Le Burundi tire de son intégration dans la Communauté Est Africaine (EAC) des avantages. Pourtant, des commerçants se plaignent car rares sont ceux qui prospèrent. Pour le secrétaire général de la chambre sectorielle des commerçants du Burundi, les débuts d’une intégration sont toujours difficiles.
« Comment prospérer alors que nous payons des droits de douanes sur des produits fabriqués dans l’EAC. Or, le protocole de l’union douanière de l’EAC est clair sur ce point. Tout simplement, nous travaillons à perte », se plaint Jacqueline Kandava, une femme d’affaires qui importe plusieurs articles venus des pays de la Sous-Région. A part cela, elle affirme ne plus en mesure de faire le commerce des produits vivriers. SelonKandava, elle paie des frais de dédouanement alors qu’elle n’en était normalement exemptée. De citer l’exemple, des pommes de terre venues du Rwanda, très appréciées au Burundi : « Avant, un camion plein payait autour de 30 mille Fbu. Actuellement, des commerçants payent plus de 800 mille. »
Ce qui est paradoxale, pour Jacqueline Kandava, est que le Burundi favorise l’exportation. De ce fait, les commerçants des pays voisins, ayant des facilités chez eux, raflent les produits burundais, surtout les produits vivriers : « Ils profitent de notre faiblesse. » Entre autres, elle indique que l’OBR possède le taux de dédouanement des articles des meilleures qualités, « ce qui est bien ». Néanmoins, la plupart des commerçants n’achètent que des produits de qualité inférieure à cause du pouvoir d’achat des Burundais. Ce qui est incompréhensif, pour elle, c’est le changement du jour au lendemain du taux de douane : « Tu peux importer un article aujourd’hui et quand tu le ramènes, il a été augmenté. Cela nous perturbe. » Par conséquent, certains commerçants sont obligés d’abandonner leurs marchandises au port de Bujumbura car ils n’ont pas de moyens pour les dédouaner. « Nous demandons à ce que l’on affiche ces taux selon les articles importés, comme on le fait dans les autres pays, notamment au Rwanda », propose la femme d’affaires.
« Avant l’intégration, c’était le désordre »
Tout en reconnaissant qu’en partie, sur le plan mondial les prix ont flambé. Pour Cyriaque Ndayishimiye, secrétaire général de la chambre sectorielle des commerçants (ACOBU), il est normal que des commerçants se plaignent car les débuts d’une intégration régionale sont toujours difficiles. Il explique qu’il existe trois sortes de commerçants. La première catégorie est faite de grossistes. Possédant de grands capitaux, ceux-ci importent et amènent des marchandises dans des conteneurs. La deuxième est celle des commerçants moyens qui, pour importer, se regroupent pour remplir un ou plusieurs conteneurs. La troisième est celle de petits commerçants avec un capital de 1000 ou 2000 USD. Ceux-ci amènent des marchandises dans des sacs en plastic et comme moyen de transport, les bus : « Avant l’intégration, toutes ces catégories travaillaient en désordre. Que ce soient ceux qui dédouanaient aux frontières ou amenaient leurs marchandises jusqu’au port de Bujumbura pour y être dédouanées. » Pour illustrer ses propos, il indique qu’auparavant, sur les frontières, un petit commerçant pouvait payer 100 mille Fbu comme frais de dédouanement, après avoir corrompu. Ainsi, il faisait passer ses marchandises à moindre coût. De même, pour les grossistes, qui amenaient, par exemple 100 tonnes. Ils pouvaient seulement déclarer 10 tonnes et aussi donner des pots de vin de 1 million de Fbu ou plus. Les 90 tonnes pouvaient passer sans être dédouanés : « Cela a perduré plusieurs années. A cette époque, seuls les commerçants honnêtes se plaignaient. Mais ils étaient peu nombreux. De plus, certaines autorités, au courant de ces magouilles, étaient de mèche avec ces commerçants. »
L’intégration régionale présente de multiples avantages
Avec l’intégration régionale et l’avènement de l’OBR, Cyriaque Ndayishimiye se réjouit que les choses aient changé. Les tricheries ont sensiblement diminué car les commerçants doivent tout déclarer de peur d’être sanctionnés : « La flambée des prix est due en partie à cela car ils essaient d’avoir les profits comme avant. Or, ajouter au prix d’achat, les frais de douane, ceux de transport, la double taxation, les prix au marché augmentent sensiblement. » Par ailleurs, pour lui, l’intégration régionale présente de multiples avantages en ce qui concerne la réduction et l’harmonisation tarifaires, la circulation des biens, l’existence des barrières non tarifaires, etc. Le problème majeur, poursuit le secrétaire général de l’ACOBU, se situe au niveau de l’application des lois sous-régionales ratifiées par le Burundi : « Cette intégration a commencé sur un problème fondamental. D’abord, les lois sont votées en langue anglaise que la plupart des dirigeants burundais ne maîtrisent pas. Ensuite, nos représentants votent sans réellement comprendre les enjeux. » Et d’ajouter que souvent ce sont des lois incomplètes, mal comprises et faites. Ensuite, elles sont mal appliquées. Il cite l’exemple de la loi sur l’importation, les droits de douane et la TVA : « Les commerçants subissent une double taxation sur les produits fabriqués dans l’EAC. Dans notre pays, l’OBR continue à appliquer une ancienne loi. »
Des problèmes ne manquent pas. Mais, ils sont surmontables …
Selon lui, la plus grande plainte des commerçants concerne en outre la taxation des produits vivriers. Aucune taxe ne devrait normalement être payée à l’entrée. Sauf au Burundi, aucun pays ne le fait : « Cette situation est due à l’ambigüité causée par l’interprétation de la loi portant institution de la TVA sur les produits exonérés de TVA. » Elle est entrée en vigueur suite à la sortie d’une ordonnance ministérielle du ministère des Finances en 2009. Cette dernière stipule que seul le cultivateur n’est pas taxé. Pourtant, une note circulaire relative à la gestion de la TVA est sortie après l’ordonnance et reprend ce qui est stipulé par la loi : que les produits vivriers sont exempts de taxes. Un autre problème, précise-t-il, ce sont les certificats d’origine demandés par l’OBR. Souvent, cette institution affirme qu’ils sont faux sans pour autant dire sur quoi il se base pour reconnaître leur authenticité. De plus, peu sont ceux qui achètent des produits directement dans des usines, les seules à les octroyer aux importateurs : « Les commerçants sont acculés par l’OBR, qui veut faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, coûte que coûte. » Toutefois, tous affirment que ces problèmes « sont surmontables» si tous s’y mettent. Comme solution, le secrétaire général de l’ACOBU demande l’honnêteté de deux côtés. Aux commerçants, de déclarer toutes les marchandises importées. Du coté de l’OBR, appliquer les lois signées depuis l’intégration du Burundi dans l’EAC. Deuxièmement, il suggère des formations à grande échelle à l’endroit des commerçants pour connaître leurs droits et devoirs puisque 90% d’entre eux ne sont pas instruits pour mieux se défendre et défendre leurs intérêts conformément à la loi. Au niveau de l’OBR, il demande la sensibilisation de ses agents afin de traiter les commerçants comme des partenaires non comme « des voleurs »