Je suis sûr que le souhait des assassins de Jean Bigirimana était que son nom et son souvenir tombent vite dans l’oubli. Comme celui de tant de nos concitoyens sacrifiés sur l’autel du mal qui nous ronge depuis si longtemps.
Fosse. Silence. Oubli. Cette trilogie maléfique. Jean Bigirimana repose quelque part dans une fosse. Ils lui ont pris la vie, mais ils n’auront pas notre silence. Ils n’auront pas ce bonus : l’oubli.Parler. Ecrire. C’est aujourd’hui tout ce que nous avons.
Aucune suite n’a été donnée à notre plainte et surement que ses assassins ricanent. « Baracabitohoza », ou « les enquêtes continuent », le sempiternel refrain qui sonne comme un avis de décès.
Ils sont efficaces. Ils peuvent effacer une vie. Ils sont puissants. Lors de la disparition de Jean, personne n’a jamais été inquiété. Ils se croient intouchables. Au-dessus de la loi.
Mais au-delà de notre peine, souvenons-nous de cette autre loi qui existe sous plusieurs noms dans toutes les traditions. En Orient, ils l’appellent le Karma.
Pour faire simple, disons que c’est la loi de la « rétribution. »
Le principe fondamental de la théorie du Karma peut s’énoncer de façon lapidaire : nos actes ont toujours une incidence sur nos conditions de vie futures.
En d’autres mots, que vous créiez du bien (ou du mal), tout vous sera renvoyé.
Au Burundi, nos ancêtres disaient avec sagesse que « vous faites le bien ou le mal, vous le rencontrerez sur votre chemin ». Ce n’est pas faux. Il suffit de voir comment finissent tous ceux qui sèment le mal. Regardez autour de nous, du quidam anonyme aux grandes personnalités… Je me garde de citer des noms, mais revisitez l’histoire récente ou ancienne du Burundi, de l’Afrique, du monde. La loi du Karma s’applique. Toujours. Sans merci.
Alors, pensez-vous vraiment que ceux qui ont enlevé, torturé, tué, enterré notre confrère comme un animal aujourd’hui sont heureux ?
Non, le sang de Jean Bigirimana et de tous les suppliciés demande justice. Et nous sommes là pour perpétuer son souvenir. Son nom traversera le temps. Ses enfants seront fiers de porter le nom d’un journaliste honnête, un père de famille, tué pour rien. Mais ses assassins sont à jamais souillés par le sang d’un juste. Pour Jean Bigirimana, nous sommes tristes, en colère.
Mais les meurtriers payeront. Quand ? Comment ? Je ne sais pas. Certes, nous aurions préféré la justice rapide des hommes, mais, à défaut, consolons-nous de l’existence de cette loi que même les scientifiques reconnaissent sans l’expliquer. Le Karma.
On paie toujours le mal que l’on fait ici-bas. Cette loi s’applique sur le monde. Implacable. Toujours.