Prenez des vaches malingres, obtenues dans un marché des plus flous, destinées aux personnes nécessiteuses. Au passage les autorités locales prélèvent une commission bovine. Les députés du coin n’ont rien vu et rien entendu. Le décor est planté pour cette pièce jouée dans les étables de Mwaro. Détendons-nous, s’il vous plait. Mwaro, vous savez où c’est? Non ?! Comment, non ? Bon, c’est dans la région où, paraît-t-il, il y a quelques décennies, enlever la vache d’autrui était un sport favori, tout un art. Car il fallait, par la suite, lui faire porter des souliers à l’envers, pour brouiller les pistes, de telle façon que les enquêteurs : – n’y voyaient que du feu ou étaient tout simplement perdus vu que le propriétaire vous affirmait, rage au ventre, la gorge asséchée (par manque de lait) que les traces de semelles « Là, devant toi! » attestaient de manière irréfutable le vol de ses chers bovidés. – passaient de la stupeur au brouillard complet quand ils découvraient en fait que ces traces menaient droit vers l’étable duquel était supposé partir le vol ! Ce qui induisait, théoriquement, de considérer le plaignant soit comme un menteur, ou un sorcier, ou les deux. En me rappelant ce lourd héritage culturel, il m’est permis de douter si les braves « nantis » de Mwaro n’auraient pas voulu renouer avec les racines des aïeux… mais de manière plus élégante, parbleu ! Modernité oblige. Je ne vais pas m’attarder sur les 100 kilos de moins détectés par l’œil alerte de Madame la vétérinaire de la commune Rusaka. Cela ferait « boucher », cela sentirait des brochettes de moins, bref, des choses peu élégantes à penser sur une vache, à Mwaro. Comme disent justement ces fiers pasteurs des hauts plateaux, {« hari abazitunga n’abazitungira »} (il y a les éleveurs, {"les nobles"} {et} les autres, {"les bouchers"}). Mais en passant, la Nation reconnaissante vous dit merci quand même Madame la vétérinaire, pour votre vigilance. Votre acte est à marquer dans les annales de notre histoire politico-bovine. <img2818|center> Élevons la réflexion Tenez : « Si une vache de race Frisonne atteinte de la théilériose n’est pas traitée d’un médicament qui coûte 30 mille Fbu après 48 heures, elle meurt » explique Monsieur l’Agronome en chef de la province. Ce qui voudrait dire, par delà, qu’en fait, les « intellectuels » qui ont élaboré les critères d’attribution des vaches [« Ne pas être fonctionnaire, ne pas avoir de vache, etc] étaient à côté de la plaque. Ou, devrions-nous penser, M. le DPAE de Mwaro s’est inspiré de la Bible, Sainte, qui, à travers Jésus, nous livre une terrible leçon : « A celui qui a peu, on lui enlèvera même ce qu’il a pour le donner à celui qui en a plus ! » Économiquement, cela s’est traduit dans notre affaire par neuf pauvres qui sont restés ce qu’ils sont, tandis que neufs « nantis » recevaient un tout petit coup de pouce beuglant pour devenir un peu plus… riches. Et le lendemain, on chanterait : « Nous [les autorités de la province] travaillons et devons respecter la volonté du peuple ! » Comme si on ne savait pas, justement, qu’à Mwaro (et ailleurs!), la population veut, c’est tout bête, du lait et du fumier pour que les champs poussent et que les enfants grandissent en bonne santé. Les plus mauvaises langues diront même que le zélé DPAE a voulu se faire aimer auprès des nantis ! Faut pas y croire, que des rumeurs, tout cela. D’autre part, il y a cette incroyable réponse des députés de Mwaro, sur cette affaire. « Je l’ai appris après la conférence de presse animée par le président de l’Olucome, …, le 17 janvier 2012 », lance l’honorable Méthode Niyoyunguruza. Récapitulons : les vaches arrivent au Burundi en septembre 2011, sont distribuées disons en octobre, et les élus du peuple ne savent rien, ne sentent aucune odeur suspecte de bouse, ne voit aucune tache de lait mal lavée par une autorité, ne rencontrent aucun « paysan » malheureux qui leur ferait part de son désarroi face au vol par action et par omission de sa vache promise conséquemment à sa pauvreté! Rien ! Trois, presque quatre mois passent ! Des représentants du peuple ! Qui plus est, parmi eux deux viennent d’un parti qui affirme « être proche du peuple » (« Adieu le vieux dédain du peuple », nous susurre-t-on…) Rien ! Les députés n’ont même pas imaginé de plan de communication malin, genre baptiser les sacrées 90 vaches qui allaient être distribuées à Mwaro, « notre cadeau du Cinquantenaire de l’Indépendance! », dans la droite ligne des vœux présidentiels… Rien ! « Je vais commencer très prochainement à m’enquérir de la situation », répond-on : de la classe. Au fait, ils sont payés combien nos chers élus « du peuple ». Paraît-il 2 millions de Fbu. Pour faire quoi ? Honni soit qui mal y pense… [Cette énième épisode de mauvaise gestion de la chose publique interpelle->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1867] : même si cela sent le lait, ce n’est pas du tout blanc. Et quand j’entends des histoires pareilles, où l’ont fait passer les « paysans » et l’opinion publique, privée, nationale et mondiale pour des vaches je préfère rêver à… il y a quelques décennies (il est vrai que je n’aurais pas pu écrire cette balade pastorale). Hein ? Au détour d’une rue, vous marchez tranquillement, un yaourt aux fraises made in Burundi aux lèvres, la coupe afro, le regard blasé. Et pan ! {Une vache avec des santiags retournés…} Merveilleux titre pour les chercheurs sur un épi-phénomène (je l’espère franchement) économique appelé ‘Malversation bovine’. Et en passant, une histoire très vache, comme disait l’autre.