A tort ou à raison, la justice burundaise a été vilipendée, diffamée, décriée surtout par ceux qui n’arrivent pas à avoir gain de cause. Des expressions défaitistes sont devenues monnaie courante : « deux poids deux mesures, une justice à deux vitesses, une justice à la solde de l’exécutif… » Avec l’intolérance politique qui commençait à prendre des allures inquiétantes, les « victimes » la qualifiaient de laxiste, d’absente, de complaisante.
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La décision du tribunal de grande instance (TGI) de Muyinga vient de redorer quelque peu le blason terni de cette institution, pilier de la démocratie. La sentence rendue ce 8 octobre par ce tribunal qui a condamné à perpétuité quatre personnes poursuivies pour « meurtre » d’un membre du parti CNL de la colline Kwitongo, en zone Rugari, a été saluée par le public .Entre autres commentaires : « Les juges viennent d’appliquer la loi et de dire le droit ; la magistrature vient de s’habiller l’indépendance, la neutralité et la compétence,… »
La population estime qu’avec un tel verdict, les tensions et les violences politiques entre les militants des partis adverses vont sensiblement diminuer. « Il faudra penser à deux fois avant de faire du mal à son opposant politique qui n’est nullement un ennemi à abattre. » J’ai entendu ce genre de propos à plusieurs reprises.
A l’aube des élections, l’exemple du Tribunal de grande instance de Muyinga devrait servir d’exemple à d’autres cours et tribunaux sur toute l’étendue de la République. Noël du Fail, juriste et écrivain français du XVIe siècle, donne sa définition du bon juge : « Il est d’abord un homme intègre, qui ne se laisse influencer ni par le statut social des parties, ni par le souci de l’opinion publique, ni même par l’appât du gain. » Pour cet écrivain, il doit rester neutre envers toutes personnes, de quelque grade, dignité, qualité et conditions qu’elles soient.
Ainsi, les hommes et les femmes de la loi auront à résister aux sollicitations des politiques, à se séparer de l’Exécutif dont la tendance est de s’immiscer dans le fonctionnement de leur institution, empiéter sur son pouvoir. L’impunité sera découragée, l’expression « Je me sers du juge quand j’en ai besoin » bannie. Et surtout ils auront montré, comme le défend jalousement Robert Badinter, que « juger est un métier. »