Le spécialiste des violences politiques nous rassure : les Imbonerakure ne sont pas encore une milice. Cependant, il appelle les institutions étatiques à la vigilance pour juguler ce phénomène.
{Comment qualifiez-vous les actes posés par les Imbonerakure dans certains coins du pays ?}
Ce sont des actes criminels politiquement répréhensibles, parce que ces jeunes sont affiliés au parti CNDD-FDD. De plus, la loi ne les autorise pas à assurer l’ordre et la sécurité du pays. Ce qui est incompréhensible, c’est qu’ils sont soutenus par certains agents de la police alors que le travail de maintien de la paix revient à la police et à l’armée.
{Une certaine opinion commence à les comparer à la milice du Rwanda en 1994 (Interahamwe). Qu’en dites-vous ?}
Jusque-là, ils ne sont pas comparables à une milice, car d’après le dictionnaire{ Le Petit Robert}, il s’agit d’une troupe de police supplétive ou qui renforce une armée régulière en temps de crise violente. Or, ni la police ni l’armée n’ont demandé de renfort. En plus, nous ne sommes pas dans une situation de guerre déclarée pour que d’autres groupes de gens interviennent. Toutefois, si on analyse comment les Imbonerakure évoluent, nous risquons d’aboutir à ce même résultat parce qu’il y a une logique d’instrumentalisation des jeunes par certains agents de la police. A Bubanza, par exemple, la population accuse le commissaire provincial de police de les avoir autorisés à tuer, à torturer et à menacer les gens à Rugazi.
{Quels sont les dangers ?}
Dans ce processus d’autonomisation vis-à-vis du Cndd-Fdd, ces jeunes vont chercher à gagner matériellement et économiquement en extorquant des biens à la population. A la longue, nous pouvons assister à une confrontation entre ces jeunes et le reste de la population. Quelque part, ça ternit l’image, délégitime le parti au pouvoir et risque de lui coûter cher aux élections de 2015.
{Et que gagnerait le Cndd-Fdd en laissant le champ libre aux Imbonerakure ?}
Même si c’est une stratégie contre-productive, le pouvoir Cndd-Fd se sent quitte dans la mesure où il ne peut pas récompenser tous les militants, car il estime qu’il leur a donné la possibilité de « profiter » de sa position de parti au pouvoir.
{Le ministre de l’Intérieur encourage les Imbonerakure au moment où l’ADC-Ikibiri mobilise à son tour ses militants. Qui doit donc arrêter ce mouvement et comment ? }
Les deux positions radicales sont dangereuses pour le pays. Dans un climat politique, économique et social saturé, il serait difficile d’appeler d’autres gens à contrecarrer ce mouvement. Comme le président de la République est le premier garant de la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, il doit agir. Avec le concours des institutions gouvernementales comme les ministères de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de la Défense nationale, la restauration de l’ordre public est possible. Politiquement, la tâche revient également au Cndd-Fdd qui doit éduquer sa jeunesse dans l’optique d’une bonne cohabitation avec les autres et lui apprendre la façon de faire la propagande de leur parti.