Dans la province de Rumonge, de nombreuses femmes ignorent la véritable signification de la Journée internationale des droits des femmes. Pour beaucoup, cette date se résume à une journée festive, une occasion de revêtir le « Kitenge » et de partager un verre. Certains hommes et femmes dénoncent les comportements jugés déplacés qui accompagnent parfois ces célébrations.
Plusieurs femmes interrogées dans la zone Mutambara de la commune Rumonge n’ont aucune connaissance sur l’origine ou l’objectif de cette journée internationale. « Je ne sais ni ce qu’elle signifie ni pourquoi elle existe. Je vois juste des femmes, heureuses et bien habillées, se rendre au stade de Rumonge, où se tiennent souvent les festivités », témoigne une habitante de la localité.
Elle explique que les seules fêtes auxquelles elle participe sont celles organisées par son association d’épargne. « Nous célébrons nos récoltes et les bénéfices de l’année », précise-t-elle. Pour elle, il est positif que les femmes aient une journée de fête, mais elle regrette la manière dont elle est célébrée. « Je ne participe pas à ces festivités, car beaucoup de femmes que je croise ce jour-là sont soit ivres, soit en colère contre leur tailleur ».
Daphrose Igiraneza, une autre femme de la même localité partage un avis similaire. « Bien que je célèbre cette journée chaque année, j’ignore son origine réelle. Cependant, j’aime voir les femmes joyeuses qui se mettent à l’honneur ». Toutefois, elle désapprouve celles qui adoptent un comportement excessif. Selon elle, les femmes devraient faire preuve de respect et d’élégance lors de ces célébrations. « Lors des discours prononcés durant ces festivités, on nous encourage à être des modèles pour nos foyers et notre société. Je ne comprends pas pourquoi certaines ne rentrent pas chez elles ou reviennent tard. On dirait que cette journée est devenue une occasion de débauche », regrette-t-elle.
D’après elle, ces comportements influencent négativement la perception qu’ont les hommes sur cette journée. « Je connais des femmes auxquelles il est interdit de participer à ces célébrations. Leurs maris craignent qu’elles finissent par adopter des comportements négatifs », raconte-t-elle. Certaines femmes subissent ainsi les conséquences des agissements des autres. Elle appelle donc à une attitude digne lors de la fête du 8 Mars.
Pascal Niyomwungere, résident à Mutambara, partage cette inquiétude. « Heureusement que cette journée n’a lieu qu’une seule fois par an. Sinon notre souffrance serait immense. Je n’aime pas que ma femme y participe », affirme-t-il. Il soutient la justice, l’équité et le respect des droits des femmes, mais il critique vivement la façon dont cette journée est célébrée. « Je me demande si ces festivités sont vraiment nécessaires. Je condamne toute forme de violence contre les femmes, mais certaines deviennent ingérables et insupportables le 8 Mars », confie-t-il.
Revoir l’organisation
Pour lui, il est essentiel de sensibiliser ces femmes sur l’importance de cette journée ou d’en revoir l’organisation. « Rentrer tard, boire jusqu’à perdre le nord, danser de manière indécente, etc. Ce n’est pas ainsi qu’on lutte pour ses droits. De tels comportements ne mènent nulle part », déplore-t-il. Il estime que cela constitue un manquement aux devoirs conjugaux. Il préconise également d’impliquer les hommes dans les sensibilisations et célébrations. « Enseigner les droits des femmes uniquement aux femmes ne résoudra pas complètement les injustices et violences qu’elles subissent. Les hommes doivent aussi être intégrés afin que nous comprenions la valeur et la signification de cette journée », suggère-t-il.
Un rappel de la cause féministe
Neema Tuyisenge, représentante du Forum national des femmes à Rumonge, revient sur l’objectif de cette journée. « Cette journée existe pour nous rappeler le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle sert à évaluer les progrès réalisés et ceux qui restent à accomplir », explique-t-elle. Selon elle, les dérives observées ne doivent pas être associées à la journée elle-même. « Celles qui s’enivrent le font de leur propre initiative. Ce type de comportement n’est pas encouragé lors de nos rassemblements », assure-t-elle.
Elle invite les femmes à se recentrer sur la cause à l’origine de cette journée afin de bénéficier pleinement de leurs droits. « Dans cette quête du respect de nos droits, nous ne devons pas oublier nos devoirs. Au-delà d’être des femmes, nous sommes aussi des mères, des sœurs et des filles. Nous avons des responsabilités et une réputation à protéger », insiste-t-elle. Selon elle, les femmes peuvent célébrer cette journée avec modération.
Elle rappelle que la Journée internationale des droits des femmes est bien plus qu’un simple événement festif. « Son but principal est de mettre en avant les discriminations, les inégalités et les violences que subissent les femmes. C’est un moment de réflexion et de recherche de solutions pour améliorer leurs conditions, tout en célébrant les avancées réalisées ».
« heureuses et bien habillées « …. « soit en colère contre leur tailleur »
Pouvez-vous me dire qui est qui vent le « Kitenge » ? C’est désormais devenu une tradition dans ce pays que à toutes les fêtes nationales (journée des femmes, des travailleurs, indépendances, fêtes du parti de l’aigle…) on roule au rythme du «Kitenge », rien à reprocher : que l’argent circule, c’est une bonne nouvelle pour l’économie, mais au fait qui tient en main ce commerce ? Je suis curieux !
« beaucoup de femmes que je croise ce jour-là sont soit ivres »…. «pourquoi certaines ne rentrent pas chez elles ou reviennent tard. On dirait que cette journée est devenue une occasion de débauche »
S’agissant des travers observés (ivresse, débauche, etc) je n’ai pas de leçons de morale à donner aux autres. A la fin, ces femmes nous ressemblent à nous tous, elles sont un miroir pour nous tous, elles sont l’image du pays. On peut être d’accord ou pas, mais telle est probablement la réalité ; au moins pour l’ivresse.
Ce qui m’amuse et m’inquiète en même temps, c’est toute la niaiserie autour de ces fêtes, ou la suivance moutonnière de certains, comme le conformisme de certains qui se mettent à acheter (le Kitende n’ibindi vya ndagutakiye) alors qu’il n’en ont pas les moyens ; et aussi une certaine légèreté propre à nous peuples noirs, comme quand par exemple je vois circuler des photos des patates douces comme artefacts de l’intelligence artificielle, alors que, oui, ailleurs (Amérique, Russie, Chine) on s’attèle à développer la vraie intelligence artificielle.
Niaiserie, donc ! Légèreté, donc ! Je crois que nous naviguons au rythme d’une intelligence artificielle (sociale, économique, je n’ose pas dire politique) à notre image.