Construite en 1987, la station de lavage de Kirambi souffre de vétusté. Ses responsables pointent du doigt les habitants qui cultivent autour de cette infrastructure.
Lundi 21 Janvier. Il est 10h30. Il vient de pleuvoir. La rivière a débordé. Plus d’une centaine d’hommes et de femmes pataugent dans la boue jaunâtre de la vallée de Nyakidogo. Ce sont des riziculteurs qui repiquent le riz.
Sur les collines qui surplombent cette vallée, les activités champêtres vont bon train. Telle est l’ambiance qui règne autour de la station de lavage du café de Kirambi, l’une parmi celles qui restent aux mains de l’Etat. Nous sommes au centre du pays en province de Gitega, sur la colline Kirambi de la zone Gihamagara, commune Itaba.
Excepté les veilleurs, pas de personne en vue. La dépulpeuse ne tourne pas. Les cuves de fermentation sont vides d’eau. Les tables de séchage sont vides. Des bureaux sont fermés. Et pour cause, les activités de la campagne café 2018-2019 sont terminées.
Erigée sur un flanc de colline, cette usine datant de 1987 est en mauvais état. Au premier abord, cette station donne l’image d’une infrastructure en ruine. Entre les tables de séchage et le hangar abritant le dépulpeur, les herbes grouillent. A proximité des cuves et du canal de gradage, des cultures verdoyantes de manioc et de maïs.
Des signes inquiétants de vétusté s’observent partout. Le canal de gradage transportant les grains dépulpés du dépulpeur aux cuves de fermentation est en mauvais état : le béton est endommagé. Tout le long du canal, des lézardes. Des trous se remarquent au fond. De grandes fissures et des déformations sont nombreuses dans les cuves de fermentation.
Les fondations de la maison dans laquelle est installé un électrogène risquent de s’effondrer à tout moment. Dans la cour séparant les stocks et le dépulpeur, s’observe plusieurs tables de séchage complétement usées. On en compte 89. Auparavant, indique l’un des veilleurs, il y avait 189 tables de séchage.
« La qualité du café est altérée »
D’après Patric Nininahazwe, responsable adjoint de l’usine, la vétusté de cette station est causée par certains habitants qui cultivent tout autour. Les deux propriétaires expulsés en 1987 se sont réapproprié leurs parcelles. Comme cette usine est construite sur une pente, explique-t-il, plus ils cultivent, plus la terre glisse. « Par conséquent, les fondations des cuves de fermentation et le canal de gradage cèdent progressivement, ce qui cause des fissures un peu partout ».
Ce responsable souligne qu’il a signalé ce problème au Sogestal Kirimiro : « Nous espérons que cette usine sera réhabilitée avant la campagne 2019-2020. »
Selon un autre technicien de cette usine sous couvert d’anonymat, le mauvais état de cette infrastructure se répercute sur la qualité du café. « Le café traité dans de telles infrastructures ne possèdent pas les caractéristiques d’un café de première qualité.»
Après le dépulpage, explique-il, les grains de café dépulpés encore recouverts d’un résidu de mucilage sont transférés vers les cuves de fermentation par un canal de gradage. Il indique que les grains s’abîment à cause des trous et des fissures du canal de gradage. « Lorsque le mucilage entre dans la parche, le grain de café n’est plus classé dans la catégorie de première qualité ».
Il fait savoir que les grains abîmés dans le canal de gradage perdent immédiatement leur couleur, leur goût et leur arôme. « Le café ne possède plus les caractéristiques de la qualité supérieure A1. Il rétrograde dans la catégorie A3 ». Et de souligner que c’est la première qualité qui est vendue sur le marché international.
De surcroît, il assure que de nouvelles tables de séchage doivent être construites en urgence. Si ce problème persiste, avertit ce technicien, la qualité du café produit en pâtira. « Un mauvais séchage peut également engendrer des effets négatifs immédiats sur la qualité du café ».
Les familles épinglées se justifient
Ce technicien lance un cri d’alarme : « On devrait appliquer du ciment et une peinture époxy à l’intérieur des cuves de fermentation et des canaux pour les protéger contre les acides. » Et de rappeler que cette usine a produit 298 tonnes de café parche dans la campagne 2018-2019. « Plus de 1000 caféiculteurs y ont vendu leur café cerise ».
Protais Cubwa, chef de l’une des familles pointées du doigt, balaie du revers de la main les accusations du responsable adjoint de cette usine. Selon ce septuagénaire, la houe ne peut pas causer des fissures sur les murs d’une usine construite avec des matériaux durables des années 80. Pour lui, les responsables de cette station devraient plutôt avouer qu’ils ont oublié de réhabiliter cette station. « Quand elle a été construite, j’avais quarante ans. Sept ans après, la crise 1993 a éclaté. Cette station a été abandonnée, certaines tables de séchage ont été détruites. » Je n’ai jamais vu ni de nouvelles tables construites ni de nouvelles cuves rénovées, poursuit-il, hormis des colmatages sur les cuves de fermentation.
M. Cubwa estime que derrière ces accusations se cache le mobile de blocage des indemnisations du terrain sur lequel cette usine est érigée. Il déplore que, depuis 1988, il réclame vainement les indemnités, en vain.
Nous avons tenté de contacter la direction du patrimoine chargée de la gestion des stations de lavage et usines de démarchage de l’Etat non encore vendues, sans succès.