La saison culturale A dans les provinces de Ngozi et Kayanza démarre avec du retard dû à l’attente des semences sélectionnées ainsi qu’aux engrais promis aux agriculteurs. Ils ne les ont pas encore eus alors qu’ils les ont payés d’avance. Les administratifs disent que l’engrais est disponible, mais que c’est le manque de carburant qui freine son acheminement vers les différents coins du pays.
Dans la commune Mwumba de la province de Ngozi, Matrone Nibitanga, une agricultrice, est avec des hommes. Elle est en train de semer le maïs sur une grande superficie. Il s’agit de la variété Pan53 qui se distingue des autres par la couleur des graines rougeâtre.
Marie Goreth Havyarimana, une autre agricultrice de la même localité, croit que c’est du colorant rouge qu’on y a mis. « Nous avons aussi des graines de maïs chez nous. Si c’est du colorant qu’il faut, que l’administration nous en donne. Mais, qu’on ne nous fasse pas perdre du temps », souligne-t-elle avec humour.
Matrone Nibitanga explique que les graines qu’elle utilise sont celles qui sont restées lors de la précédente saison culturale. Mais, sa voisine Havyarimana n’a pas eu la même chance qu’elle. Elle doit attendre la prochaine livraison, ou acheter doublement à ceux qui en ont gardé comme Nibitanga.
Elle explique qu’en attendant l’engrais déjà payé à l’avance qui n’est pas encore là, ceux qui ont les moyens l’achètent auprès de ceux qui cultivent dans les marais pour rattraper le temps. Marie Goreth Havyarimana déplore le fait qu’elle a la force et la volonté de travailler mais qu’elle manque de moyens pour se payer les semences et les engrais.
Dans les communes Mwumba et Nyamurenza toujours de la province de Ngozi ainsi que dans les communes Gatara et Kayanza de la province de Kayanza, les agriculteurs se sont tous préparés pour la saison culturale A qui devait commencer avec le mois de septembre. Pendant ce mois d’octobre, ils attendent toujours la disponibilité des semences et des engrais.
Il faut toujours attendre
Le 3 octobre, au siège du bureau provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, BPEAE, de Ngozi, une grande foule de gens venus de toutes les communes de la province de Ngozi pour acheter les semences de maïs Pan 53 s’observe. Les grains de maïs sont déjà arrivés dans le stock du BPEAE et le camion qui vient de les décharger est toujours garé devant le hangar de stockage.
« Le maïs est arrivé ce matin. On était là quand il a été déchargé mais, ils ne veulent pas nous le donner. Ça fait des jours que nous venons ici pour le réclamer. Mais, maintenant qu’il est arrivé, personne n’est là pour nous le donner », murmure une femme assise sur la pelouse du BPEAE Ngozi.
Quelques minutes plus tard, les officiels de la province arrivent en trombe. Le gouverneur de la province, le directeur du BPEAE Ngozi, le commissaire provincial, le directeur des renseignements sont tous présents. Le gouverneur Désiré Minani prend la parole et tranquillise la foule. « Le maïs tant attendu est déjà là et à un prix concurrentiel, à savoir 4 200 BIF le kg mais, vous ne l’aurez pas ici tout de suite », annonce-t-il avant de renvoyer chacun dans sa commune d’origine. « Je vais appeler vos administrateurs pour qu’ils viennent récupérer les tonnes de maïs destinées à chaque commune et c’est là où vous serez servis, mais pas ici », insiste-t-il en effet.
Et d’ajouter : « Je sais qu’il y a des commerçants qui sont présents ici et qui veulent spéculer. Je les préviens d’avance. Celui ou celle qu’on va surprendre avec du maïs dans son échoppe verra ce qui lui arrivera. Je sais aussi qu’il y a des commerçants qui vendent le kg à 25 000 BIF. Gare à eux ! »
La foule n’est pas convaincue mais elle n’a pas d’autre choix que d’obtempérer. Elle ne bouge pas non plus d’un seul pas. Elle veut réellement voir le départ des sacs de maïs vers leurs communes respectives.
A la question des engrais déjà payés mais qui ne sont pas encore disponibles, la réponse de l’autorité reste la même que dans la province de Kayanza, Les engrais sont toujours dans les stocks de l’usine Fertilisant organo-minéraux, FOMI, qui en fabrique. Ils attendent la disponibilité du carburant pour qu’ils puissent les acheminer vers les bénéficiaires.
Une innovation peu connue
Entretemps, une grande sensibilisation a été faite à l’endroit de la population pour mettre en place des compostières. Elle a été suivie à la lettre et des innovations s’en sont suivies. Il s’agit de l’inédit. Un engrais à base d’urine humaine est produit dans la commune Gatara de la province de Kayanza.
Salvator Nkurunziza de la coopérative Tuzamurane, une coopérative qui œuvre dans le mentorat agricole, explique que pour faire face à ces retards et au besoin permanent d’engrais, la coopérative a mis en place un système de collecte d’urine humaine qui sert d’engrais après sa conservation d’engrais.
Il informe que sa coopérative ne vend pas d’engrais issu de cette urine. Par contre, elle apprend à la population locale comment sa collecte et sa conservation se font. « La collecte se fait dans des bidons et nous avons même déjà constaté que son utilisation est aussi efficace que l’autre engrais qu’on amène », explique-t-il.
Il précise qu’avant son utilisation, on mélange l’urine collectée avec de l’eau sinon, elle devient nocive aux plantes.
Rémy Cishahayo, gouverneur de la province de Kayanza indique qu’il a déjà entendu parler de cette technique, mais qu’il faudra que des chercheurs l’évaluent d’abord et approuvent son utilité. Il reconnait néanmoins l’utilisation et l’efficacité de l’urine des lapins qui a déjà apporté des résultats significatifs.
La culture en bloc, une autre particularité de la province
Le gouverneur Cishahayo, depuis qu’il a constaté l’exiguïté des terres dans sa province, a instauré un système de culture en bloc, un système qui consiste à cultiver en même temps et la même culture. Il fait savoir que le rendement a ainsi considérablement augmenté.
Trouvée dans les marais de la colline Gasara de la commune Matongo dans son champ de maïs, Aqueline Nyabenda, confirme les dires du gouverneur. Elle témoigne en effet que le rendement est tellement grand si bien que la pauvreté a diminué.
A part la culture en bloc, une autre particularité de la province de Kayanza est que le maïs que le gouvernement distribue est en vente sur le marché local. Il est en effet visible dans des étagères des boutiques. Un kilo est vendu à 25 000 BIF et les vendeurs se lamentent des pertes qu’ils vont observer puisque le même maïs est déjà disponible auprès des agriculteurs à un prix ne dépassant pas 4 200 BIF par kilo.
La prénommée Jacqueline, vendeuse dans le marché de Kayanza, dit qu’elle est en train de vendre à perte. Elle et un autre vendeur demandent que le gouvernement puisse leur permettre d’acheter le maïs qu’il vend à la population à 4 200 afin qu’ils puissent le revendre moyennant un petit bénéfice parce que personne n’achète plus le leur.
« Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ces invendus. Aucun client ne vient plus acheter ce maïs et c’est une grande perte pour nous », déplore Jacqueline. Un vendeur d’à côté dit quant à lui qu’il va laisser le maïs sur l’étagère et attendre.
Contrairement à la province de Ngozi, la province de Kayanza a déjà fait parvenir les semences de maïs à la population qui n’attend que les engrais.
Une concurrence déloyale risque d’avoir lieu
Janvière Nahimana, multiplicatrice des semences sélectionnées, de la zone Buye de la commune Mwumba en province de Ngozi, a déjà commencé à sentir le poids de la concurrence du maïs hybride subventionné par l’Etat par rapport au maïs composite qu’elle a appelé Zn 605 déjà collectés.
Au début de la saison culturale, elle explique qu’elle avait déjà disponibilisé 2 tonnes de maïs et que les agriculteurs venaient en masse parce qu’ils ne pouvaient pas encore trouver le maïs hybride. Les achats ont diminué depuis que les agriculteurs ont entendu l’arrivée de ce maïs et elle reste encore avec 1.5 tonne dans son stock. « Je vais garder ce maïs et attendre. Je ne peux rien faire d’autre », se résigne-t-elle.
Emile Kubwimana, directeur du BPEAE Ngozi, ne voit pas là-dedans une concurrence. Il explique que les semences qui sont dans les boutiques d’intrants appartenant aux multiplicateurs de semences viennent compléter celles subventionnées par l’Etat.
Il estime que chaque agriculteur aura un choix et que les agriculteurs ont des préférences multiples. « D’ailleurs, que ça soit le maïs hybride ou le maïs composite, le prix est le même, à savoir 4 200 BIF », souligne-t-il.
Signalons que dans le budget national 2024-2025, le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage occupe la 6e place avec un budget de 334 563 309 171 BIF, soit 7.1%.
La question de l’engrais reste complexe
Au moment où les agriculteurs attendent l’engrais qu’ils ont déjà payé, le DPEAE Kubwimana dit que les agriculteurs ont déjà commencé à utiliser la fumure organique et qu’à partir du 7 octobre, les engrais organo-minéraux allaient commencer à leur parvenir.
Il faut souligner que le même retard s’était observé au début de la saison culturale 2023-2024. Herménegilde Manyange, directeur général adjoint de la FOMI avait expliqué devant le Premier ministre Gervais Ndirakobuca que le manque d’engrais était dû à l’insuffisance ou au manque de la chaux dolomitique et d’autres fertilisants ; le manque des pièces de rechange des machines qui devaient être importées de la Chine ; la pénurie des devises et d’autres problèmes d’électricité. Des explications qui n’avaient pas convaincu le Premier ministre Ndirakobuca.
Pour cette saison culturale A 2024-2025, Ferdinand Manirakiza, le chargé de la communication à la FOMI, a sorti un communiqué indiquant que 46 968, 500 tonnes de FOMI imbura, 28 952,300 tonnes d’urée, 2 263,800 tonnes de FOMI bagara et 6 319 tonnes de chaux pour seulement Gitega, Mwaro et Rutana, sont déjà disponibles. Le communiqué précise qu’en collaboration avec les gouverneurs des provinces concernées et selon la disponibilité du mazout pour les camions qui assureront le transport, la FOMI est en train d’acheminer ces engrais dans le pays.
Il fait savoir que dans ses livraison, l’usine FOMI va ajouter d’autres tonnes pour ceux qui achètent des engrais non subventionnés par l’Etat.
Depuis 2015, les quantités d’engrais importées ont été multipliées par cinq. De 27 300 tonnes en 2015, elles sont en effet passées à 140 000 tonnes en 2023. Toutefois, rien n’explique cet alourdissement de la tendance. Bien plus, par rapport à 2015, les engrais ont coûté 9 fois plus chers en 2023, soit 85 millions de dollars alors qu’ils étaient de 9.4 millions de dollars en 2015.
Est ce que vous pourriez vérifier et confirmer que vous ne vous êtes pas trompé en écrivant q’un kg coûte 25 mille francs?
ou c’est moi qui ait la berlue.
Merçi