Dimanche 22 décembre 2024

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ISABU: Qui bloque les indemnités de fin de carrière des retraités ?

15/11/2021 Commentaires fermés sur ISABU: Qui bloque les indemnités de fin de carrière des retraités ?
ISABU: Qui bloque les indemnités de fin de carrière des retraités ?
Les bureaux de l’ISABU sis dans la zone Rohero (commune Mukaza).

Malgré les recommandations du président de la République, le dossier des indemnités de fin de carrière des retraités de l’Institut des sciences agronomiques du Burundi (ISABU) s’enlise. Les autorités concernées font la sourde oreille. Les retraités ne savent plus à quel saint se vouer et demandent d’être rétablis dans leurs droits.

« Le Président de la République vous recommande chacun en ce qui le concerne de continuer à accorder l’indemnité de fin de carrière au personnel de l’ISABU si le budget est prévu et le permet et de réviser le statut du personnel de l’ISABU pour prévoir une indemnité de fin de carrière unique afin de rompre avec la pratique de payer des avantages exorbitants au détriment des intérêts de l’Etat. » Cela ressort d’une correspondance du 25 août 2021 que le chef de cabinet civil du président de la République, Commissaire de police chef Gabriel Nizigama, a envoyé aux ministres en charge des Finances et celui de l’Agriculture et de l’Elevage avec copie pour information au directeur général de l’ISABU.

La correspondance rappelle que le représentant légal du Syndicat Libre des Travailleurs de l’ISABU avait adressé une correspondance au président de la République, par laquelle il a demandé le rétablissement des retraités de l’ISABU dans leurs droits de perception de l’indemnité de fin de carrière conformément aux dispositions du Statut du personnel. « Après l’analyse de cette requête, le constat est que la suspension de l’indemnité de fin de carrière ne s’est pas fondée sur les lois et règlements en vigueur. La loi budgétaire 2020-2021 dont vous faites référence ne précise pas expressément que l’indemnité de fin de carrière est gelée».

Une décision contraire à la loi

Depuis cette lettre du chef de cabinet du président de la République, rien n’a été fait. « Comment se fait-il que le président de la République donne des instructions mais que ses subalternes ne les mettent pas en exécution ? », s’interroge un retraité de l’ISABU. « Quel est le problème ? Les rapports de l’Inspection générale de l’Etat et du conseil d’administration de l’ISABU désavouent les arguments du ministre des Finances », ajoute un autre retraité. Selon ces retraités, ces indemnités de fin de carrière ont été suspendues depuis le mois d’octobre 2020.

Dans son rapport du 26 février 2021, l’Inspection générale de l’Etat (IGE) signale que cette indemnité de fin de carrière est fixée dans le statut du personnel approuvé par ordonnance conjointe, ainsi acceptée par le ministère en charge des Finances. « Elle a été accordée, depuis 2010, dans le souci de stabiliser le personnel de cet institut de recherche».

L’IGE cite une lettre du ministre des Finances du 12 novembre 2020 adressée au directeur général de l’ISABU : « (…) l’octroi de l’allocation de fin de carrière n’est pas autorisé par la réglementation actuelle en la matière. En effet, toutes les annales, les primes et indemnités conjoncturelles y compris les indemnités de fin de carrière sont gelées financièrement, sauf pour les secteurs de la défense et de la sécurité conformément à l’article 35 de la loi n°1/13 du 15 mai 2020 portant Fixation du Budget Général de la République du Burundi pour l’exercice 2020-2021.»

L’IGE fait remarquer que comme l’indemnité de fin de carrière est inscrite dans le Code du travail du Burundi, elle n’est pas une indemnité conjoncturelle. Et partant, elle ne devrait pas être concernée par l’article 35 de la loi de Finances de l’exercice 2020-2021. « Par ailleurs, les indemnités de fin de carrière accordées aux retraités de l’ISABU sont incorporées dans le montant des subsides de 2.417.331.437 Fbu que l’Etat du Burundi a accordés à l’ISABU pour l’exercice 2020-2021».

La mission d’audit de l’IGE considère que l’ISABU, en faisant le calcul de ces indemnités, reste dans le respect des engagements pris dans la « convention collective » matérialisée par le statut révisé du personnel de l’ISABU et approuvé par le ministère en charge des Finances. De plus, indique-t-elle, les indemnités de fin de carrière sont prévues par l’article 166 du nouveau Code du Travail du Burundi. « La mission d’audit estime que la fidélisation du personnel chercheur de l’ISABU devrait être maintenue vue l’importance de ses missions».

Dans le procès-verbal de sa réunion tenue les 23 et 24 novembre 2020, le Conseil d’administration de l’ISABU fait savoir qu’au mois d’octobre 2020, la direction de l’ISABU, ayant constaté que l’article 35 de cette loi énonce le gel des primes quel que soit leur nature et non pas le gel des indemnités y compris l’indemnité de fin de carrière, a demandé au ministère des Finances l’octroi des subsides pour le paiement de tout le personnel. « Le ministère des Finances a rejeté cette demande exigeant de retirer sur la liste de paie le personnel en retraite normale. Ce que la direction de ISABU a fait dans le but de ne pas paralyser les activités de l’institut surtout en ce moment crucial de mise en place et suivi des activités de la saison agricole 2021A».

Alfred Niyokwishimira : « Ce n’est pas à moi de répondre le premier. On m’a seulement mis en copie. »

Le Conseil d’administration abonde dans le même sens que l’IGE : « L’article 35 de la loi budgétaire 2020/2021 se rapporte au gel des primes (et non des indemnités) alors que le statut révisé du personnel prévoit l’octroi d’une indemnité de fin de carrière aux agents de l’ISABU en retraite normale. » Dans la foulée, il rappelle que la décision d’octroi des indemnités de fin de carrière aux personnes retraitées de l’ISABU avait été prise par le gouvernement du Burundi en 2010, pour fidéliser et stabiliser le personnel au travail. « Cette mesure a significativement contribué à arrêter les départs imprévus des chercheurs, cadres et autres employés de l’ISABU d’où les administrateurs estiment que la levée de cette mesure devrait attirer l’attention du ministère de tutelle pour l’intérêt général du pays».
De plus, poursuit-il, la levée de cette indemnité devrait être précédée par la révision du statut du personnel de l’ISABU pour éviter d’éventuelles plaintes judiciaires dues aux conflits des lois.

Le conseil d’administration recommande au ministre de discuter avec son homologue des Finances pour analyser ensemble les possibilités de surseoir la mesure et continuer à payer l’indemnité de fin de carrière aux ayant droits pour stabiliser le personnel, surtout les chercheurs. « Dans le cas échéant, s’il s’avère impératif que ces indemnités cessent, le ministère de tutelle devrait commanditer la révision des statuts du personnel de l’ISABU comme préalable pour éviter des conflits de lois qui risquent de provoquer l’ouverture des procès judiciaires entre l’employeur et les employés».

Pour cet organe, le nouveau statut devra être clair sur le mode de gestion organique et financière de l’ISABU d’une manière compatible avec les lois en vigueur des finances publiques, mais aussi compétitif à l’instar des statuts des autres établissements d’enseignement et de recherche, notamment en matière de traitements salariaux et autres avantages sociaux pour éviter d’éventuels mouvements du personnel de l’ISABU vers d’autres établissements. « Ce qui risquerait de paralyser complètement les activités de l’ISABU».

Où est passé l’argent des retraités ?

Une question taraude l’esprit des retraités de l’ISABU : « Qui bloque nos indemnités ? Et pour quel intérêt ? Ont-elles été affectées ailleurs ? » Ces retraités font savoir qu’ils avaient contracté des crédits dans différentes banques et que l’ISABU avait donné son aval. « Notre employeur nous a donné des attestations en déclarant que nous allons rembourser nos crédits grâce à ces indemnités. On ne sait plus quoi faire. Certains d’entre nous ont déjà contracté des maladies cardio-vasculaires liées au stress». Ces retraités signalent que leurs collègues de l’Université du Burundi avaient le même problème : « Leur ministre a plaidé pour eux et ils ont été rétablis dans leurs droits. Pourquoi ce deux poids deux mesures alors que nous avons le même statut ?» Ils demandent au président Ndayishimiye de prendre le dossier en main.

Dans une réponse envoyée à une personne qui réclamait les indemnités de fin de carrière d’un proche décédé, le directeur général de l’ISABU, Alfred Niyokwishimira, a répondu que le dossier se trouve dans les mains du ministère des Finances et du ministère en charge de l’Agriculture et de l’Elevage « comme l’a demandé le cabinet civil du président de la République dans sa lettre du 25 aout 2021. » Et de suggérer d’attendre la réponse des deux ministères.

Interrogé par Iwacu sur l’avancement du dossier après la lettre du chef de cabinet, Alfred Niyokwishimira s’est fendu d’une réponse : « Ce n’est pas à moi de répondre le premier. On m’a seulement mis en copie. » Le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a promis de s’exprimer ultérieurement. Nous avons tenté d’en savoir davantage du côté du ministère en charge des Finances, sans succès.

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