Trois commissaires de police dont deux anciens des corps de défense et de sécurité et un ancien de la rébellion affirment que l’intégration, en 2004, a été une réussite pour les protagonistes.
<doc6316|right>« Dans leur différence organisationnelle, formation, mission, statuts… les éléments qui ont adhéré la PNB ont fait preuve d’une volonté de cohabitation pacifique, de respect mutuel, de tolérance, etc. », soutient Edouard Nibigira, directeur général de la planification et des études stratégiques au ministère de la Sécurité publique.
Quant à une opinion qui estime que l’intégration a été opérée au profit des mouvements rebelles, le commissaire Nibigira tranquillise: « Il ne s’agit pas d’une dissolution ou d’un démantèlement des anciens corps de défense et de sécurité par la rébellion.» Il fait savoir que l’intégration émane de l’accord d’Arusha et de l’accord global de cessez-le-feu entre le gouvernement de transition et des groupes rebelles. « La PNB résultera donc de la fusion de l’ancienne gendarmerie, la Police de Sécurité Publique (PSP), la Police Judiciaire (PJ) et la rébellion dans son ensemble », précise-t-il.
Les raisons de la réussite
Grâce à une bonne préparation psychologique (causeries morales), souligne Emmanuel Mbonirema, chef du Bureau chargé des études de la planification à la direction générale de la police, les forces de sécurité régulières accueillent favorablement la fusion.
Du côté des rebelles, Zénon Ndabaneze, président de la Commission Nationale de Lutte contre la Prolifération des armes légères et de petit calibre, déclare qu’ils suivaient aussi le processus. Des sites de rassemblement sont alors mis en place pour les mouvements rebelles. Cette ouverture d’esprit mutuelle, s’accordent les trois commissaires, permettra la mise en place de l’Etat-Major chargé d’étudier les modalités de l’intégration.
Critères d’intégration et harmonisation des grades
Côté gouvernemental, les commissaires Nibigira et Mbonirema déclarent que ce sont des politiques qui décidaient qui devraient intégrer la police ou l’armée. Tandis que le commissaire Ndabaneze fait savoir que le choix était libre. Toutefois, son mouvement privilégiait des gens qui ont un certain niveau d’instruction : « Des gens capables de lire et de comprendre ce qui est marqué sur la carte d’identité par exemple. »
Quant à l’harmonisation des grades, les trois commissaires soutiennent que cela n’a pas constitué d’obstacle même si les statuts de la rébellion étaient très différents de ceux des forces régulières. Zénon Ndabaneze se souvient que du temps de la rébellion, ils se référaient sur le manifeste d’intégration : « Un grade acquis, personne d’autre n’avait le droit de le changer. » Lui, qui était parti en 1995 avec le grade de sous-lieutenant, intégrera la police sous le grade de colonel. Même son de cloche chez le Commissaire Nibigira : « Chaque partie belligérante présentait ses éléments avec leurs grades. On n’avait pas à rétrograder ou à grader qui que ce soit. »
La formation a suivi
Dans la fraîcheur de l’intégration, la PNB procède à une mise à niveau de tous les policiers, au renforcement de leurs capacités, à leur professionnalisation, etc. D’après le commissaire Nibigira, la professionnalisation pour résoudre le problème des effectifs devenu est un casse-tête. Pour la formation, il raconte que l’Ecole Nationale de la Police (ENAPO) est remplacée par l’Institut Supérieur de Police et l’Ecole des Brigadiers de police (se trouvant à Muramvya). Et prochainement, la PNB envisage d’ouvrir des centres d’instruction au niveau des régions de police et la démilitarisation effective de la PNB par la création d’une police de proximité.
La question ethnique résolue
Même si des enquêtes n’ont pas encore été menées pour voir si la parité ethnique entre Hutu et Tutsi est respecté, les trois commissaires se réjouissent : « Aujourd’hui, personne n’a peur de se faire recruter à la police comme à l’armée. Fini le mythe d’une police ou armée monoethnique, tutsi et hima de Bururi. »
Cependant, les commissaires Nibigira, Mbonirema et Ndabaneze reconnaissent que la question des armes qui pullulent toujours dans la population reste un grand défi. Et ce malgré la réussite de la campagne de désarmement. Et Zénon Ndabaneze d’expliquer que certaines armes échappent au contrôle des structures officielles : « Il s’agit d’un problème commun à tous les pays post-conflits. On aimerait vivre comme si nous étions au ciel, mais n’oublions pas que nous sommes sur terre. »
| Article publié dans la série Conférences pour mémoire |