Samedi 23 novembre 2024

Editorial

« Juger est un métier »

11/10/2019 Commentaires fermés sur « Juger est un métier »

A tort ou à raison, la justice burundaise a été vilipendée, diffamée, décriée surtout par ceux qui n’arrivent pas à avoir gain de cause. Des expressions défaitistes sont devenues monnaie courante : « deux poids deux mesures, une justice à deux vitesses, une justice à la solde de l’exécutif… » Avec l’intolérance politique qui commençait à prendre des allures inquiétantes, les « victimes » la qualifiaient de laxiste, d’absente, de complaisante.

Par Léandre Sikuyavuga

La décision du tribunal de grande instance (TGI) de Muyinga vient de redorer quelque peu le blason terni de cette institution, pilier de la démocratie. La sentence rendue ce 8 octobre par ce tribunal qui a condamné à perpétuité quatre personnes poursuivies pour « meurtre » d’un membre du parti CNL de la colline Kwitongo, en zone Rugari, a été saluée par le public .Entre autres commentaires : « Les juges viennent d’appliquer la loi et de dire le droit ; la magistrature vient de s’habiller l’indépendance, la neutralité et la compétence,… »

La population estime qu’avec un tel verdict, les tensions et les violences politiques entre les militants des partis adverses vont sensiblement diminuer. « Il faudra penser à deux fois avant de faire du mal à son opposant politique qui n’est nullement un ennemi à abattre. » J’ai entendu ce genre de propos à plusieurs reprises.

A l’aube des élections, l’exemple du Tribunal de grande instance de Muyinga devrait servir d’exemple à d’autres cours et tribunaux sur toute l’étendue de la République. Noël du Fail, juriste et écrivain français du XVIe siècle, donne sa définition du bon juge : « Il est d’abord un homme intègre, qui ne se laisse influencer ni par le statut social des parties, ni par le souci de l’opinion publique, ni même par l’appât du gain. » Pour cet écrivain, il doit rester neutre envers toutes personnes, de quelque grade, dignité, qualité et conditions qu’elles soient.

Ainsi, les hommes et les femmes de la loi auront à résister aux sollicitations des politiques, à se séparer de l’Exécutif dont la tendance est de s’immiscer dans le fonctionnement de leur institution, empiéter sur son pouvoir. L’impunité sera découragée, l’expression « Je me sers du juge quand j’en ai besoin » bannie. Et surtout ils auront montré, comme le défend jalousement Robert Badinter, que « juger est un métier. »

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