Alors que la province Muyinga avait été le théâtre de plusieurs cas d’intolérance politique, ces derniers mois, une relative accalmie s’observe. Iwacu revient sur l’effort fourni par les uns et les autres pour pallier cette intolérance. Témoignages.
Le coup d’envoi est lancé au lendemain des altercations, survenues la nuit du 18 au 19 août à Rugari, en commune et province Muyinga. Pour rappel, des militants du CNL en provenance des cérémonies d’inauguration de la permanence provinciale à Muyinga sont tombés dans une embuscade de ‘’malfaiteurs’’. Bilan : 9 victimes dont un mort.
Très touchée par cette attaque, la population de Muyinga a été saisie de terreur, rapporte Philippe Nkeramihigo, administrateur communal de Muyinga. De quoi inquiéter l’administration provinciale. Cette dernière pensera, afin d’apaiser les esprits, à des rencontres inclusives des militants de différents partis politiques.
D’où l’idée de livrer des matches aux niveaux provincial et communal. Ensemble, des responsables des partis ont croisé le fer notamment avec les forces de l’ordre. «Il y en a eu à Muyinga, à Giteranyi, etc. ». Après le football, c’était l’heure du partage de la bière, des danses entre les joueurs. «Des occasions qui ont un peu révolutionné le climat de méfiance politique, alors observé essentiellement entre les militants du CNL et ceux du Cndd-Fdd».
Outre le sport, la multiplication des réunions à l’endroit des leaders des partis politiques. M.Nkeramihigo explique que des conseils prodigués lors de ces rencontres ont joué un rôle notable. Notamment pour l’éradication des réunions clandestines. «En fait, le CNL voulait démontrer qu’il est fort. Ce qui n’avait pas plu aux militants des autres partis, créant ainsi une certaine insécurité. Nous avons dû leur expliquer le respect de la loi».
Et d’appeler les militants des différents partis à rester sur la même lancée, pour une bonne cohésion sociale. Surtout en évitant la tenue des réunions clandestines. «Ce sont elles qui constituaient la source d’insécurité».
«Un ressaisissement…»
Une évolution que notent aussi différents politiques. «Les choses ont changé», apprécie Prosper Bizindavyi, responsable du CNL en province Muyinga. Selon lui, l’administration a mis plus de paquet depuis l’attaque de Rugari.
Les discours de pacification tenus par les administratifs à l’occasion des différentes rencontres, insiste-t-il, ont eu une incidence positive au sein de la population locale. «Elle a pu se rendre compte d’une bonne cohabitation entre les leaders de leurs partis respectifs, ce qui a changé la donne».
D’après ce responsable politique, un ressaisissement de l’administration au bout de plusieurs cas d’intolérance. Il rappelle «l’inaction administrative» face aux échauffourées, quelques mois auparavant, qui avaient éclaté en communes Butihinda et Gasorwe. Des affrontements qui avaient pourtant fait plusieurs blessés et un mort.
Hormis des activités sportives et de multiples réunions, Prosper Bizindavyi évoque une autre stratégie: apanage des seuls militants du Cndd-fdd par le passé, les comités mixtes de sécurité sont désormais inclusifs. «Ils ont été restructurés du sommet à la base».
Ces derniers tiennent régulièrement, selon lui, des réunions d’évaluation, occasion de revenir sur les thématiques de tolérance politique, de cohabitation pacifique, de démocratie, etc.
Ce responsable provincial du CNL parle d’un autre pas en avant au niveau de la gestion de l’intolérance politique par les instances judiciaires de Muyinga. M.Bizindavyi salue une ‘‘nouvelle dynamique’’ : « La justice semble recouvrer petit à petit son indépendance. La plupart de ceux qui avaient été injustement arrêtés sont en train d’être libérés. Certains des agresseurs sont également poursuivis et jugés.» Il s’en tient au jugement rendu contre quatre attaquants des militants du CNL, le 8 octobre dernier.
Le secrétaire provincial du parti Cndd-Fdd abonde dans le même sens. Cyprien Sinzotuma parle de relations conviviales entre les militants des différents partis politiques. «La cohabitation est pacifique ». Un fruit, selon lui, de la conjugaison des efforts entre l’administration et les responsables des partis politiques.
M. Sinzotuma tient, toutefois, à souligner une chose : «Si jamais il y a accrochage, il faut à chaque fois faire un distinguo. Il ne faut pas identifier les criminels avant tout à leur casquette politique.»
Des défis persistent
Pour sa part, le président du parti Sahwanya Frodebu à Muyinga avoue se réjouir d’une ‘‘petite accalmie’’. «Aujourd’hui plus qu’hier, les réunions des partis peuvent se tenir sans difficulté», commente Gaspard Ndagijimana. Mais il relève un hic: « Il persiste toujours une sorte d’intimidation sous une forme à peine voilée. Soit le parti au pouvoir tient une autre réunion en face de vous, soit des Imbonerakure font une démonstration de force sur cette place.»
Quoique les gens ne soient plus arrêtés sur accusation de réunion illégale, les politiciens de l’opposition restent toujours sous surveillance. «Il suffit que vous soyez à deux ou trois en train de converser pour qu’il y ait des Imbonerakure qui viennent vous épier, faisant office d’agents du renseignement». Et d’ajouter : «Cela prouve que l’intolérance politique ne fléchit pas car on ne sait pas où ils vont transmettre notre conversation.»
Pour ce Frodebuste, même si la peur demeure, il y a lieu de rester optimiste. «Les discours de pacification tenus sans cesse, particulièrement ceux du gouverneur de Muyinga, vont contenir efficacement ce qui reste d’intolérance politique».
Pour Gaspard Ndagijimana, les réunions d’évaluation de la sécurité doivent être organisées « au niveau de la base car elle est beaucoup plus concernée par les accrochages».
Tout autre défi relevé est le blocage de l’ouverture des permanences communales du CNL à Gasorwe et Mwakiro. Le président du CNL à Muyinga déplore que des administrateurs restent récalcitrants vis-à-vis de l’ouverture de l’espace politique.
Tous les politiques interrogés s’accordent sur un fait: «La divergence d’opinions politiques participe au développement du pays plutôt qu’à sa destruction.» Ils appellent les militants des différents partis à rester sereins.