Par Rodrigue Murerwa, journaliste reporter d’images à Iwacu web TV
Je me tiens là devant ces grillages attendant de voir un visage familier. Mais ces gens que je vois ne me disent rien. Je les regarde, essayant de deviner leurs histoires.
Lui pourrait avoir violé un enfant, l’autre a volé une bicyclette, celui-là pourrait être accusé dans le meurtre d’une femme…
Mais tous ces visages semblent innocents. Je me demande ce qu’ils peuvent penser de moi, de l’autre côté de cette barrière, du côté de la liberté.
Je suis encore plongé dans mes pensées quand un visage rayonnant, connu apparaît devant moi.
Je crois voir une lueur dans cette obscurité que représente ce bâtiment: Agnès est là.
À ses côtés, Christine, toutes deux rayonnant, joyeux de voir enfin des visages familiers. Christine a même pris de temps de mettre un peu de poudre sur ses joues, qui sait ?
J’essaie de les saluer à travers ces grillages : impossible de leur donner une bise, ne parlons pas d’un câlin.
Egide semble évasif. J’essaie d’engager la conversation avec lui, mais c’est difficile, il est préoccupé par ce qu’il vit, sa tête se balance : « Moi un jeune licencié, commencer ma vie professionnelle derrière les barreaux ». J’essaie tant bien que mal de lui remonter le moral, de blaguer, sans conviction : « c’est peut être un bon début, qui sait ? »
Quelque temps après, un gardien entre, il est temps de partir, nous devons les laisser encore là, le coeur se noue. Je ressens comme un drôle de sentiment. On m’a toujours dit que les larmes d’un homme coulent à l’intérieur.
J’essaie de garder le sourire pour ne pas anéantir leur moral.
« Ce n’est qu’un au revoir », chantent les scouts. Bientôt on reviendra les prendre pour les amener chez eux, dans leurs familles.
Ce jour-là, Agnès pourra passer du temps avec son fils, Christine nous appellera encore des « batigisi ».
Je pourrai encore appeler Térence pour lui demander de préparer des photos pour publication.
Egide…il pourra enfin sourire, son anglais servira encore dans les colonnes d’Iwacu.
C’est ce qui nous motive, c’est ce qui nous pousse à rester debout.