Les autorités burundaises et la délégation sud-africaines mettent en avant le caractère économique de la visite. Ainsi, une société sud-africaine va exploiter notre nickel. Sauf que Samancor intrigue…
Avec un brin d’humour, sous couvert d’anonymat, un diplomate qui connaît bien le dossier sud-africain analyse : « L’Afrique du sud vient récolter les dividendes de la paix, ceux qui pensent que Zuma est venu s’investir dans un processus de paix en auront pour leur frais ». Léonce Ngendakumana et l’ADC Ikibiri qui avaient beaucoup misé sur cette visite apprécieront.
En fait, l’Afrique du Sud lorgne le gisement de Nickel de Musongati. Un bon pactole en effet. La mine, dont le coût est estimé à 1,5 milliard de dollars, devrait être pleinement opérationnelle et garantir une production annuelle de 50 000 tonnes de nickel à l’horizon 2019. Le premier lingot de nickel pourrait être produit dans deux ans sur le site de Musongati. Et c’est la compagnie… sud-africaine Samancor (du Croate Danko Koncar) qui a obtenu les permis pour les gisements de nickel de Musongati, Nyabikere et Waga .Samancor appartient à un homme d’affaires croate, Danko Koncar, actif dans l’industrie minière en Afrique du Sud.
L’exploitation du Nickel pourrait changer le sort du Burundi. L’économiste Prime Nyamoya explique : « L’impact de ce projet gigantesque pour le pays, dès qu’il sera exploité, sera considérable au niveau des agrégats macro-économiques. Il améliorera de façon radicale la position structurellement déficitaire de la balance commerciale et des paiements par un accroissement substantiel des exportations et permettra une augmentation conséquente des revenus des ménages et par conséquent, des Finances Publiques ».
Samancor, un patron au passé trouble
Le tableau semble idyllique. Mais l’économiste burundais émet des réserves, au regard du passé du patron de Samancor : « Un journal en ligne, Nacional, de Croatie donne de bien étranges révélations sur le personnage. Il devient multimillionnaire à la suite d’opérations de privatisation en Russie dans des conditions obscures au cours des années 1990. Non sans avoir fait de la prison pendant plusieurs années en 1977 en Yougoslavie. La cause : abus social des biens de la société et enrichissement illicite pour avoir violé le règlement sur le marché de change. »
Prime Nyamoya se demande si le gouvernement peut prendre la décision de confier le destin d’une affaire importante pour la vie économique de la Nation à un personnage au passé si trouble. « Avant la ratification de la convention d’exploitation, le Parlement doit en examiner en détail les clauses et les conséquences sur l’économie nationale et la redistribution des revenus. », prévient l’économiste.
Africa Intelligence, une revue spécialisée dans les réseaux économiques jette encore le trouble : Merlin Mineral Resources Ltd , une société britannique , est opposée à Kermas Ltd la holding de Danko Koncar . Selon Africa intelligence, Merlin Mineral Resources Ltd a obtenu fin 2009 de la Haute Cour de justice des îles Vierges britanniques (où est enregistrée Kermas) une ordonnance de saisie à l’encontre de la holding de Danko Konchar. Enjeu : obtenir réparation après que Kermas eut unilatéralement dénoncé un contrat établi le 3 juin 2008 qui attribuait à Merlin une participation de 5% dans Musongati.
C’est donc à une société sud-africaine qui traîne des procès que le Burundi va confier « son rêve de sortir de la misère », le nickel. Une source proche des milieux économiques regrette le choix de Samancor : « Le gouvernement burundais devrait mettre en compétition en toute transparence les grandes sociétés minières internationales afin de maximiser le meilleur profit pour l’Etat et les citoyens burundais ».
Mais les jeux semblent faits. Dans l’entourage du président sud-africain on souligne le caractère « économique » de la visite de Jacob Zuma, « venu sceller la coopération entre nos deux pays. »
Pour rappel, l’Afrique du Sud a été le premier pays à envoyer des troupes au Burundi. Le pays de Mandela avait investi des millions de dollars pour soutenir le processus de paix. Seuls les naïfs croyaient que c’était gratuit. Quitte à promouvoir une société enregistrée dans les îles Vierges britanniques, îles longtemps considérées comme des paradis fiscaux. Honni soit qui mal y pense.