Lundi 23 décembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

Jérémie Misago, entre colère et compassion

23/11/2022 10
Jérémie Misago, entre colère et compassion

Un lecteur d’Iwacu m’a dit comprendre la « retraite » du journaliste accablé de problèmes personnels .« N’en faites pas une grande histoire, même le Christ s’est retiré 40 jours dans le désert », a insisté notre lecteur. C’est vrai. Sauf que le Christ n’a pas planté sa fiancée le jour où il devait la présenter à sa famille. Le Christ n’a pas laissé parents, amis et collègues dans l’angoisse et le silence. Le journaliste Jérémie Misago, pour autant qu’il ait dit la vérité à la police (qui a fait un bon travail) a expliqué qu’il s’est retiré sans aviser personne pour aller prier au sein d’une communauté de « chrétiens sauvés » dans la province de Rumonge.

Dans la vie, chacun traverse des moments difficiles. Notre confrère serait donc ( j’emploie le conditionnel exprès) allé se confier à Dieu. C’est tout à fait son droit.

Mais a-t-il pensé à l’angoisse de sa famille qu’il attendait, lui et sa fiancée pour ce grand jour ? A la peur de ses collègues ? Est-ce que cette attitude est vraiment chrétienne ? Est-ce que dans cette communauté de « sauvés » personne ne l’a prévenu de l’inquiétude suscitée par sa « disparition » ? Seul Jérémie Misago sait la vérité, car des questions restent sans réponse, comme le fait de dire « qu’il ne sait pas comment il s’est retrouvé là-bas ». Un peu gros tout de même. Espérons qu’un jour il dira la vérité. C’est écrit dans la Bible qu’il chérit : « la vérité libère »

La «  disparition » des personnes reste un vrai traumatisme au Burundi. C’est une peur inscrite dans notre mémoire collective. Le grand portrait de son confrère Jean Bigirimana dans la cour du journal Iwacu devait rappeler à Jérémie Misago qu’il ne pouvait pas « disparaître » ainsi pendant quelques jours.

Beaucoup de gens me demandent ce qu’il faut faire du journaliste après ce qui s’est passé. A vrai dire, je n’en sais rien. C’est à la direction d’apprécier. Comme beaucoup de journalistes d’ Iwacu, après la sidération, je suis entre colère et compassion. La colère pour toute l’angoisse suscitée, mais la compassion aussi. Journaliste jusque-là correct, travailleur, je me dis que Jérémie Misago est un garçon qui souffre. Je suis humain et comme disait quelqu’un « rien de ce qui est humain ne m’est étranger.»

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Vyingoma

    « Beaucoup de gens me demandent ce qu’il faut faire du journaliste après ce qui s’est passé. A vrai dire, je n’en sais rien » . Ce passage m’avait laissé pantois à la première lecture. Je l’avais saisi apparemment dans un sens qui s’écarte largement de son esprit. Celui de ce qui se serait/ressemblerait à une sanction. Ma compassion me dictait alors, comme vous, d’écrire un truc, dans le sens inverse, en réponse. Et puis je me suis ravisé. J’ai compris que vous parliez plutôt d’un geste de compassion. Je partage votre idée. Le journaliste a perdu le nord et le sud à la suite d’une accumulation surprise de déconvenues financières à l’approche de son mariage. Chacun gère différemment ses soucis, vous l’avez dit, ce journaliste l’a aussi géré de sa façon : se retirer dans les montagnes et se confier au Tout Puissant. Il lui répondra. Ou pas. Cà, on ne sait pas. Ce qu’on sait, c’est que, à la place, nous pouvons agir sur son traumatisme, par ce geste de compassion. Lancez un fundraising, nous y répondrons.

    • Aigle

      Il y’a une différence de taille entre “qu’est-ce qu’il faut faire de ce journaliste..” et “qu’est-ce qu’il faut pour ce journaliste “. Dans le premier cas, il s’agit soit de sanction, soit de dépit.

  2. Gacece

    Je trouve indécent et injuste d’étaler les détails de sa vie privée sur la place publique.

    • Tout ce qui est écrit dans ce billet a été dit par Jérémie lui même sur les médias burundais

    • Gacece

      @Antoine Kaburahe
      À part pour des entrevues diffusées en direct (et sauf si c’est lui-même qui l’a diffusé), tout contenu peut être édité et on peut enlever les parties qui portent atteinte à la vie privée.
      J’ai l’impression qu’on lui a tendu une corde pour se pendre… alors qu’il est déjà à terre.

      Tous ces médias devraient faire preuve d’un certain jugement éthique, surtout s’il s’agit d’un confrère en difficulté. Et ce n’est pas parce que les autres l’ont diffusé qu’il faut le diffuser à son tour. C’est un cas d’école pour tout le monde.
      Note de la rédaction
      Votre dernière phrase est très correcte...

  3. Francis Gihugu

    Merci Antoine pour ce billet. Pour ajouter à ce que tu as bien dit, si il était conscient, a-t-il pensé aux spéculations qui peuvent résulter de cette disparition. Certains(soutiens du régime ) pourraient dire comme ils ont l’habitude de le dire que personne n’a été enlevée par les services étatiques depuis par ex 2015. Ils peuvent dire, que comme Misago, même d’autres reaparaitront( J’en ai eu écho d’ailleurs sur un réseau social). Évidemment qu’il n’est pas facile pour lui d’expliquer ce qui s’est passé réellement. Mais au moins il devrait prendre le stylo ou le micro pour remercier ceux qui se sont dépensés pour qu’ils soit retrouvé et ceux qui se sont inquiétés( ils sont nombreux). En attendant, comme vous l’avez bien dit nous avons besoin de la vérité. Puisque si il n’a pas dit la vérité, en plus de ses problèmes personnels qui le hantaient, va y ajouter les traumatismes de ce mensonge qui le hanteraient toujours. Mais ici je ne veux pas le juger, puisque l’important est que Dieu Merci, il a été trouvé saint et bien portant; moins à première vue physiquement. Félicitation à la famille, aux amis, à Iwacu, au Burundi d’avoir retrouvé un de nôtres!

  4. Tharcisse

    Face à des problèmes financiers, ce Jérémie a agi de façon immature.
    Mais, je me souviens de ce chiffre: il paraît que 47% des burundais, auraient des troubles mentaux. Oui , jérémie a été désequilibré psychologiquement coe ces bdais qui sont désabusés et qui subissent l’augmentation des prix, qui ne voient pas le bout de leur chemin.

  5. Sebarazingiza

    Nivyo, ibintu ntibimeze neza i Burundi. Uyo musore anyibutsa ibimaze iminsi biba, abaja Sérbie bataye abagore n’abana, bakabasiga mungorane zidafise uko zingana. Atwibutsa inzara, ubukene biri mugihugu. Atwibutsa ubusuma bwabaye ndanse muBurundi butumwa n’ukwihebura arivyo bituma abantu biheba.
    Muri rapport 2022 iheruka gusohorwa na ISTEEBU (Institut de Statistiques,..) ivuga ko biaravye uko abarundi baja kukivi n’uburyo bakoresha, abarundi badashobora kwimbura ibibatunga, ibitunga uBurundi. Ico kintu kirakomeye naho ibinyamakuru ataco vyakivuzeko.
    Uwo musore atwibutsako dutegerezwa gufatana munda uko dushoboye kugira « tubeho gusa » kuko ibihe ntibimeze neza.
    Hariho abazimiye vy’ukuri, ba Jean Bigirimana n’abandi benshi nico gituma atan’uwoshima inyifato yiwe, kuko yakoze bene abo bazimiye mugikomere. Mugabo, igikuru twoshima ko yabonetse!
    Mu Burundi, ba Yeremia nibenshi nabonyene ntawobirengagiza. Nabonyene barakwiye guhabwa icizere ko mu Burundi abantu bashobora kuhaba mw’iteka.

  6. Compassion

    Cher Antoine, ndakunze cane la chutte de ce billet. Oui certes, la colère, mais aussi, compassion. Je ne pense pas que le journaliste s’est réveillé d’un bon jour et dire “voila je vais me retirer”. Certainement qu’il y avait un antecedent. Et s’il s’agissait d’un trouble psychologique? Je n’en sais pas plus. Mais, après angoisse et colère, la compassion prime.

    • Tekana

      Il est vrai que ce confrère à suscité non seulement l’angoisse mais aussi la douleur à plusieurs personnes. Mais son témoignage révèle beaucoup d’éléments qui montrent que dans ce »film » Misago J n’était pas ce type sage, travailleur et même intelligent comme le décrivent ses collègues. Imaginez vous annuler un RV d’aller présenter sa fiancée à sa famille, passer la nuit dans la brousse… même éteindre son téléphone pendant plus de 48h pour un journaliste, tout cela me pousse à demander à direction d’Iwacu de consulter un psychologue pratiquant pour 2 raisons: ne pas prendre une décision x ou y à l’égard d’une personne qui n’est pas forcément auteur de son histoire mais aussi l’aider à la surmonter en cas de besoin.

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