Depuis quelques temps, Iwacu est quasiment devenu une fixation pour le CNC, qui l’accuse « globalement » de presque tous les maux. Voici rassemblées les accusations que nous entendons souvent chez les détracteurs d’Iwacu. Nous avons apporté notre réflexion sur ce qui apparaît aux yeux de nombreux lecteurs, et même d’Iwacu, comme un acharnement
1. Iwacu un «laboratoire» clandestin pour «déstabiliser» le pays ?
Faux. A Iwacu, tout se joue tous les matins au cours de la conférence de rédaction. Si « laboratoire clandestin » existe, il s’appelle « conférence de rédaction ».
Le CNC pourrait s’informer. Tous les matins, les journalistes proposent, discutent les sujets du jour. Aucun sujet n’est « parachuté » de je ne sais quelle officine secrète.
Non, le journaliste défend son sujet. La rédaction est toujours souveraine. Pour la petite histoire, même Antoine Kaburahe, quand il était encore avec nous, a vu des fois son sujet recalé pour manque de pertinence ou d’angle de traitement. Il n’en prenait pas ombrage. Accuser les journalistes d’obéir à des ordres venus d’ailleurs est tout simplement faux.
2. Iwacu diffuse des «calomnies» et des «informations non équilibrées ?»
Faux. Au lieu des accusations vagues et graves, Iwacu aimerait être jugé sur pièce. Le journalisme obéit à des règles. Le CNC devrait montrer, prouver article et preuve à l’appui la réalité de cette accusation.
Le CNC pourrait mettre en ligne les manquements de notre média afin que le public puisse se faire une opinion. Tout ce que je sais c’est que mes pauvres collègues d’Iwacu se tuent à la tâche à équilibrer les informations recueillies, à faire parler des autorités souvent réticentes.
Chaque matin à la conférence de rédaction, nous insistons sur la rigueur, la responsabilité, nous nous appliquons toujours à rappeler aux reporters ce principe de l’équilibre de l’information et, s’il y a plus dur aujourd’hui, c’est de convaincre certaines autorités à donner leur version.
Arracher une interview, une phrase, un mot, même un bonjour à certaines autorités est un exploit, un parcours du combattant pour les journalistes des médias privés comme Iwacu et Isanganiro. Ainsi, un porte-parole d’une institution a déclaré ouvertement qu’il ne peut pas «parler à Iwacu».
Le CNC devrait au contraire rappeler qu’un porte-parole d’une institution publique a le devoir de s’exprimer. La rétention de l’information ne facilite pas le travail de la presse.
3. Iwacu à la solde « des colons » ?
Faux. Tout d’abord, un constat : Dans le contexte économique actuel, la presse privée n’est pas viable au Burundi. Pour tenir, Iwacu reçoit des appuis de certaines coopérations et ONG pour son fonctionnement. Ici je peux citer la Belgique, l’Allemagne, la France, la Suisse, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, etc.
Cette aide peut revêtir plusieurs formes : soutien matériel, formation, etc. Bien entendu, dans un monde idéal, la presse devrait être complètement autonome. Mais ceci n’est pas propre au Burundi. C’est une situation que l’on observe dans d’autres pays en Afrique.
Et puis, même dans les démocraties avancées en Occident, la presse reçoit même des soutiens des Etats. Ce qui ne fait pas d’elle une presse à genoux devant les gouvernements. Pour revenir à Iwacu, si effectivement Iwacu reçoit des soutiens de la part de certains pays, des « colons » pour reprendre le vocabulaire à la mode, ceux-ci n’exigent rien en retour.
Les ambassades paient même leurs abonnements et la diffusion de leurs communiqués. La rédaction ne prend aucune instruction dans aucune ambassade. Par contre, je ne m’avancerai pas sur l’indépendance éditoriale de certains médias au Burundi bien soutenus …Mais de ceux-là, le CNC parle peu.
4. Iwacu traité de la même manière que les autres médias par le CNC ?
Faux. A chaque sortie du CNC, la cible principale et préférée est toujours Iwacu. Comme si c’était le seul média. Et pourtant, il y a des dérives flagrantes sur certaines radios notamment, ce déséquilibre de l’information est même devenu la règle. Si le même zèle pour pourfendre notre média était étendu à d’autres médias, on comprendrait que le régulateur a dans le collimateur tous les médias.
Dans l’opinion, certains pensent que le CNC est en train de préparer l’opinion à une fermeture prochaine du média… Ce que je sais par contre, c’est que le CNC est en train de réussir une chose: installer une peur diffuse chez les journalistes qui se battent pour être indépendants, pour rester libres. Cela risque de conduire inéluctablement à l’autocensure. Elle est plus meurtrière que la censure.
5. Un journal « aux ordres de Kaburahe » ?
Faux. Antoine Kaburahe est le fondateur du Groupe de Presse Iwacu. Sa force est d’avoir mis en place une structure qui ne s’est pas effondrée après son départ. En rigolant il nous dit souvent qu’Iwacu « doit lui survivre ». Il reste une figure aimée et respectée dans la boîte. Il est disponible quand on le sollicite mais Antoine Kaburahe ne gère pas au quotidien Iwacu, des fois il découvre, comme tous les lecteurs le contenu.
Avec les départs et les recrutements, il y a même des journalistes qu’Antoine ne connaît et n’a jamais connu. Mais on compte toujours sur lui pour des conseils, un coaching à distance. Il est bon dans l’accompagnement, dans la formation à l’écriture journalistique. Tout le monde, et pas seulement dans Iwacu, reconnaît son professionnalisme.
Mais par principe, il n’impose rien. Dire qu’Iwacu comme l’a laissé entendre un jour le président du CNC qu’ « Iwacu prend les ordres chez Kaburahe» est une accusation qui ne tient pas. Aujourd’hui, le fondateur d’Iwacu est très pris par un important travail d’écriture pour la collection « Témoins » des éditions Iwacu et une recherche universitaire.
Il fait confiance à ceux qui ont pris la relève. Il sait que ce sont les journalistes sur terrain qui doivent perpétuer l’œuvre qu’il a initiée. Mais il reste un pilier, un ambassadeur d’Iwacu et tout ce que l’on peut souhaiter c’est qu’il nous revienne un jour plus fort, et nous trouve encore ici.
Nous lui dirons, «voilà, nous sommes toujours là, debout ». Il nous dira cette phrase de Taubira qu’il affectionne: «Parfois résister, c’est rester, parfois résister c’est partir ». Alors nous mettrons ensemble les expériences de ceux qui sont restés et de celui qui est parti. Iwacu s’en sortira encore plus fort. Nous y croyons.
Abbas Mbazumutima