Les pays membres de l’EAC appartiennent à d’autres blocs régionaux à savoir le COMESA, la CEPGL, la SADC, etc. Cela laisse des interrogations quant aux avantages ou inconvénients du fait d’appartenir à plusieurs communautés pour ces pays. Interview avec Richard Ndereyahaga, qui enseigne l’économie internationale à l’Université du Burundi.
Les pays de l’EAC sont aussi membres des autres blocs économiques régionaux, à savoir la CPGL, COMESA, SADC. Quelle est la particularité de chacun d’eux ?
Ces blocs économiques régionaux dont font partie les pays membres de l’EAC n’ont pas de grande différence entre eux. Chacun des blocs regroupe des pays par affinité ou par proximité régionale. La CEPGL, c’est sur une base beaucoup plus des pays des Grands lacs comme le nom l’indique et il comprend des pays limitrophes du Lac Tanganyika. C’est dans un esprit d’apaiser la tension politique qui avait existé à un certain moment et qui pourrait surgir n’importe quand que l’initiative a été créée. Le COMESA est un grand ensemble qui s’étend sur une échelle quasi-continentale. Il englobe beaucoup de pays et vise la réalisation d’un marché commun à cette échelle. La SADC poursuit presque les mêmes objectifs que le COMESA, mais se concentre sur l’Afrique australe. C’est presque les mêmes objectifs sauf que des actions se concentrent sur la Région sud de l’Afrique.
Quels sont les avantages que chacune de ces communautés offre aux pays membres ?
Chaque bloc a ses spécificités régionales. Le 1er avantage est lié à la coopération et aux échanges beaucoup plus intensifs qui puissent avoir lieu. Et c’est la spécificité par rapport à chaque région. Le 2ème avantage est que chacun des pays jouit des avantages que procurent les protections dont bénéficient les pays membres d’une communauté. La plupart des fois, ces communautés passent par l’harmonisation des régimes de taxes et douaniers impliquant la diminution ou la suppression des droits de douane. Un pays trouve intérêt à adhérer à une communauté parce qu’il bénéficie d’un accès libre au marché domestique des autres pays auquel il ne pouvait pas accéder avant.
Le fait d’appartenir à plusieurs communautés pour un pays a-t-il des avantages ou des inconvénients ?
L’appartenance multiple à plusieurs blocs économiques régionaux a beaucoup de conséquences négatives. Il y a même très peu d’effets positifs. D’une part, il y a plusieurs cotisations dans plusieurs communautés alors que la plupart des fois, ces communautés, hormis la spécificité de regroupement régional. On trouve que ces blocs poursuivent les mêmes objectifs. A la limite, certains blocs s’arrêtent à une étape alors que les autres avancent plus loin. On ne trouve pas d’intérêt particulier à adhérer à plusieurs communautés. Au contraire, il y a plusieurs inconvénients notamment cette perte en cotisations multiples. Quand vous ne parvenez pas à cotiser parce que cela coûte cher, vous devenez un mauvais élève. Et cela vous décrédibilise. D’autre part, il peut y avoir conflit d’intérêt. Les objectifs visés par une communauté peuvent devenir conflictuels avec ceux visés par un autre. Et quand vous êtes membres des deux communautés, vous ne parvenez pas à trancher quelle prérogative il faut suivre. Une autre conséquence, c’est qu’à un certain moment les négociations de l’Union Européenne et les pays ACP (Afrique Caraïbe et Pacifique) qui se passent dans le cadre des APE (Accords de Partenariat Economique), l’Union Européenne a décidé de négocier avec des blocs et certains pays avaient des difficultés de savoir dans quel bloc ils vont se situer. Par ailleurs, quand un pays est membre de plusieurs communautés, il perd son identité propre.
Quid du Burundi, qui est aussi membre de plusieurs communautés (l’EAC, CPGL, COMESA…) ?
L’idée essentielle, c’est d’essayer de procéder par une décision rationnelle. Eviter d’éparpiller ses énergies, ses moyens financiers, ses ressources techniques et humaines. Il faudrait donc que le pays cherche à adhérer à des blocs qui lui rapportent beaucoup, où l’adhésion est justifiée. Si le Burundi reste membre de tous les blocs, il perd doublement. Il perd sa crédibilité parce qu’il ne parvient pas à honorer ses engagements comme il faut. Le Burundi devrait se concentrer beaucoup plus vers l’EAC. C’est dans cette communauté où passent presque toutes ses marchandises, à l’entrée tout comme à la sortie. Les exportations y passent à plus de 80% et les importations à plus de 90%. Donc, les échanges du Burundi avec l’EAC sont plus intenses, d’où ses relations commerciales avec l’EAC devraient être privilégiées afin de garantir une bonne collaboration. Le Burundi devrait être sélectif dans le choix comme tout autre pays, au lieu d’appartenir à plusieurs communautés. Richard Ndereyahaga : « On ne trouve pas d’intérêt particulier à adhérer à plusieurs blocs économiques régionaux. » ©Iwacu