Jusqu’au 15 octobre 2016, les données officielles font état de plus de cinq millions de cas de paludisme dont 2.897 décès. Le taux de prévalence reste élevé. Rencontre avec Albert Mbonerane, responsable du Centre anti-malaria Saint François d’Assise.
Quelles sont les causes de l’augmentation des cas de paludisme et de décès qui y sont liés ?
Certaines gens meurent par méconnaissance. Le gouvernement, avec l’appui des Etats-Unis via USAID et du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, a distribué beaucoup de moustiquaires dans le pays. Mais jusqu’aujourd’hui, aucune étude n’a été faite pour savoir combien de moustiquaires ont été distribués et leur utilisation. Il y a des gens qui, au lieu de les utiliser pour se protéger contre les moustiques, l’utilisent pour la pêche, pour la protection des champs de tomates, etc. Une preuve qu’ils n’ont pas compris leur utilité pour la prévention de la malaria, la première cause de la mortalité dans le monde et en particulier dans les pays pauvres dont le Burundi.
Dans d’autres coins du pays, comme dans le nord-est du pays, quand ils sentent qu’ils ont de la fièvre, les féticheurs sont prioritaires. Il y a donc une carence au niveau de la sensibilisation et du suivi.
Les médicaments sont-ils efficaces ?
Pour les cas simples, nous utilisons ce qu’on appelle la molécule artesunate amodiaquine. Mais une fois que c’est grave, il doit être traité par la quinine, un médicament qui n’est pas accessible et gratuit. En effet, il n’est pas subventionné par le fonds mondial. Ainsi, si un malade doit prendre la quinine, c’est à sa charge. Et dans les pharmacies, son coût est exorbitant.
L’automédication empire la situation. Comme la cure dure trois jours, certaines personnes se croient guéries au bout de deux jours. Si un autre membre de la famille tombe malade, on lui proposera le reste de la cure. Résultat : personne ne sera guéri.
Quid du personnel dans les centres de santé ?
Au Burundi, dans un centre de santé (CDS), on trouve trois techniciens au maximum qui traitent toutes les maladies. Et certains CDS n’ont pas de matériel adéquat pour les tests. Seul le Centre anti malaria Saint François d’Assise traite exclusivement la malaria.
Comment agir pour renforcer la prévention sur le terrain ?
Il faut investir dans la pulvérisation intra domiciliaire, passer ménages par ménages. Quand nous utilisons des moustiquaires imprégnées d’insecticides, nous les posons dans la maison, au-dessus de nos lits. Mais rien ne dit que tous les moustiques seront tués. Et il faut savoir qu’un moustique femelle (anophèle) peut pondre, avant de mourir, 150 œufs. Ainsi, la pulvérisation intra domiciliaire permettra de neutraliser la majorité de ces moustiques qui pullulent dans la nature.
Il y a également un problème d’accès aux médicaments. La molécule artesunate amodiaquine a commencé à fonctionner au Burundi en 2005. Tous les deux ans, on devait faire une évaluation pour voir si ce médicament est encore efficace. Or, la plus récente date de 2008. Je doute fort que cette molécule soit efficace comme elle l’était en 2008.
Enfin, il faut reprendre les activités de sensibilisation au niveau national centrées sur la prévention, les symptômes et le traitement.
>>Lire aussi : Evolution de l’épidémie de paludisme (2002-2014)
qu’est ce qui explique cette situation depuis 2005???
Mr Albert Mbonerane,
Vous oubliez aussi que la malaria profite et tue lorsque l’organisme est très affaibli. Il faut aller plus loin de l’analyse. Les gens, au Burundi, ne mangent plus assez et en plus des problèmes soulignés, la malnutrition y est pour quelque chose.
Il y a une période (si je ne trompe les années 60) on a pulvérisé à l’aide d’avion un produit pour tuer les moustiques et les larves , la malaria a presque disparu dans la région des grands lacs. Pourquoi ne pas envisager une pulvérisation à grande échelle? Il ne sert à rien de faire une pulvérisation à domicile, c’est court, les moustiquaires ne sont pas efficaces étant donné que les nids de moustiques sont toujours quelque part dans la natures. Il faut aller donc à la racine. Le Burundi n’est pas si grand en quelques jours toute l’étendue serait couverte.
Ces petits moyens (moustiquaires, médicaments, pulvérisation à domiciles) ce sont des moyens proposés par les multinationales qui les vendent à coût de milliards seulement pour s’enrichir au dos des pauvres, des malades. Ces multinationales savent très bien que ce n’est pas efficaces et les gouvernements dans leur naïveté jouent leur jeu.
J’espère que vous Mr Albert Mbonerane, comme moi, vous vous posez la question pourquoi il n’existe pas encore un vaccin contre la malaria?!!! Étonnant n’est-ce pas pour une maladie qui existe depuis des siècles et des siècles. Seulement la malaria c’est le gagne-pain des multinationales pharmaceutiques.
Bonjour Albert,
Je voudrais apporter quelques précisions à tes réponses à ce journaliste. Les moustiquaires distribuées ont été financées par le Fonds Mondial et non l’Usaid. Les etudes/enquêtes sur la possession et l’utilisation sont regulierement faites: voir enquete EDS 2010, enquete MIS Malaria indicators surveys 2012, enquete post campagne 2014. L’autre EDS est en cours de realisation. En outre, la pulverisation intradomiciliaire ne permet pas de tuer les larves des moustiques. Pour le faire, il faut la gestion des gites larvaires.
Aussi pour un cas qui guéri comme le paludisme il faut utiliser l’incidence pas la prévalence
Bonjour Jean Bosco,
Merci pour les éclaircissements. Comment est-ce que je pourrais avoir accès aux résultats de ces études?
Merci
Ce monsieur touche à des projets de grande importance à la fois: la préservation du lac Tanganyika ,la lutte contre le paludisme. Chapeau mec vous êtes un érudit.