Lundi 23 décembre 2024

Société

Intolérance dans des discours, frein à la cohésion sociale

28/06/2023 10
Intolérance dans des discours, frein à la cohésion sociale

L’intolérance dans les discours a des conséquences fâcheuses dans la société. Livin Budabuda, journaliste et doctorant en communication politique appelle, chacun à s’abstenir de toute parole violente.

Qu’est-ce qui caractérisent les discours d’intolérance dans une société post-conflit ?

Dans le langage courant, un discours de haine désigne un discours injurieux visant un groupe ou un individu et pouvant menacer la paix sociale.
Les Nations-Unies définissent le discours de haine comme tout type de communication, orale ou écrite, ou de comportement, constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de leur identité.

Ces discours de haine peuvent être véhiculés par toute forme d’expression, notamment des images, des caricatures, des objets, des gestes et symboles. Ils peuvent être diffusés hors ligne ou en ligne. Il s’agit de discriminer ou d’écarter un groupe donné de la compétition politique ou des intérêts.

Dans quels contextes ces discours d’intolérance politique sont-ils utilisés ?

Ces discours sont utilisés dans des contextes de guerre et de crises. Aux USA, dans l’Etat du New Jersey, après l’attaque du 11 septembre 2001, des écrits racistes contre les musulmans étaient nombreux, à l’instar de « Musulmans et 11/9, ne les servez pas, ne leur parlez pas, et ne les laissez pas entrer » ; « Ils s’appellent tous Oussama (Ben Laden) » sur une grande photographie d’enfants musulmans.

Avant et pendant le génocide au Rwanda, les Tutsi étaient assimilés à des cafards (« Inyenzi ») qui peuvent être écrasés sans aucune forme de procès. Et lors de la colonisation, on pouvait trouver des endroits réservés aux blancs. Des entrées portaient la mention : ‘’Interdit aux chiens et aux nègres.’’

Dans notre pays, on parle souvent d’un climat d’intolérance politique à l’approche des échéances électorales. C’est entre le parti au pouvoir et les autres formations politiques de l’opposition. C’est un climat caractérisé le plus souvent par le rétrécissement de l’espace politique sous plusieurs formes.

Quelles sont les visées des auteurs de ces discours d’intolérance politique ?

C’est pour écarter les autres de la scène politique, discriminer un groupe socio-politique.

L’écrivaine Dorlin Elsa dans « Se défendre, une philosophie de la violence », publié en 2017, explique comment la haine en tant que construit social commun se trouve vécue comme une émotion de groupe et partagée dans l’horreur. Du point de vue de l’analyse du discours, l’intolérance s’inscrit clairement dans une perspective de rapports de domination. Le jugement, l’évaluation et la croyance exprimés dans une énonciation intolérante n’ont d’autres visées que d’afficher et d’affirmer un système de valeurs qui serait supérieur aux autres.

Quelles sont les conséquences de ces discours d’intolérance politique dans la communauté ?

Divers actes peuvent se manifester. Il s’agit de la propagation des messages de haine, la défiance, la suspicion, l’exclusion sociale d’un groupe, les violences physiques et psychologiques. Le vivre-ensemble est remis en cause. La société risque de basculer dans la violence comme au passé.

Quel doit être le rôle des pouvoirs publics face aux discours d’intolérance ?

Les dirigeants politiques doivent encadrer la population dans sa diversité. Le moyen le plus efficace est de renforcer les principes de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit. Il faut promouvoir un modèle de société tolérante de la diversité et respectueuse de la dignité humaine. Ils doivent s’abstenir de toute déclaration susceptible de remettre en cause la cohésion sociale ou de promouvoir la discrimination.

Ils devraient, en outre, réagir à des déclarations du genre. Le silence pourrait être perçu comme une approbation tacite et créer un climat d’impunité. À cette fin, les organismes publics devraient définir des règles claires régissant le comportement des individus et punir les auteurs des messages de haine.

Propos recueillis par Jérémie Misago

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Fred Nzeyimana

    Y aurait-il un rapport entre cet article de Budabuda et la déclaration émise ce 28 juin 2023 par des organisations de la société civile burundaise pro-Tutsi-Hima sur les « Rencontres organisées par la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) à Bruxelles ».?

    Le Collectif des survivants et victimes du génocide hutu de 1972 au Burundi, avant et après, a appris avec douleur et consternation la déclaration émise ce 28 juin 2023 par des organisations de la société civile burundaise pro-Tutsi-Hima sur les « Rencontres organisées par la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) à Bruxelles ». Declaration qui parle elle-aussi intolerance et de discours de haine ethnique .

    Une déclaration discriminatrice dans laquelle les signataires prônent le négationnisme du génocide burundais ,commis contre les Hutus en 1972-73 par le premier gouvernement de la dynastie des Tutsi Bahima du président Michel Micombero.

    Parmi les multiples crimes des 40 ans de règne de la dynastie des Bahima, un crime en particulier perturbe des organisations de la société civile burundaise pro-Tutsi-Hima: celui du génocide. Et, ce depuis que les résultats de la CVR indiquent clairement qu’il a été commis contre les Hutus par un gouvernement à dominance Tutsi-Hima. C’est la raison pour laquelle la déclaration émise par des organisations de la société civile burundais pro-Tutsi-Hima vise un deuxième objectif : attaquer viscéralement la notoriété et le leadership du Président de la CVR Pierre Claver NDAYICARIYE au point de demander au Président du Burundi de radier sa nomination à la tête de la commission.

    Les organisations signataires de la déclaration devraient logiquement se montrer plutôt sensible face à la douleur des familles endeuillées qui attendent impatiemment une loi du gouvernement du Burundi qui promulgue la reconnaissance du génocide, la traduction en justice des auteurs présumés et la réparation de préjudices divers et variés à la suite de la perte des membres de famille, à la spoliation de leurs terres et autres biens, à l’exclusions scolaires, à l’exil, etc.

    Leur déclaration négationniste se double d’une politisation à outrance de la réconciliation qui finit par blesser doublement les victimes en ajoutant l’insulte à l’injure.

    Nous recommandons au Président de la République d’user de son pouvoir pour mettre un terme au déni et aux complicités sur une question aussi cruciale que le génocide,

    Nous lui recommandons de promulguer le plus rapidement une loi criminalisant le génocide afin de mettre fin à cette culture de l’impunité et obliger les planificateurs à rendre des comptes pour les crimes les plus graves de génocide et crimes contre l’humanité, commis au Burundi

    • Gugusse

      Malheureusement Mr Fred, les extrêmes s’équivalent. Vous et Bwejeri, c’est bonnet noir et noir bonnet. Et quid des citoyens post ethniques comme mézigue? Quel discours et surtout quel sort leur réservez-vous?

      P.S: Mézigue= Moi, en argot. Je suis un grand fan de Fréderic Dard (Tiens, un autre Fred)

    • Gacece

      @Gugusse
      Je ne crois pas que sieur Bwejeri ait été une victime directe du génocide de 1972. Le type (Bwejeri) élabore des théories rocambolesques qui ne sont compréhensibles que par lui-même.

      Tiens par exemple, il clame que les Tutsi sont Juifs. Or, tout enfant né d’une mère Juive est automatiquement juif. Alors, par transitivité, si on part du principe que des mères Tutsi (donc Juives) peuvent avoir eu des enfants avec des pères Hutu, il existe aussi des Hutu qui sont Juifs.

      Mais aussi (et c’est là où le bât blesse), il existe des Tutsi qui ne sont pas Juifs parce que leurs mères (Hutu ou Tutsi) ont eu des mères (Hutu ou Tutsi) non Juives…

      Comptez le nombre de générations et de mixages d’ethnies qu’il y a eus depuis Ntare Rushatsi et je mets quiconque au défi de me démontrer qui est ou qui n’est pas Juif au Burundi!

      Tout n’est pas perdu pour autant : on peut en tout temps se convertir en Juif.

      • Gugusse

        @Gacece,

        Mon propos n’est pas tellement sur qui est victime de 72 ou qui ne l’est pas. Je ne connais pas un Burundais qui n’a pas été personnellement par nos crises répétitives.

        Mon propos vise ceux qui veulent nous figer dans nos antagonismes réels ou supposés.
        Et Fred et Yochanan font un bon boulot à ce sujet.

        Je connais, hélas, les élucubrations du Prince de Nkoronko.

      • Gacece

        @Gugusse
        Dans la recherche de la vérité, je suggère que la CVR revisite et redéfinisse qui étaient un Hutu, un Tutsi et un Twa avant la destruction, par la colonisation, des coutumes et de la réalité socio-culturelle du Burundi. Espérons qu’il existe encre des historiens « honnêtes » qui vont raconter cette vérité sans la déformer.

  2. Jeanne Francoise, Muhorakeye

    Vous donnez l exemple des « musulmans aux etats unis; les cafards au rwanda et laisse moi vous rappeler des abamenja, terme colle a tout hutu du burundi. Monsieur les demi verites sont pire que les mensonges . Faut tout dire et tout avouer, voyons! quand on aborde un sujet et se permette de donner des exemples avant d ‘aller parler de ce qui est de l autre cote de l atlantique , on commence d ‘abord a la maison. Meri

  3. Fred Nzeyimana

    (…) Avant et pendant le génocide au Rwanda, les Tutsi étaient assimilés à des cafards (« Inyenzi ») qui peuvent être écrasés sans aucune forme de procès. Et lors de la colonisation, on pouvait trouver des endroits réservés aux blancs. Des entrées portaient la mention : ‘’Interdit aux chiens et aux nègres.’’ Ecrit Budabuba

    J’AI UNE PETITE QUESTION POUR BUDABUDA
    Pourquoi un Burundais comme Lievin Budabuda, journaliste et doctorant en communication politique par surcroit, s’efforce-t-il de chercher en dehors du Burundi , des exemples typiques de discours d’intolérance dans une société post-conflit ?

    Et les noms de Bamenja donnés aux Bahutu par le régime de la dynastie des Tutsi Bahima afin de les assassiner et de les jeter dans des fosses communes ? Ces noms infames de Bamenja ou de Bana b’Abamenja sont toujours utilisés, entre autre par des gens comme Jean Bwejeri, plus de 50 ans après, colés aux descendants des Bahutu tués lors du génocide de 1972, commis par le premier gouvernement de la dynastie des Bahima du capitaime Michel Micombero.

    • Témoin

      Pourquoi cherchez-vous si loin? Il semblerait que vers 1994-1996, les gens qui étaient pourchassés par les sans-échecs dans les rues de Bujumbura, pour être brûlés vifs à l’aide des pneus enflammés avaient un nom: « amaboro »; qui signifiait, ni plus ni moins, des « cochons ». Comme quoi…

  4. Gacece

    « Quelles sont les visées des auteurs de ces discours d’intolérance politique? »
    Réponse alternative : Beaucoup… Beaucoup!…d’avantages monétaires!

  5. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Le moyen le plus efficace est de renforcer les principes de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit… »
    2. Mon commentaire
    L’exemple de l’Union Sovietique vient de me convaincre combien ces principes sont TRES IMPORTANTS dans la societe burundaise.
    Un membre d’un parti politique de l’opposition ou un frondeur du parti au pouvoir CNDD-FDD ne sont pas des ennemis du peuple burundais et ne devraient pas etre forces d’aller en exile PAR PEUR DE TUERIES EXTRAJUDICIAIRES.
    J’ai etudie a Moscou de 1971 a 1977, mais comme j’etais jeune et que je ne faisais pas l’histoire ou les sciences politiques, il y a certains aspects de la vie sovietique auxquels je n’ai jamais pense serieusement.
    « Les dirigeants du Parti recevaient un quota « d’ennemis » à dénoncer et à arrêter43. En juin 1937, le Politburo fixa un quota de 35 000 ennemis à arrêter dans la province de Moscou et 5 000 d’entre eux devaient être exécutés. En réponse, Khrouchtchev demanda que 2 000 paysans aisés ou koulaks vivant à Moscou soient exécutés dans le cadre du quota. Deux semaines après avoir reçu l’ordre du Politburo, Khrouchtchev rapporta à Staline que 41 305 « éléments criminels et koulaks » avaient été arrêtés et que 8 500 méritaient la mort43… »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Nikita_Khrouchtchev

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