Pour la première fois un homme revendique ouvertement et à visage découvert son appartenance à la rébellion. Blessé lors d’une confrontation de son groupe il y a quelques semaines avec des militaires, il est soigné à l’hôpital de Cankuzo. Bien que gardé jour et nuit, Iwacu a pu le rencontrer. Récit.
Il s’appelle Donatien Bigirimana. Il affirme qu’il fait partie d’une rébellion basée en Tanzanie. Il a été blessé lors d’une attaque du 4 août 2011 entre l’armée régulière et un groupe d’hommes armés dans le parc national de la Ruvubu.
Capturé par les forces de l’ordre, il est admis à l’hôpital de Cankuzo, chambre 11. Il est gardé par les policiers du commissariat provincial de Cankuzo. Il dit que son groupe était composé de quarante personnes armées de fusils : « Des militaires nous ont attaqués et j’ai été blessé au niveau de la jambe droite et du bras gauche. »
Il affirme avoir rejoint d’autres combattants après les élections communales de 2010 : « Je venais de passer sept mois en formation en Tanzanie. » Toutefois, il se garde de révéler la localité où se font les entraînements militaires. Il ne veut pas non plus préciser l’effectif des combattants. Donatien Bigirimana indique seulement qu’ils sont nombreux.
Le blessé reste volontiers évasif sur certaines questions. Avant de regagner le « maquis », Donatien raconte qu’il était vice-président du parti FNL d’Agathon Rwasa dans la province de Muyinga(Nord-est du Burundi).
Les enquêtes d’Iwacu montrent plutôt qu’il était membre du comité provincial du même parti dans cette province frontalière de la Tanzanie : « Il était candidat au conseil communal de Muyinga », confie une source sous couvert d’anonymat. D’après toujours nos informations, Donatien Bigirimana est natif de la commune Gihanga, province Bubanza. Il venait de passer environ dix ans à Muyinga. Notre source précise que ce père de trois enfants a travaillé au Conseil Norvégien pour les Réfugiés (CNR). Il a 40 ans. Sa femme, dont Iwacu a pu vérifier l’identité, travaille au bureau diocésain de développement à Muyinga.
Concernant l’attaque du 4 août dans le parc de la Ruvubu évoquée par Donatien Bigirimana, des sources militaires contactées par Iwacu confirment cette information. Elles indiquent qu’elle a été menée conjointement par les militaires des camps Mutukura (Cankuzo) et Mukoni (Muyinga). Les mêmes sources parlent d’un autre combattant connu sous le nom d’Abdoul arrêté au cours de cette opération. Il est emprisonné au commissariat de la police à Muyinga. Contacté par Iwacu, le porte-parole de la Force de Défense Nationale(FDN), colonel Gaspard Baratuza, nie cette attaque.
Des « chefs rebelles » témoignent
Des habitants de Cankuzo ont révélé à iwacu le nom d’un certain K.I, chef rebelle du grade de colonel qui a dirigé l’attaque de Ruvubu. Iwacu l’a rencontré. Taciturne, il affirme être commandant de « la brigade » opérant dans les provinces Ruyigi et Cankuzo : « Nous avons pris les armes pour refuser d’être victimes de l’injustice commise par les autorités de Bujumbura. » K.I affirme que celui qui dirigeait l’attaque de Gisuru le vendredi 19 août est son subalterne: « C’est une rébellion bien organisée.»
Iwacu a vérifié cette information et s’est entretenu avec M.R du grade de major. Comme son chef hiérarchique, il est très réservé. Il a seulement révélé qu’ils ne peuvent plus supporter les découvertes de cadavres de membres de l’opposition. Concernant les relations avec l’ADC-Ikibiri, M.R n’est pas clair : « Je suis sur le champ de bataille. Posez cette question aux hommes politiques. » Quant à leur appellation et le responsable de cette « rébellion », M.R demande de la patience : « Vous saurez tous ces détails prochainement. » Pour lui, ce qui est urgent est de montrer au gouvernement qu’ils ne sont pas des bandits armés ou des fous : « Nous avons attaqué le chef-lieu de la commune Gisuru à 9 heures du matin et nous n’avons rien volé ni au marché et ni à la Coopérative d’Epargne et de Crédit (COOPEC) de Gisuru. Pourtant, nous étions capables de piller toutes les marchandises ou tout simplement voler l’argent de la COOPEC parce que les portes étaient ouvertes. »
Attaque à Gisuru
Iwacu s’est rendu en commune Gisuru, province Ruyigi, pour vérifier cette information. Les habitants de cette commune confirment les propos de ce « chef rebelle ». Une femme qui était au marché de Gisuru le jour de l’attaque raconte : « Ils n’ont rien volé à leur passage alors que les commerçants avaient déjà étalé leurs marchandises. » En outre, poursuit-elle, ils sont passés devant la COOPEC située à 60 mètres du marché : « Son personnel est resté au bureau sans être inquiété. Une autre personne précise qu’ils étaient au nombre de 3O, dont trois filles, et scandaient des chants religieux.
<doc993|left>Cependant, les habitants de Gisuru racontent que ce groupe armé a endommagé par balles la camionnette de la commune et le véhicule d’un certain Marc, commerçant de la place. Avant de se replier en Tanzanie voisine, témoigne une source à Gisuru, ces hommes armés ont brûlé 12 maisons sur la colline Kireka, à trois kilomètres de la Tanzanie.
D’après les habitants de cette localité, quand ils ont vu un fanion du CNDD-FDD dans une boutique, ils n’ont pas caché leur colère: « Ils ont alors accusé les habitants de cette localité de soutenir le parti au pouvoir. » Léonidas Sinzotuma, chef de colline Kireka, confirme les faits. Il indique que la population des collines de Kireka, Kinama et Murangara avait pris fuite vers la Tanzanie : « Elle s’était installée sur les collines de Kanyamanza, Nyagwijima et Kumunazi dans le district de Kibondo, dans la province tanzanienne de Kigoma ; mais pour le moment elle est revenue. »,
« Ce sont de simples bandits »
Egide Ndikuriyo, administrateur de la commune de Gisuru parle toujours de bandits. D’après lui, ils n’ont rien volé parce qu’il y a eu une intervention policière. Et il indique que la sécurité sera renforcée surtout à la frontière tanzanienne.
« Les actes criminels ne revêtent aucun caractère rebelle »
La position du gouvernement est claire. A travers le communiqué du Conseil National de Sécurité (CNS) du lundi 22 août, il se réjouit de l’étape franchie dans la stabilisation de la nation et la sauvegarde de la paix. La situation sécuritaire intérieure et sur les frontières, d’après le même conseil, a connu une évolution positive sur tout le territoire national. Toutefois, il dit constater avec regret quelques actes de criminalités dans certains coins du pays. Pour le CNS, ces actes sont intentionnels et ne revêtent aucun caractère rebelle. Il lance une mise en garde: « Nous sommes profondément préoccupés par les déclarations non apaisantes de certains individus de la classe politique, de la société civile et certains médias qui semblent cautionner la criminalité consécutive au banditisme à main armée, aux conflits fonciers et à la prolifération des armes dans la population.»