Lors de la célébration de la Journée internationale des droits de la femme qui s’est déroulée le samedi 8 mars au stade de la province de Bubanza, le président Evariste Ndayishimiye a fait observer que les revendications des femmes doivent se faire dans la dignité et surtout dans le respect de la culture burundaise. De leur côté, les associations féminines réclament une loi écrite régissant les successions pour protéger davantage les droits des femmes.
Dans son discours de circonstance, le chef de l’Etat burundais a fait un clin d’œil aux femmes burundaises concernant leurs revendications. Selon lui, des changements liés à la modernité doivent s’opérer dans le respect des traditions burundaises. « Evoluer avec le temps ne signifie pas abandonner les coutumes et traditions du Burundi ».
Le président Ndayishimiye a émis le souhait de voir les coutumes et traditions burundaises codifiées en appelant ainsi les experts juristes et surtout le ministère de la Justice à s’y pencher à travers la révision du Code des personnes et de la famille.
Pour lui, certains points doivent être clarifiés, notamment les questions liées à la succession et au partage de l’héritage ; l’abandon des enfants dans la rue ; les filles qui tombent enceintes mais qui ne révèlent pas les pères de leurs enfants ; la gestion du patrimoine familial ; le divorce ; …
Il estime qu’il est temps de mettre en place une loi écrite qui régit la succession au Burundi tout en suggérant de prendre en compte la part des femmes mariées et celle des non mariés ainsi que les cas de divorce.
Une fois les coutumes et traditions burundaises codifiées, fait observer le chef de l’Etat, une occasion sera offerte d’en discuter et de mettre fin à des injustices commises par ceux qui se cachent derrière l’absence d’une loi écrite.
La femme doit être protégée
Le chef de l’Etat burundais a rappelé que les droits de la personne humaine sont protégés par les institutions étatiques. Pour lui, toute violence commise envers la femme doit être punie conformément à la loi. « Tout homme qui maltraite sa femme doit être puni conformément à la loi car, un tel acte est considéré comme un crime », a-t-il mis en garde tout en faisant observer que dans un pays donné, les droits des femmes sont parfois bafoués lorsque les institutions compétentes restent indifférentes.
Par ailleurs, insiste-t-il, une fille qui ne s’est pas mariée garde sa dignité et, en aucun cas, elle ne doit être maltraitée. « Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude ».
Il fait savoir que la fille est et reste un enfant dans la famille. Maintenant, le nombre de filles est plus élevé que celui des garçons selon le dernier recensement de 2024. Et de rappeler que « les lois du Burundi disent qu’un homme épouse une seule femme ».
Pour les filles qui tombent en enceintes et qui refusent de révéler l’identité des pères de leurs enfants, le président Ndayishimiye reste catégorique sur le fait d’enregistrer ces enfants sur leurs grands-pères. « C’est une insulte », tout en soulignant que dans la tradition burundaise, l’enfant hérite de son père.
Le président Ndayishimiye s’est dit choqué par le comportement de certaines femmes qui abandonnent leurs enfants dans la rue, les étranglent, les jettent dans la brousse ou les laissent à leurs pères. Il est aussi revenu et insisté sur le rôle prépondérant de la femme dans l’éducation des enfants surtout de la fille.
« Il n’est pas approprié qu’un homme enseigne à sa fille comment se comporter lorsqu’elle atteint la puberté. C’est la mère qui détient ce secret », a-t-il insisté.
Précisons que cette journée a été célébrée sous le thème « Femme, pilier du développement : Soutenons-la pour l’atteinte de la Vision 2040-2060 de notre pays !» Une occasion, selon le chef de l’Etat burundais, offerte aux femmes afin de faire une analyse rétrospective en vue d’évaluer leurs contributions dans le développement de leurs familles et celui de leurs pays.
Réactions
Inès Kidasharira : « Légiférer sur la succession est crucial pour protéger les droits des femmes »
« Légiférer sur la succession est crucial pour non seulement réduire les conflits familiaux en général mais également protéger les droits des femmes en particulier, qui sont les grandes perdantes dans cette histoire », indique Inès Kidasharira, activiste des droits de la femme. Elle précise que la majorité des cas déférés devant les cours et tribunaux sont liés aux conflits fonciers qui résultent de la problématique de la succession.
Elle estime qu’il est important de clarifier les aspects en rapport avec la recherche de la paternité. Selon elle, une jeune fille qui tombe enceinte peut se voir rejeter facilement comme il n’y a pas assez d’expertise pour confondre l’auteur de la grossesse. « Mais, avec des tests ADN par exemple, il serait bien plus facile d’avoir gain de cause en justice », suggère Mme Kidasharira.
Par ailleurs, fait-elle observer, la révision de certaines dispositions du Code des personnes et de la famille changerait des choses pour peu que la loi soit respectée. Actuellement, regrette-t-elle, même ce qui est écrit peine à être appliqué.
En cas de divorce pour cause déterminée, explique-t-elle, une conjointe peut être malmenée au vu de tous. Et on lui dira toujours de retourner en famille pour des conciliations alors que la loi est claire là-dessus. Pour cette activiste, les coups et blessures sont réprimés pénalement et donc ils ne font pas matière à conciliation à quelque niveau que ce soit.
« Il est donc important que la loi même à l’état actuel soit respectée et que tous les contrevenants, grands ou petits, soient punis conformément à la loi », recommande cette ancienne journaliste.
S’il advient qu’on légifère sur la succession, ajoute-t-elle, il faut que le législateur s’en tient à la proposition qui a déjà été faite par les organisations féminines et qui a été enrichie par les experts en la matière.
Pour elle, la fille est et reste un enfant dans la famille qui doit hériter au même titre que ses frères afin d’éviter les injustices.
« Comment je porterais le nom de mon père pour me voir déshéritée par ce dernier? Manquer où dormir là où j’ai grandi, quand mes frères peuvent même vendre la part qui leur a été donnée? Il faut rester logique », s’alarme cette consultante indépendante sur les violences basées sur le genre.
Octavie Ntakarutimana : « Il faut que la situation de veuvage soit revue par le législateur »
Octavie Ntakirutimana, présidente de l’Association des veuves responsables (AVR), estime qu’il est important de réviser le Code des personnes et de la famille et de légiférer sur la succession. Pour elle, en plus des points évoqués par le chef de l’Etat, la situation de veuvage mérite d’être revue par le législateur.
Elle déplore le fait que, dans la plupart des situations, une femme qui perd son mari n’a plus de place dans la belle famille. Elle fait savoir que la plupart des belles familles s’accaparent de ses biens soi-disant que c’était pour leur fils comme si la femme ne produisait pas.
« Imaginez alors comment cette veuve qui n’avait pas de droit à la succession chez sa famille biologique va-t-elle pouvoir survivre avec ses enfants », s’interroge Mme Ntakarutimana.
Cette activiste des droits des veuves fait savoir que la plupart des enfants en situation de rue proviennent de ces familles dont le mari est décédé et la veuve malmenée par la belle famille.
Par ailleurs, la présidente de l’AVR fait remarquer que le divorce est un élément très dangereux qui fait que les veuves vivent dans de mauvaises conditions.
« Le législateur devrait mettre dans la révision dudit code qu’au lieu de déclarer le divorce, on permette la séparation de corps jusqu’à ce que les enfants soient majeurs pour éviter qu’ils soient jetés dans la rue », recommande-t-elle.
Concernant la succession, elle suggère que les filles et les garçons soient pris au même pied d’égalité. Toutefois, nuance-t-elle, les parts à donner aux femmes mariées et aux femmes non mariées ne devraient pas être les mêmes, car, selon elle, les femmes mariées auront une autre part chez leurs maris.
Clarifions les choses:
1) A ce que nous savons et voyons. Les veuves exploitent le petit lopin de terre qu’elles exploitaient quand le mari était vivant. Niko biri hose.
2) Le problème d’héritage se pose seulement pour les properties foncières. Ivyo ni kw’itongo ry uruzogi. Tous les autres biens: amatongo yaguzwe inzu zubatswe seront divisés équitablement entre enfants sans tenir compte de sexe.
Si on autorise que les femmes mariées aient aussi leurs lopins de terres aho bavutse , j’y vois un problème: l’atomisation des terres.
En plus comme la fille qui se marie s’installe sur la propriété de son mari; 80% des des filles seront obligées de vendre leur propiétés heritées .