Vendredi 22 juillet 2016, Jean Bigirimana, journaliste d’Iwacu, est parti pour ne pas revenir. Ce dimanche, cela fait deux ans jour pour jour après sa disparition. Ses collègues réaffirment leur engagement à exiger la vérité et à rester professionnels.
Dimanche 22 juillet. Dès le matin, ses collègues arrivent un à un au siège du journal, c’est une journée triste, spéciale. Ils viennent commémorer ensemble les deux ans de disparition de leur confrère Jean.
Plus les heures avancent, plus la cour intérieure d’Iwacu se remplit. Ils sont vêtus de chemises ou de t-shirts noirs (la couleur du deuil) dont certains à son effigie. Oui, deux ans après, le deuil, continue.
La tradition burundaise veut que la famille fasse la levée du deuil après l’enterrement. Celle de Jean Bigirimana n’y a pas encore droit. Ce reporter est toujours porté «disparu».
A 11h55, les journalistes se rassemblent, dans le calme, en face du portrait géant en mémoire de Jean. Deux haies d’honneur se forment spontanément. En silence. Certains connaissent Jean pour avoir travaillé, échangé avec lui. D’autres, plus jeunes dans le métier, n’ont droit qu’à son portait, à sa triste histoire. Ils sont là en renfort, pour la relève. Comme le temps passe vite. Difficile de croire que deux ans se sont déjà écoulés…
C’est dans ce cadre restreint, intime, qu’ils vont se souvenir de leur collègue Jean. Ils se mettent à réciter quelques prières, à entonner des chants. Un confrère de la web radio, très proche à Jean versera quelques larmes devant son portrait, d’autres pousseront quelques sanglots.
«Qui a enlevé notre collègue ? Pourquoi ?», s’interroge Léandre Sikuyavuga, directeur des rédactions, dans son message. Il tient à rappeler que cette question revient depuis deux ans. Même en cas de faute, la disparition ne peut pas être le droit de réponse. Ainsi, M. Sikuyavuga réitère l’engagement d’Iwacu de ne pas faiblir en revendiquant la lumière : «Nous continuerons à demander, à exiger inlassablement la vérité».
«Ils ont créé une légende»
Le directeur des rédactions appelle les collègues de Jean à continuer à exercer le métier de leur collègue avec professionnalisme, passion et détermination : «Si on s’arrête, Jean nous en voudra à jamais. C’est difficile, parfois nous avons peur. Mais restons débout».
Il les exhorte à être des voix des sans voix, la voix de tout le Burundi et à donner la parole à tous, sans distinction. «L’histoire retiendra qu’un jour, au Burundi, des journalistes ont refusé le silence, l’indifférence. L’histoire retiendra que des journalistes ont refusé de plier. Même après la disparition de Jean». Pour Léandre Sikuyavuga, la vérité sortira un jour : «Nous y croyons».
Pour Antoine Kaburahe, directeur des publications en exil, il n’y a plus d’espoir de revoir Jean vivant : «Deux ans après, nous pouvons oser écrire que Jean n’est plus de ce monde. Ils l’ont tué. Après de terribles tortures, selon quelques informations qui filtrent. Ils ont jeté son corps, quelque part, dans le plus grand secret. Comme ils l’ont fait pour beaucoup d’autres», écrit-il dans l’introduction des messages de tous les journalistes d’Iwacu adressés à leur collègue porté disparu.
Selon Antoine Kaburahe, Jean est vivant : «Ils ont perdu, tu as gagné. Tu es immortel, Jean. Tu vis ! A travers ton épouse, tes deux enfants à qui nous pensons en ce jour, à travers les journalistes d’Iwacu, les anciens, les nouveaux, les confrères en exil… Ils ont broyé, tué, effacé ton corps. Ils ont tué un homme. Ils ont créé une légende».
Deux journalistes, les plus jeunes de la rédaction, déposeront une gerbe de fleurs au pied du portrait géant accroché, en mémoire de Jean Bigirimana, sur un des murs de l’imprimerie, dans les enceintes du Groupe de Presse Iwacu.