Créé en 1948 au-lendemain de la seconde guerre mondial l’état d’Israël est devenu une puissance nucléaire susceptible, non seulement de déstabiliser le Moyen-Orient, mais de mettre en péril la paix mondiale.
Une naissance au forceps
Israël est né à la fois du mouvement Sioniste et quelque part d’une volonté de rachat moral des puissances mondiales qui avaient laissé l’extermination juive se dérouler sans réagir. ((Cfr Sémelin, J., Purifier et Détruire : Usage politiques des massacres et génocides, Paris, Seuil, 2005 in Chap.III, l’extermination des Juifs : découvrir l’horreur… et ne rien faire, pp 181-186. Le film de Costa Gravas, « Amen » illustre aussi très bien cette terrible réalité.))
Quand bien même l’existence d’Israël a été reconnue par les Nations unies en bonne et due forme, les circonstances de sa naissance sont problématiques. D’abord, la localisation du futur état n’a pas été aisée. Il a été question de l’Amérique Latine, puis de l’Afrique, enfin l’idée d’un retour aux terres bibliques l’a emporté. L’audace et le courage de Ben Gourion et ses camarades feront le reste. La farouche résistance arabe à la création de cet état peut laisser à penser qu’il y a toujours eu hostilité entre Juifs et Musulmans. Mais qui peut oublier que le peuple juif a vécu en harmonie sociale et spirituelle avec les peuples musulmans durant des siècles, voire des millénaires dans le monde arabe et l’Espagne musulmane ((Cfr Lory, P, Les Musulmans et les autres in Chevalier, D., Miquel, A. (eds.), Les Arabes : Du message à l’Histoire, pp 209-217 )) ?
Qui peut prétendre ignorer, en revanche, que c’est dans les pays chrétiens d’Occident que le Juif a été de tout temps rejeté, stigmatisé, ostracisé au sein de quartiers devenus synonyme de misère et d’humiliation ? J’entends le « ghetto ». Si les Juifs furent heureux de retrouver en quelque sorte « la terre promise », l’Occident chrétien s’en est débarrassé de façon hypocrite et cynique. Hypocrite car il s’agissait de les éloigner tout en prétendant les aider à renouer avec leur histoire. Cynique car il était question de les installer, tel le cheval de Troie, au sein de populations arabes dont il faut exploiter le pétrole et contrôler les agissements grâce à ce nouvel état pro-occidental prêt à toutes les aventures pourvu que son existence soit garantie.
Une politique d’impunité
Hier, durant la Guerre Froide, Israël fut à l’avant-poste du « monde libre » au Moyen-Orient. Pour ce faire, le jeune état fut équipé militairement et appuyé financièrement presque sans limite ((A eux seuls, les Etats-Unis ne fournissent pas moins de 1,5 milliards de dollars annuellement depuis 1985 ! Quant au traité de réparation germano-israélien signé en 1952, il prévoyait 3 milliards de DM annuellement en marchandises !)) . Les pays musulmans firent des erreurs d’appréciation de la situation et leurs leaders étaient aussi divisés que ceux des territoires sous occupation coloniale. ((Dans un excellent ouvrage, Les Croisades vues par les Arabes : la barbarie chrétienne en Terre Sainte, Paris, J’Ai LU, 1983. Amin Maalouf s’appuie sur le passé pour décrire lucidement à la fois la force et les faiblesses des peuples arabes face à l’occident chrétien. Il y montre notamment comment Saladin était sur le point de vaincre les Croisés, mais qu’il fut trahi à la dernière minute par les siens…))
Aujourd’hui, Israël occupe des terres, refuse l’existence réelle d’un état palestinien, tue les populations arabes régulièrement et cela sans jamais subir de sanction internationale. Et c’est cette impunité patente qui exacerbe profondément le monde arabe et génère des extrémismes propres aux humiliés de tout poil. ((Camous, Th., La Violence de masse dans l’histoire, Paris, PUF, 2010, pp 95-110. )) Le terrorisme mondial y puise ensuite ses affidés, et le cercle de violence est ainsi établi ou conforté.
Demain pourtant, la manne pétrolière aidant et les nouvelles élites arabes émergeant, ce rôle de « cerbère » sera de moins en moins indispensable à l’Occident. Si Israël n’est pas alors dirigé par des leaders responsables, il risque d’enflammer la région en titillant les extrémismes afin de justifier son existence et sa fonction géostratégique. ((Dans son article, New geo-strategic structure in the Middle East, les conclusions du professeur Frédéric Encel ne sont pas si éloignées des miennes, même si la comparaison qualitative des deux textes ne s’arrête que là !)) Une troisième guerre mondiale pourrait surgir de ce bourbier moyen-oriental où rien n’est jamais résolu vraiment, où tout est sujet à hostilités profondes.
Il s’avère urgent que les leaders arabes et israéliens réalisent qu’ils ont un destin commun et que la paix de la région viendra de la région, de nulle part ailleurs.
Généralement dans une famille, un enfant gâté est redressé par ses frères et sœurs, non ses parents …