Une question taraude l’esprit des employés du Groupe de presse Iwacu : Où est Jean Bigirimana ? La famille du journaliste se pose la même question. Deux ans après sa disparition, l’enquête piétine.
«Je n’ai aucune nouvelle de mon mari. Aucune autorité burundaise ne m’a encore appelée pour me dire l’état d’avancement de l’enquête», déplore Godeberthe Hakizimana, l’épouse de Jean Bigirimana. Ce journaliste du Groupe de presse Iwacu est porté disparu depuis le 22 juillet 2016. Cette jeune femme mère de deux enfants demande à la justice de faire son travail. «Quoi qu’il en soit, nous allons connaître la vérité un jour.» L’épouse de Jean Bigirimana indique que ses enfants sont toujours traumatisés par la disparition de leur père.
De son exil, Godeberthe Hakizimana remercie tous ceux qui l’ont aidée surtout le Groupe de presse Iwacu. «Depuis le début de notre malheur, il est resté à mes côtés ». Et de demander aux autres âmes charitables de les aider car la vie en exil est très difficile. «J’essaie de me débrouiller comme je peux. Mais trouver l’argent du loyer et de la ration, c’est pénible.»
Du côté des membres de la famille du journaliste restés au Burundi, c’est la même attente douloureuse. «Ses parents sont dans une tristesse indescriptible. Deux ans sans nouvelles de son enfant, c’est difficile à supporter», témoigne un membre de la famille du journaliste. «On ne voit pas à qui s’adresser pour savoir où en est l’enquête. Nous restons avec nos interrogations, nos craintes, nos doutes et nos peurs. Même si nous sommes de petites gens, peut-être qu’on saura la vérité un jour ».
«Si on s’arrête, Jean nous en voudra à jamais.»
Dimanche 22 juillet 2018, une grande émotion se lisait sur les visages des journalistes et autres employés du Groupe de presse Iwacu. Ils s’étaient réunis dans les enceintes de ce médium pour commémorer les deux ans de disparition de leur confrère Jean Bigirimana. Les deux plus jeunes journalistes de la rédaction ont déposé une gerbe de fleurs au pied du portrait géant de Jean accroché sur un des murs de l’imprimerie du Groupe de Presse Iwacu.
«Qui a enlevé notre collègue ? Pourquoi ?», s’interroge Léandre Sikuyavuga, directeur des rédactions. Pour lui, la disparition ne peut pas être le droit de réponse, même en cas de faute. «Nous continuerons à demander, à exiger inlassablement la vérité». Le directeur des rédactions a exhorté les collègues de Jean à continuer à exercer le métier avec professionnalisme, passion et détermination. «Si on s’arrête, Jean nous en voudra à jamais. C’est difficile, parfois nous avons peur. Mais restons debout».
Antoine Kaburahe, directeur des publications, a lui aussi rendu hommage à Jean : «Ils ont perdu, tu as gagné. Tu es immortel, Jean. Tu vis ! A travers ton épouse, tes deux enfants à qui nous pensons en ce jour, à travers les journalistes d’Iwacu, les anciens, les nouveaux, les confrères en exil… Ils ont broyé, tué, effacé ton corps. Ils ont tué un homme. Ils ont créé une légende.»
Une enquête indépendante
Né en 1979 sur la colline Muganza, commune Cendajuru de la province Cankuzo, Jean Bigirimana aurait été arrêté par des agents du Service national de renseignement (SNR) à Bugarama en province Muramvya. Le Groupe de presse Iwacu a porté plainte contre X. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités burundaises à ouvrir une enquête indépendante sur cette disparition. Agnès Bangiricenge, porte-parole de la Cour Suprême, fait savoir que le dossier est ouvert au parquet de Muramvya. «Nous avons demandé à tous ceux qui ont des preuves de les présenter au procureur de Muramvya.» Rien de plus.