir fondé le Parti Populaire du Burundi (PPB) et annonce que l’insurrection populaire du 29 avril 1972 a été déclenchée par ce parti.
Cette lettre devrait inciter la CVR à réévaluer ses conclusions, notamment concernant les Maji Mulele, rebelles ou collaborateurs du régime Micombero, sujet de la conférence du 26 avril 2024.
Plus de cinquante ans après les tragiques événements de 1972, il est crucial de clarifier les responsabilités et de réhabiliter les droits de toutes les victimes, quelles que soient leurs ethnies, afin de pouvoir dire : « Plus jamais ça. »
Suite 2 De cette guerre civile, les conséquences fâcheuses nous ont rappelés à une évidence que nous devons apprendre à vivre ensemble en frères, sinon nous périrons ensemble dans des cycles de violence et de pauvreté. Aujourd’hui, au lieu de dire ces vérités aux nouvelles générations, les avides du pouvoir, parce qu’ils ne savent rien offrir au peuple, ils tiennent encore nouvelles générations dans une mémoire sélective, souvent les manipulateurs eux-mêmes n’ayant jamais été victimes directes des massacres ou de génocide. Encore du diviser pour régner. Quand je vois des Tutsi malheureux, quand je pense aux familles Tutsi orphelins, veuves ou veufs, des réfugiés à cause du pouvoir Tutsi même, quand je vois cette même situation chez les Hutu, avec des orphelins, des veuves, des veufs, des réfugiés du fait du pouvoir dit Hutu, je sais très bien que le problème n’est pas ethnique, mais la cupidité du pouvoir. Ntihica ubwoko hica intwaro mbi.
Suite 4 L’Afrique du Sud a connu la ségrégation, les Allemands ont commis l’Holocauste contre les Juifs, ils ont aussi écrasé les Français, je m’évite de citer ‘nos cousins’ à mémoire sélective. Mais aujourd’hui, ils ont compris, même si pas tous, le leadership dans tous ces pays s’emploie à bâtir la paix, la concorde et à développer leurs pays respectifs avec le concours des personnes issues de toutes les couches. Ils ont enterré la hache de la guerre, les allemands sont meilleurs des français, etc. Au Burundi, personne n’attend la Justice, certains criminels sont même déjà morts. Les vivants, bien que criminels pour les uns, certains les considèrent comme leurs héros. Mais l’évidence persiste, nous vivrons mieux et développeront notre Pays si nous nous inscrivons dans la vérité, dans la transparence, sur notre histoire et sur notre gouvernance en partageant les richesses nationales qui sont nous sont communes parce que le Pays nous appartient à Tous. Disons-nous la vérité et reconnaissons-la, et ainsi bâtissons un Pays prospère.
Suite 3 Par leur force et par l’amnistie, nous avons des « criminels » que nous appelons aussi parfois « nos héros », pourtant criminels en 1965, 1972, 1988, 1993 et suite, qui sont des criminels sur toutes ces années partout sur le territoire national, et dont les mémoires les plus rappelées dans toutes fosses communes sur tout le territoire national ou encore plus récentes à Buta, à Bugendana, à Kibimba, à Gatumba, à Kivyuka, à Bujumbura rural, etc qui ont encore les rênes des pouvoirs et de l’endoctrinement national. La CVR devrait avoir fini le travail et permettre de poser les nouvelles bases d’une éducation civique pour une cohabitation pacifique sans peur de revivre les tueries comme celles du passé, permettre une bonne gouvernance et un Etat qui protège Tous et donne les chances à Tous.
Suite 1 Faut-il faire des dizaines d’années de Commission pour dire cette vérité au Burundais ? Lors de Ntega et Marangara, les rebelles Hutu ont attaqué, le pouvoir Tutsi de Buyoya a rasé tout ce qui était Hutu notamment dans les deux communes. Même des Tutsi à visage douteux ont été tués. Un ami, un Tutsi m’a un jour raconté comment l’armée Tutsi a tué ses parents en leur disant qu’il n’existe pas de Tutsi au dans ce Nord pendant qu’ils essayaient de lui [ce Colonel Tutsi] expliquer qu’ils sont Tutsi. En 1993 et suite, l’armée Tutsi a tué le Président Hutu démocratiquement élu et ses collaborateurs, certains des leaders Hutu ont organisé la vengeance ou l’autodéfense sur les Tutsi parce que cela présageait encore qu’ils seraient tués sans défense comme le feu Président ou comme dans les années passées en 1972 ou 1988. L’armée Tutsi a ensuite tué d’inombrables Hutu à travers tout le Pays. Cette fois-ci, la guerre civile a été réelle, bien qu’avec des forces inégales.
Jusqu’à quand, nous Burundais, allons-nous vivre cette hypocrisie alors que la vérité est connue ?
Bien que je ne crois pas vraiment aux ethnies au Burundi qui ne sont qu’une fabrication artificielle du « diviser pour régner » exploité hier par le colon aujourd’hui par les cupides, je fais ces quelques observations:
En 1972, payé par Micombero ou non, un groupe rebelle hutu a commis des massacres de masse contre des Tutsi, notamment du Sud les leaders sont connus. C’est une attaque à caractère ethnique. Tout le monde conviendra que les massacres et autres dégâts sont limités et très localisés, les familles Tutsi du Sud peuvent témoigner. Mais le Gouvernement d’alors, un pouvoir Tutsi a commis un génocide, organisé, minutieusement préparé, avec la logistique d’Etat, un génocide contre les Hutu. Les Hutu ont été sélectivement, nominativement cueillis et tués. Des listes dans toutes les couches sociales, dans toutes les institutions, dans toutes les églises, les Hutu ont été tués sur liste jusqu’à l’école primaire. Tout montre que les reblles ont commis des massacres de masse contre les Tutsi. Presque toutes les familles Tutsi ont pu enterrer dignement les leurs. Tout [notamment la concomitance] montre que le génocide contre les Hutu avait été prémédité et préparé avec des listes bien prêtes pour exécution. Nombreux n’ont jamais enterré les leurs.
Cher anonyme,
Mes investigations m’ont amené à découvrir que le Président Micombero a été surpris par l’insurrection du 29 avril 1972.
Car, il y a eu bel et bien une insurrection qui a été revendiquée par Mpasha.
Je vous recommandé de lire mon article sur Google Simon Kururu, témoignage sur les évènements de 1972.
En ce qui concerne la répression qui a suivi, elle a été catastrophique et de nombreuses personnes innocentes ont été massacrées.
Bref, la qualification des crimes commis en 1972 devrait être établie par les Nations unies. Sur base d’un rapport qui devra être reconnu comme concensuel au Burundi.
Votre réaction confirme la préméditation du génocide que vous appelez répression. Vous dites: « Mes investigations m’ont amené à découvrir que le Président Micombero a été surpris par l’insurrection du 29 avril 1972. » Ceci veut dire que: Insurrection ou pas, les Hutu devraient être tués en masse, parce que dès cet instant, la chasse à l’homme a commencé, partout comme je l’ai dit, sur des listes préétablies, l’exécution organisé par tout l’appareil étatique. Ces listes n’étaient pas non plus une surprise.
Quelques choses me gênent dans l’écrit de Monsieur Kururu et aussi de l’espace qui lui est souvent offert pour produire. Des colloques et/ou rencontres sont organisés par la CVR au Burundi et à deux reprises, le journal en ligne Iwacu lui offre de l’espace pour contester les hypothèses de travail de la CVR ou alors pour , soi-disant apporter une réflexion la-dessus.
Un passage a retenu particulièrement mon attention et je cite: « La responsabilité pénale étant individuelle, il est injuste de globaliser la faute et de l’attribuer à l’ensemble de la communauté tutsi. » De l’avis de ce Monsieur, le principe d’individualité de la peine impliquerait que chacun doit payer pour ce qu’il a fait. Dans ce contexte, on se retrouverait face à une question de crime, de meurtre, une affaire qui se traiterait au niveau d’un simple tribunal. Dans ce même contexte, ce qui fait la spécificité et l’horreur d’un acte de génocide serait occulté. or, une personne seule ne commet pas un génocide. Le génocide est avant tout un acte collectif dans sa conception d’abord et aussi dans son exécution. Je n’occulte pas les responsabilités individuelles mais l’enjeu est de prendre toujours en compte ces deux dimensions ( le collectif/l’ individu, le génocidaire).
Cher Monsieur ou Madame Nshimirimana,
Je crois avoir bien précisé qu’il y a deux responsables des évènements d’avril 1972: le Gouvernement du Burundi et le Parti Populaire du Burundi PPB.
La CVR devrait se pencher sur ces responsables sans parti pris.
Quant au fait qu’un organe de presse accordé la place à tel ou tel
individu, je comprendrai votre point de vu si on refuse de publier votre analyse.
Nyarutsa.
Du choc des idées jallit la lumière
Mbe ubu muremera ko CVR yokora igaheza ikivi, dans toutes les zones possibles de la vérité?
N’iyo ni evolution ikomeye.
Comme la CVR n’a pas encore conclu, peut-on l’accuser de négliger des pistes? Canke twoyireka igakora, comme cela on juge ses actions une fois conclues?
Kuko la moitié de la vérité n’est pas la vérité. Nibaheze bashikirize hama on appréciera
Cher Saleh
La CVR présente des rapports d’étapes et on peut dire ce qu’on en pense. Elle organise des conférences publiques et les personnes présentes peuvent poser des questions et exprimer leurs points de vue.
Parmi les points de vue exprimés il y a le fait que deux lettres importantes qui sont de véritables éclairages n’ont pas été exploitees: celle de Museveni et celle de Mpasha.
La CVR devra revoir sa copie qu’elle le veuille ou non. Si non, son rapport sera considéré comme un document de propagande et non comme un document de vérité qui conduira à la réconciliation des burundais.
Que toute personne qui peut approcher cette institution lui recommandé la droitesse.
Bonjour Mr Simon. Quand vous dites que « La CVR présente des rapports d’étapes et on peut dire ce qu’on en pense », je suis d’accord avec vous. C’est sans doute la raison d’être de ces publications d’étapes.
Pour ce qui est de ces lettres, je suppose qu’elles feront objet de travaux pour vérifier d’une part leur athenticité puis tirer des conclusions à lumière d’autres faits qui auront été trouvé d’une part(et ceci dans l’espoir qu’elles soeint déjà déposées au mains de la CVR. Si cecinj’est pas encore le cas, il faudrait lke faire au plus vite. On pourrait déjà commencer à les publier dans les journaux puis officialiser ceci en les déposant à la CVR).
En attendant que cela soit fait, n’est-il pas prématuré de parler de négligence, étant donné que cette sortie/Rapport d’étape parlait justement d’un autre document?
Personnelement, je m’inquieterais si la CVR concluait cette période sans traiter ces documents, si ils leur ont été soumis avant la fin de leurs travaux.
Car je suis d’accord avec vous qu’il faut chercher la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Et sur ce je suis presque sûr que c’est le souhait de la plupart des burundais. En attendant, je propose de laisser travailler tranquillement cette CVR jusqu’au rapport final, époque par époque.
Aaah, mon frère
Va sur le site de la CVR et sur youtube.
La CVR affirme que le 29 avril 1972, les massacres de la population à Bujumbura, sur le littoral du lac Tanganyika, à Mabanda, Vugizo ont été perpétués par des mulelistes payés par Micombero pour justifier l’élimination des hutu
Un mensonge grossier, puisqu’en 1972, il n’y avait plus de mulelistes au Congo.
Et puis, Mpasha a revendiqué par écrit l’insurrection.
La CVR est entrain de camoufler cette très triste réalité.
Encore une fois, laisse cette commission finir avant de la juger de camoufler ceci, négliger cela, etc…
J’ai l’impression que tu ne voudrait pas qu’elle aille au bout!
Et puis, je pense que ta réaction ne correspond pas mon commentaire. C’est comme si tu ne veux pas aller au bout de la discussion et que tu cherches d’autres moyens pour le détourner.
Je suis quand même un peu deçu