Lundi 25 janvier a débuté, à Buyenzi, la démolition des kiosques construits sans le respect des normes de l’urbanisme, en commune Mukaza. Rénovat Sindayihebura, son administrateur, fait le point. Il revient aussi sur la gestion des déchets, l’éclairage public, l’état de la voirie urbaine, etc.
Qu’est-ce que la commune Mukaza ?
C’est une des trois communes de la mairie de Bujumbura. Elle est limitée au nord par la rivière Ntahangwa, au sud par la rivière Muha. A l’Ouest, il y a le lac Tanganyika, et à l’Est, une partie des Mirwa. Elle comprend quatre zones dont Rohero (8 quartiers), Bwiza (7 quartiers), Buyenzi (7 quartiers) et Nyakabiga (4 quartiers). Elle a une superficie de 32km2 et 400 mille habitants. Bref, c’est le cœur de Bujumbura.
Juste sa localisation géographique pour être le cœur ?
Beaucoup d’éléments le prouvent. Sa population est cosmopolite. Des Congolais, des Maliens, des Sénégalais, des Ivoiriens, des Rwandais, des Arabes, des Indiens, etc. Des diplomates et des employés des ONGS vivent à Mukaza. Des métis aussi. Même ceux qui descendent à Bujumbura disent qu’ils se rendent à Mukaza.
Et côté infrastructure ?
C’est là où on trouve la majorité des bureaux de l’Etat et plus de 50 % de l’activité commerciale de Bujumbura. Il y a la quasi-totalité des hôtels hauts standings, le Stade International Intwari, les ambassades, les grands magasins, les plus anciens hôpitaux, des grands marchés, grandes galeries, des restaurants ou des bars de renom, les grands campus universitaires publics et privés, etc.
Qu’en est-il de son développement ?
Nous ne sommes pas encore au niveau escompté. Car, notre souhait est que le centre de la ville de Bujumbura reflète le développement, la propreté, qu’il soit attrayant. Ce qui exige de belles constructions, des gens propres, bien habillés, soignés, des lieux bien balayés, etc.
C’est dans cette optique que nous sommes en train d’installer des poubelles publiques. Une cinquantaine est déjà là. Une opération programmée jusqu’en juin. Notre but est d’avoir une poubelle publique entre 600 m et 800 m.
Est-ce qu’elles ne débordent pas, sont-elles bien utilisées ?
Oui. Il y a une évolution positive. Mais, certaines personnes n’ont pas encore compris leur bienfait. Elles jettent encore les déchets dans les caniveaux, sur les avenues. Là, nous demandons toujours la contribution des médias, des églises, les organisations de la société civile, … pour la sensibilisation.
Et dans les quartiers ?
Chaque ménage doit avoir sa poubelle. Les chefs des quartiers doivent exiger aux boutiquiers de faire de même. Les habitants doivent apprendre aussi à trier les déchets. Après les poubelles, en collaboration avec la mairie, des toilettes publiques seront installées.
Pour réussir, il faut instituer une taxe de salubrité. Une demande est déjà soumise aux législateurs. Une loi qui va toucher les grands producteurs de déchets plastiques par exemple comme les usines de production des bouteilles plastiques, des sacs, etc. Bref, il faut appliquer le principe de pollueur-payeur.
Y-a-t-il un lien entre la gestion des déchets et ces démolitions de ces ‘’constructions anarchiques’’ ?
Oui. C’est toujours pour rendre notre ville propre. A Bwiza, Buyenzi, nous sommes juste au début de l’opération. Il y a trop d’anarchie. Des gens ont construit au-dessus des caniveaux, dans l’espace réservé aux câbles et tuyaux de la Regideso. Ils y exercent des activités commerciales. Et les caniveaux sont bouchés.
Qu’en est-il de la gestion des eaux pluviales et ménagères ?
Les inondations sont devenues récurrentes dans notre ville. La ville s’est agrandie mais les caniveaux d’évacuation des eaux sont restés les mêmes. Ils n’ont jamais été élargis. Nous devons étudier comment gérer ces eaux dans nos parcelles.
Comment comptez-vous le faire ?
Chaque propriétaire d’une parcelle devra installer un puisard de 4 à 5 mètres. Des eaux domestiques seront canalisées vers là. Idem pour une quantité importante des eaux pluviales. Des études ont montré qu’avec un puisard, il y a moyen de faire une gestion des eaux sur place. Et le coût n’est pas exorbitant. C’est autour de 200 mille BIF. Nous avons même déjà donné une instruction à ceux qui font le pavage à Buyenzi de ne plus installer ces tuyaux d’évacuation des eaux domestiques vers les caniveaux.
Quid de la protection du lac Tanganyika ?
Tous les déchets jetés dans les caniveaux, les rivières… finissent dans le lac. Ce qui accentue la pollution. Cela entraîne une nette diminution de la production du poisson. Pour ce patrimoine, nous comptons installer des barrages de filtrage des déchets au delta de toutes les rivières qui se jettent dans le lac. Idem pour les canaux d’évacuation des eaux.
Pour qu’une ville soit belle, il faut qu’elle soit éclairée. Qu’en est-il de l’éclairage public à Mukaza ?
Nous avons recommandé aux habitants d’installer des lampes pour éclairer les avenues. Nous apprécions le comportement de certains natifs des quartiers qui commencent à prendre des initiatives privées pour éclairer leurs localités.
Quid de l’éclairage public qui devait être fait par la Regideso ? Des poteaux seulement ?
Comme vous le savez et cela a été d’ailleurs été signalé par le président de la République, la Regideso a eu de sérieux problèmes. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Peut-être que c’est lié à sa gestion. Elle n’a pas pu remplir convenablement ses tâches. Et pour se dédouaner, cette entreprise avait tendance à demander à la mairie de payer les factures d’éclairage public. Et cette dernière n’en est pas capable.
Nous vous annonçons qu’il y a un grand projet de la mairie de Bujumbura d’éclairer les grands axes routiers urbains. C’est une préoccupation du maire de la ville. Nous comptons procéder à une délocalisation des différents garages installés dans les rues de Buyenzi.
Comment ?
Nous allons créer un espace dénommé ’’Village des métiers’’. Et nous sommes déjà en concertation avec ABUTIP. Une fois le site identifié, tous ces garages seront déplacés vers là.
Mais ce n’est pas pour la première fois que cette délocalisation est annoncée, en vain. Par quel moyen comptez-vous réussir finalement ?
Le plus important est la volonté. C’est parmi nos priorités. Ce qui fait échouer beaucoup les projets, c’est le manque de vision. L’autre garantie, ce sont les moyens. Nous sommes en train de sensibiliser ces garagistes. Je suis convaincu qu’ils vont comprendre. Pas seulement à Buyenzi mais dans toute la commune de Mukaza. Mais, la première condition de réussite est de trouver cet espace.
Les espaces verts sont presqu’inexistants à Mukaza. Que comptez-vous faire à ce niveau ?
Là, je dois avouer que nous avons été distraits. Car, le nombre d’espaces verts, publics est allé decrescendo au fur des années. Aujourd’hui, il faut protéger le peu qui nous reste. C’est une promesse.
Pour rendre Mukaza vert, nous allons planter des arbres entre les caniveaux et les parcelles. A Buyenzi et Bwiza, ce sont deux zones presque «désertiques».
Chaque propriétaire doit planter au moins deux arbres dans sa parcelle. De préférence des arbres de même espèce par zones.
Dans certains quartiers comme Bwiza, il y a des endroits où les jeunes s’adonnent à la consommation des drogues. Une préoccupation ?
Oui. C’est vraiment une menace pour notre jeunesse. Ces endroits existent à Bwiza, même à Buyenzi. Nous en avons déjà parlé aux forces de l’ordre. Ce sont des délinquants adultes. Mais, ils ont des origines. Nous sommes en train de planifier comment les rapatrier chez eux en collaboration avec le ministre des Affaires sociales.
Mais, nous avons réalisé que si on le fait précipitamment, ce n’est pas une meilleure solution. Nous allons les prendre comme d’autres vulnérables, rapatriés, et leur donner un paquet retour. Pour qu’ils ne meurent pas de faim après leur rapatriement. Car, beaucoup d’entre eux sont des anciens domestiques ou des anciennes nounous. Ils ont besoin d’une assistance sociale.
Mais il y a aussi des enfants des quartiers dits « aisés » qui viennent là ?
Une pire réalité. Et cela est dû au fait que beaucoup des parents ne se donnent plus assez de temps pour éduquer leurs enfants. Ils se réveillent le matin pour aller travailler, chercher de l’argent pour les besoins familiaux.
Nous oublions qu’en plus des biens matériels, nos enfants ont besoin d’être éduqués. Nous demandons aux parents de se ressaisir. Pour juguler ce phénomène, il faut une synergie entre l’administration, les forces de l’ordre et de sécurité et les parents.
Est-ce que le manque d’autonomie de gestion pour les communes urbaines n’handicape pas vos projets ?
Oui, nous n’avons pas encore une autonomie de gestion. Mais, c’est une question qui préoccupe nos autorités hiérarchiques. Nous pensons que la question sera résolue d’ici bientôt.
Seulement, les défis ne peuvent pas manquer. Parce que tous ces projets demandent de l’argent. S’il y a une activité qui demande de l’argent, on doit approcher le maire de la ville.
La voirie urbaine est en mauvais état …
Oui malheureusement. Des poids lourds abîment nos avenues pavées. Normalement, ces avenues ne sont pas autorisées à un tonnage de 15 tonnes. Mais, on y voit des camions transportant 80 tonnes, 100 tonnes.
Si les moyens le permettent, en collaboration avec le maire, nous allons installer des panneaux de signalisation pour rappeler à l’ordre leurs chauffeurs.
Les routes goudronnées ne sont pas aussi totalement en bon état. Mais, elles sont en train d’être réhabilitées. Pour les avenues, nous demandons l’appui des grands commerçants, des entreprises, des investisseurs pour leur réhabilitation. Il faut aussi que les gens apprennent à protéger ces infrastructures publiques.
Quel est votre rêve pour la commune ?
Oui, je suis nouveau à la tête de cette commune. Et ce, après avoir exercé plusieurs fonctions comme enseignant, directeur d’une école, conseiller à la présidence de la République. A la fin de mon premier mandat, mon rêve est de laisser Mukaza propre et prospère.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze