A l’occasion de la Journée internationale dédiée à la lutte contre les Agressions commises sur les Enfants, Isidore Nteturuye, coordinateur national du FENADEB, appelle les adultes à plus de responsabilité dans la lutte contre les violences faites aux enfants.
Le 4 juin, le monde célèbre la lutte contre les agressions commises sur les enfants. Quels sont les types d’agressions dont les enfants sont souvent victimes au Burundi ?
Au Burundi, dans la plupart des cas, des enfants sont brûlés, d’autres soumis à des tortures physiques, voire même tués dans des cas extrêmes. Nous constatons aussi souvent des enfants maltraités dans le cadre familial, soit fréquemment par leurs belles-mères, soit parfois par leurs propres parents biologiques.
Qui sont les principaux auteurs de ces agressions ?
Des pères de famille qui mutilent leurs fils, souvent d’un très jeune âge, un phénomène que nous avons observé dans toutes les provinces du pays. Sans oublier aussi le cas de belles-mères (les secondes épouses) fréquemment impliquées dans des actes de violence contre les enfants issus du premier mariage. Donc, le bourreau de l’enfant est, dans la majeure partie des cas, un membre de son entourage proche.
La police sévit-elle contre ces bourreaux d’enfants ?
A chaque signalement de cas de violence contre un enfant, l’administration locale et la police sont saisies par nos points focaux sur terrain. Les forces de l’ordre interviennent assez immédiatement. Certains des auteurs de ces méfaits parviennent à s’échapper juste après leur forfait, mais souvent comme ils finissent par retrouver le chemin de leur domicile, ils sont poursuivis et arrêtés. Sinon, nous avons toujours noté une réaction positive et rapide de la part de la police sur ces situations d’agressions contre les enfants.
Quelles sont les conséquences de telles agressions sur l’épanouissement de l’enfance ?
L’enfant maltraité développe une peur panique face à l’adulte et son épanouissement tant cognitif, intellectuel et même physique, s’en trouve fortement affecté. Et quand bien même il bénéficierait d’un accompagnement psychologique, l’incertitude demeurerait quant à une résurgence du traumatisme vécu à l’âge adulte. C’est pourquoi il y a besoin d’offrir une assistance psychologique aussi bien à l’enfant victime de maltraitance qu’aux auteurs de cette maltraitance, pour mettre un terme à la banalisation de telles violences.
En Europe, des campagnes sont menées depuis des années contre « les violences éducatives ». Quelle est la limite entre punition parentale et maltraitance ?
On ne peut balayer d’un coup des pratiques ancrées dans les traditions d’une société et les remplacer par d’autres venues d’ailleurs. A ce niveau, une distinction est à mener entre ce qu’il faut prendre pour exemple et ce qu’il faut rejeter dans ce qui nous vient d’ailleurs. Dans l’immédiat, les violences auxquelles nous avons souvent affaire dans le cadre de nos activités ne sont pas exercées dans un cadre de ‘’redressement parental’’ mais correspondent bel et bien à des cas de violences commises contre les enfants. Sinon, une fessée pour un enfant burundais de la part d’un parent n’entre pas dans le cadre de la maltraitance. Celle-ci est caractérisée par des blessures pouvant être infligées à l’enfant, y compris dans le cadre éducatif. C’est pourquoi il a été interdit d’user du bâton dans ‘’le redressement’’ fait aux élèves par leurs professeurs. En somme, le redressement parental ne doit pas ouvrir la porte à la maltraitance.
Quid du travail des mineurs dans les ménages ?
Cela est punissable par la loi qui n’autorise le travail que pour les enfants qui atteignent 16 ans. En plus, dans de tels cas, l’enfant est soumis à une charge de travail pour lequel il n’a point les capacités physiques.
Quel constat faites-vous de la période électorale quant au respect des droits de l’Enfant ?
Nous avons noté qu’il y a eu peu d’incidents impliquant des enfants au cours de la récente période électorale. Nous avions alerté sur une éventuelle instrumentalisation des enfants durant la campagne électorale et constatons que nos inquiétudes ont plutôt été prises en compte par les politiques qui battaient campagne. Les services de l’Etat ont veillé à la non-exploitation d’enfants lors des campagnes électorales. Même dans des localités où les lignes rouges ont été franchies, comme à Busoni (Kirundo) et Makamba où des enfants ont été sommés d’interrompre les cours pour assister à une campagne électorale, les coupables de ces actes ont été interpellés. Une mention spéciale à la CNIDH qui a veillé scrupuleusement au respect de cette règle et s’est assurée que les contrevenants soient poursuivis et sanctionnés par les autorités compétentes.
Quel message adresser à la société et aux pouvoirs publics par rapport à la journée de demain ?
Tout le monde doit s’impliquer dans le signalement de fait de violence contre des enfants et faire appel aux forces de l’ordre, la société civile qui veille au grain sur ce sujet mais aussi l’administration locale. Soyons tous gardiens des enfants. Aux pouvoirs publics, d’assurer l’application stricte des textes du code pénal qui sanctionnent les agressions commises à l’encontre des enfants.
Propos recueillis par Alphonse Yikeze