Dimanche 22 décembre 2024

Économie

Johnny Nkurikiye : « La confiance dans l’économie du pays peut être ébranlée »

18/08/2023 Commentaires fermés sur Johnny Nkurikiye : « La confiance dans l’économie du pays peut être ébranlée »
Johnny Nkurikiye : « La confiance dans l’économie du pays peut être ébranlée »

D’après cet expert économiste, dans pareille situation, l’urgence pour le gouvernement, c’est d’éviter que les limitations de retraits puissent être perçues comme un signe de problèmes économiques. Car, il y a risque que cela ébranle la confiance des citoyens dans l’économie et du système financier dans son ensemble. Entretien.

 

Actuellement, les banques et institutions de microfinance limitent les retraits en espèces pour leurs clients. Quels sont les motifs possibles ?

En période de crise économique ou de turbulence financière, les retraits massifs pourraient mettre en péril la stabilité du système bancaire. Limiter les retraits importants peut aussi aider les gouvernements à exercer un contrôle sur les flux de capitaux.

Cela peut être utilisé pour prévenir la fuite des capitaux hors du pays (ce qui n’est pas le cas du Burundi, le FBU n’étant pas une monnaie convertible) ; ce qui pourrait affaiblir la monnaie locale ou avoir un impact négatif sur l’économie nationale.

Autre raison ?

Les limites de retrait peuvent également être mises en place pour empêcher les individus ou les organisations de retirer de grosses sommes d’argent en espèces afin d’éviter la déclaration fiscale ou de cacher des activités illégales telles que le blanchiment d’argent.

Les restrictions sur les retraits peuvent contribuer à réduire les risques de fraude et de blanchiment d’argent en rendant plus difficile le retrait d’importantes sommes d’argent en une seule fois pour les criminels.

La maîtrise d’inflation n’y est pas pour quelque chose ?

Effectivement, dans certains cas, les gouvernements peuvent favoriser l’utilisation des paiements électroniques plutôt que les transactions en espèces. En limitant les retraits en espèces, ils encouragent les citoyens à adopter des méthodes de paiement électronique, ce qui peut être plus transparent et traçable. Dans des situations d’hyperinflation ou de dévaluation rapide de la monnaie, les retraits massifs d’espèces pourraient aggraver la situation. En limitant les retraits, les gouvernements peuvent tenter de ralentir la perte de confiance dans la monnaie et de maîtriser l’inflation.

En quoi cela avantage le client/ le citoyen lambda ?

En empêchant les gros retraits, les gouvernements peuvent préserver la liquidité des banques, garantissant qu’elles disposent des fonds nécessaires pour répondre aux besoins des clients et maintenir les opérations normales. Les retraits massifs pourraient entraîner des problèmes de liquidité pour les institutions financières.

Cette situation commence à être exaspérante et pour les institutions bancaires, particulièrement pour leurs clients. Que doit faire la banque centrale ?

En principe, les banques centrales jouent un rôle important dans la régulation du système financier et monétaire d’un pays. En ce qui concerne les limitations de retraits au-delà de certains montants, les prérogatives des banques centrales peuvent varier en fonction du cadre légal et réglementaire spécifique de chaque pays.

Au Burundi, il n’existe pas encore de loi y relative ! Cependant, la banque centrale (BRB) est responsable de la stabilité du système financier. Dans le cadre de cette responsabilité, elle a des prérogatives statutaires de mettre en place des mesures pour prévenir les risques systémiques et les situations de crise financière. Cela pourrait inclure des restrictions temporaires sur les retraits en espèces afin d’éviter une panique bancaire en période de crise, car on est bel et bien en période de récession inquiétante.

N’y-a-t-il pas risque que cette situation soit à l’origine de la perte de confiance dans le système bancaire ?

Les limites de retraits suscitent actuellement des inquiétudes chez les hommes d’affaires quant à la stabilité financière de leurs banques. Ils craignent que ces limites soient mises en place en raison de problèmes de solvabilité ou de liquidités de leurs banques.

Tout compte fait, ces mesures suscitent, en effet, des débats importants en raison de leurs implications sur les droits financiers des citoyens et sur l’économie dans son ensemble.

Certains voient ces restrictions comme une atteinte aux droits financiers des citoyens, car elles limitent leur accès à leur propre argent. Cela peut être problématique pour ceux qui ont des besoins financiers urgents ou qui préfèrent gérer leur argent en espèces.

Des commerçants grossistes se sentent contraints par ces limites, ce qui entraîne de la frustration et de l’inconfort, car les limites entravent leurs transactions financières normales quand il s’agit de s’approvisionner auprès des producteurs agricoles ou d’éleveurs de petits et gros bétails.

Et ceci pose davantage de problèmes, car les agriculteurs et éleveurs ne sont pas familiarisés avec la technologie ou n’ont tout simplement pas accès à des services bancaires traditionnels ou en ligne. C’est à ce niveau que les efforts doivent être consentis. Mettre tout le paquet pour une sensibilisation accrue.

Quid de leur impact sur l’activité économique, en général ?

Il n’est pas sans nier que les commerces locaux, en particulier ceux qui dépendent d’espèces pourraient ressentir une baisse de leurs ventes si les clients ont moins d’argent liquide à dépenser. Si les clients sont limités dans leurs retraits, cela entraînera un ralentissement des transactions économiques, car les gens auront moins d’argent liquide à dépenser.

Subséquemment, la valeur des biens et services échangés dans l’année en sera affectée et le PNB bien évidemment. Et si les limitations de retrait sont perçues comme un signe de problèmes économiques plus larges, cela pourrait ébranler la confiance des citoyens dans l’économie et le système financier dans son ensemble.

Des pistes de solutions…

A mesure que les transactions numériques deviennent plus courantes, les arguments en faveur de restrictions de retrait peuvent diminuer, car la plupart des transactions sont déjà tracées électroniquement.

Au bout du compte, le débat entre les avantages en matière de sécurité financière et les préoccupations liées aux droits individuels et aux implications économiques est complexe et mérite une considération attentive. L’équilibre entre la protection contre les abus financiers et la préservation des droits financiers des individus est un défi constant pour les décideurs et les sociétés. Je reste convaincu qu’une sensibilisation sur le bien-fondé de digitaliser est un impératif. Car, il suffit de voir de près, même des gens instruits, sont encore réticents.

Propos recueillis par Hervé Mugisha

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