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Iwacu a enquêté sur l’assassinat de Léandre Bukuru

05/05/2013 Commentaires fermés sur Iwacu a enquêté sur l’assassinat de Léandre Bukuru

Léandre Bukuru, commerçant et simple militant du MSD, est enlevé de son domicile à Gitega ce 13 novembre. Le lendemain, son corps est retrouvé décapité à Giheta, à 11 kilomètres de chez lui. Deux jours après, sa tête est découverte dans les latrines d’une église protestante à Giheta. Des soupçons portent sur Michel Rwaneza, alias Rwembe, commissaire provincial adjoint de la police à Gitega. Celui-ci nie les faits. De sources concordantes, il ne méritait pas cette mort horrible quel que soit son crime.

<doc2131|left>Les faits

{Dimanche, 13 novembre 2011 : jour maudit pour la famille Bukuru}
7heures du matin, au quartier Shatanya 3 de la ville de Gitega. Léandre Bukuru, commerçant de friperie au marché de Kinindo (Bujumbura), se réveille normalement. Il ne se soucie de rien. Il s’apprête d’ailleurs à aller à la messe lorsque, soudain, deux hommes en tenue policière font irruption dans sa maison et lui intiment l’ordre de les suivre. Selon des sources proches de sa famille, sa femme, Jeannette Inamahoro, est battue par les deux hommes quand elle demande les raisons de l’arrestation de son mari. Les voisins qui assistent impuissants à cette scène parviennent quand même à garder quelques traces du véhicule qui le transporte : une camionnette de la police nationale, couleur blanche avec une seule plaque, celle de devant no A 107 PN. Après des investigations, des sources fiables découvrent que cette immatriculation correspond à celle du véhicule du commissaire provincial de Mwaro.

{Dimanche, 13 novembre 2011, vers 8 heures}
Mme Jeannette Inamahoro, qui jusque-là, ne comprend pratiquement rien de ce qui lui arrive, commence à contacter quelques amis de son mari pour les mettre au courant de la situation. B.N., démobilisé de l’armée et ami de la famille Bukuru, décide de faire le tour de tous les cachots. Il commence par la prison de Gitega, puis va au commissariat de la police ; mais en vain. A la fin de la journée, Mme Inamahoro demande à B.N. de descendre le lendemain à Bujumbura pour voir si son mari n’aurait pas été conduit dans les cachots du Service National de Renseignement. Selon des sources fiables, durant tout ce temps, Léandre Bukuru est, probablement, encore gardé dans un endroit tenu secret par ses bourreaux.

{Lundi, 14 novembre 2011 : recours à la société civile}
8 heures. B.N. est déjà prêt pour se rendre à Bujumbura lorsque Mme Jeannette Inamahoro a l’idée de recourir d’abord aux organisations de la société civile.

Vers 11heures. Le représentant de l’Aprodh à Gitega accueille dans son bureau l’équipe composée de Mme Inamahoro, B.N et d’un jeune garçon de 17ans, voisin de la famille Bukuru, se présentant aussi, aujourd’hui, comme témoin lors de l’embarquement de Léandre Bukuru. Sans tarder, la mort dans l’âme, Jeannette Inamahoro explique les raisons de cette visite : « Mon mari a été arrêté mais nous ne savons pas où il est emprisonné. Nous voulons votre concours, vous qui avez le droit de visiter les prisons et les cachots. »

12h 30min. L’Aprodh essaie de contacter d’autres organisations de la société civile pour suivre ensemble ce cas. Cependant, le correspondant de Radio Publique Africaine à Gitega, annonce dans le journal de la mi-journée, qu’un corps sans tête d’un homme a été retrouvé assassiné dans la commune Giheta. Et la famille d’appeler le journaliste pour s’enquérir des détails sur le corps.

15 heures, Gérard Nibigira fait la description du cadavre à l’Aprodh:un homme au teint noir avec un ongle très long, environ 2 centimètres sur l’auriculaire gauche. Jeannette Inamahoro, la veuve de Léandre Bukuru reconnaît que c’est son mari. Elle tombe sur-le-champ en syncope. Il faudra attendre une demi-heure pour la réveiller. Quand elle retrouve connaissance, elle crie à tout rompre, demandant à se rendre au cimetière de Rwimbura, où son mari a été inhumé, pour le déterrer : «Je ne peux pas accepter qu’il passe la nuit là-bas. »

<doc2136|left>Une lettre au gouverneur de Gitega 

Au sujet de la demande de funérailles dignes, les organisations de la société civile (Aprodh, ligue Iteka, Dushirehamwe) en collaboration avec le Bureau des Nations Unies au Burundi(BNUB) estiment que ce n’est plus dans les droits de la veuve de procéder à l’exhumation. Elles lui indiquent que la permission est donnée par l’autorité compétente, en l’occurrence le gouverneur de province à défaut du ministre de l’Intérieur. Ainsi, Mme Inamahoro rédige la lettre au gouverneur.
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<doc2132|left>{ Qui est Léandre Bukuru ?

Peu connu à Gitega et dans son voisinage, Léandre Bukuru est né dans la commune de Bukirasazi (Gitega) en 1977. Il était marié à Jeannette Inamahoro, 26 ans, et père de trois enfants dont un garçon (7ans) et deux filles (5ans et 3ans). Commerçant de friperie au marché de Kinindo, il militait au parti MSD depuis 2010. Des sources fiables font savoir qu’il y a trois mois, il avait été arrêté par le commissaire adjoint de police à Gitega, M. Rwaneza (alias Rwembe) accusé de participation aux bandes armées. Il sera libéré quelques jours après, après payement d’une amende de 100 mille Fbu, à l’insu du commissaire Rwembe. Ce qui, selon une source digne de fois, n’a pas du tout plu à Rwembe. En outre, une semaine avant sa mort, la police de Gitega était allée chercher M. Bukuru à son domicile vers 21heures ; mais il avait échappé de justesse. D’autres sources disent encore que feu Bukuru faisait partie de groupes de bandits à mains armées : il aurait tué un policier à Mwaro et blessé un autre à Kayanza, d’où l’acharnement de Rwembe. Mais rien ne permet de l’étayer, que ce soit ses proches ou ses amis. De même, contrairement à la version répandue après sa mort, Léandre Bukuru était Hutu non Tutsi.}
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Découverte du corps de Léandre Bukuru 

{Lundi, 14 novembre 2011 à 6h 30 min.}
A 11kilomètres du chef-lieu de Gitega, direction Muyinga, à la sous colline Mutobo, zone Kiremera de la commune Giheta. Une femme qui se rend dans son champ constate la première un corps sans gorge, ni tête, dénudé et ligoté. Aucune trace d’autres blessures. Folle de panique, elle appelle les bergers d’une ferme des alentours. Puis elle en informe le chef de secteur qui, à son tour, fait rapport à ses chefs hiérarchiques dont l’administrateur de Giheta et l’OPJ communal. Ce dernier va faire le constat et l’administrateur de Giheta, en accord avec la population, décide de l’enterrer au cimetière de Rwimbura, à 3 kilomètres du lieu où a été retrouvé le corps.

D’après des sources concordantes à Mutobo, le cadavre a été déposé à cet endroit le jour même à 0heure. M.N. raconte avoir entendu le bruit d’un moteur à minuit: « Nous nous sommes tellement inquiétés ; mais nous n’avons pas eu le temps d’identifier ce véhicule , car il rebroussait chemin en trombe.»
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> [Après l’assassinat de Léandre Bukuru : le "volte-face" de sa veuve…->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1413]
> [L’assassinat de Léandre Bukuru : un autre casus belli entre pouvoir et société civile->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1415]
> [Mgr Ntamwana : « C’est un meurtre deux fois méchant »->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1419]
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{Mardi, 15 novembre 2011 : la réponse du gouverneur se fait toujours attendre}
La veuve Jeannette Inamahoro accompagnée de certains de ses amis, retourne au bureau de l’Aprodh pour s’enquérir de la suite réservée à sa lettre. L’ONG contacte le gouverneur de Gitega qui allègue une absence pour quelques jours : il indique avoir confié le dossier au procureur de la République à Gitega.

<doc2133|left>{Mercredi, 16 novembre 2011 : le pire du drame}
8 heures, colline Nyambeho de la commune Giheta, à l’Eglise protestante Esebu (Eglise du Saint Esprit du Burundi). Un conducteur de taxi-vélo, lui aussi fidèle de cette église, va se soulager dans les lieux d’aisances réservés aux fidèles. Les latrines étant à découvert, on peut voir facilement à l’intérieur.

Horrible ! Le taximan n’en croit pas ses yeux ! Il aperçoit d’abord quelque chose de semblable à l’oreille humaine, puis aux cheveux et enfin à l’œil. Traumatisé, il crie au secours. La population accourt, puis informe l’administration. Celle-ci informe à son tour la police de protection civile de Gitega et la Croix Rouge qui se chargent de l’opération. Selon des sources à Giheta, la tête décapitée de Léandre Bukuru était enveloppée dans ses vêtements : un T-shirt et un pantalon jean qu’il portait.

Toujours sous le choc, la population des alentours de Nyambeho demande que les bourreaux de cet acte ignoble soient traduits devant la justice et jugés publiquement.

{Vendredi, 18 novembre 2011 : le procureur enterre la tête }
Vers 12 heures, précisent nos sources, le conseiller économique de l’administrateur de Gitega achète un petit cercueil au marché de la place. Il le dépose dans la camionnette du procureur général près la Cour d’Appel de Gitega. « La veuve de Léandre Bukuru et deux hommes qui l’accompagnent sont à bord de la camionnette», poursuit notre source. Voyant le petit cercueil, raconte G.D de Gitega, Jeannette Inamahoro et les deux hommes exigent au procureur d’acheter un grand cercueil et de déterrer le corps pour l’enterrer dignement : « Le procureur refuse et les trois membres de la famille éplorée sortent immédiatement de la camionnette. »
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{ Qui est Rwembe ?

Michel Rwaneza est un officier issu des ex-FDD, le bras armé CNDD-FDD à l’époque du maquis. Arrivé à Gitega fin juin de cette année, il était auparavant en poste dans commune Shombo, province Karusi. Il aurait été souvent cité dans différents cas d’assassinats. Selon des habitants de Gitega, ses relations avec son supérieur hiérarchique, un ancien gendarme, ne seraient pas au beau fixe. Ils affirment que Rwembe et certains responsables administratifs et policiers de Gitega seraient à couteaux tirés à cause de plusieurs forfaits dans lesquels il aurait trempé.}
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30 minutes plus tard, témoigne K.J de Gitega, le procureur arrive à la morgue. A 13 heures 10 minutes, le procureur et deux conseilleurs de l’administrateur de la commune Gitega se dirigent vers le cimetière de Rwimbura, commune de Gihet,a où était enterré le corps. Le petit cercueil où est déposée la tête se trouve dans la camionnette du procureur. La veuve de Léandre Bukuru refuse de les suivre. A 14heures 10 minutes, indique notre source, le véhicule arrive au cimetière. La tête est enterrée au sommet du corps de Léandre Bukuru, comme pour la rattacher au reste dont elle avait été coupée.

Emmanuel Nyandwi, procureur général près la Cour d’Appel de Gitega improvise une petite prière. Vers 14heures 25 minutes, Valentin Nahimana, administrateur de la commune Gitega, arrive sur les lieux. Celui de Giheta est absent. L’enterrement dure 20 minutes et, à 14 heures 30 minutes, chacun rentre chez soi. Mais, poursuit cette source, la veuve de Léandre Bukuru est restée au chef-lieu de la province Gitega, à 11 kilomètres du cimetière.

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